Près de 2 ans après son dévoilement, l’exclusivité PlayStation 4 Concrete Genie est enfin disponible pour les amateurs de peinture et d’univers enchanteurs. C’est PixelOpus qui le développe et Sony qui édite, prouvant que la firme japonais accorde toujours une chance aux jeux dits AA. Oui, Concrete Genie n’est pas une grosse production mais ce n’est pas une raison pour l’ignorer, tant le jeu se montre charmant à bien des niveaux, comme on a eu l’occasion de le constater lors de notre preview. Cependant, a-t-il de quoi faire durer le plaisir jusqu’au bout ou montre-t-il vite ses faiblesses ? Prenez vos pinceaux et vos tabliers, il est temps de dépeindre l’aventure qu’est Concrete Genie.
Test réalisé sur PlayStation 4 grâce à une version numérique fournie par l’éditeur
La solitude est un art
Concrete Genie nous met dans la peau d’Ash, un jeune adolescent qui adore dessiner des bêtes fantastiques et se remémorer le bon vieux temps à Denska, lieu principal du jeu. Havre de paix et d’amour par le passé, Denska est désormais une ville sombre, frappée par les ténèbres et la pollution suite à un accident de pétrolier. Tandis qu’il crée des œuvres tranquillement, Ash se fait maltraiter par les petits caïds du coin, qui vont jusqu’à prendre son cahier de croquis et arracher les pages sous les yeux attristés de notre héros sans qu’on ne sache trop pourquoi. Alors qu’il se voit piéger dans un téléphérique montant jusqu’au phare de la ville, il découvre qu’il possède des pouvoirs particuliers : ses dessins peuvent prendre vie et sa meilleure création, Luna, l’incite à redonner à Denska sa beauté d’antan.
Si Concrete Genie est assez manichéen dans l’ensemble, opposant simplement les lumières aux ténèbres et la gentillesse à la méchanceté comme dans bon nombre d’autres œuvres (Kingdom Hearts en tête), son histoire est malgré tout fort touchante et plaisante à suivre. Les interactions entre Ash, ses créatures et les voyous nous font passer par une belle palette d’émotions : tristesse, émoi, colère, admiration et on en passe. Les méchants font tout ce qui est en leur pouvoir pour qu’on les déteste mais PixelOpus sait également les rendre plus complexes qu’il n’y parait au premier regard. Ash, lui, est un héros très sympathique aux pensées nobles, bienveillantes, qui sait également nous faire sourire ici et là, notamment avec ses fameuses créatures de peinture, les Génies. Ces derniers sont tout à fait dignes de leur créateur, à savoir attachants et donnent lieu à des séquences émouvantes. Bien qu’il soit assez prévisible dans le fond, on ne ressort pas indemne du scénario de Concrete Genie, sa mise en scène et ses dialogues étant maîtrisés du début jusqu’à la fin. Il traite également avec finesse de thèmes durs comme la solitude et le harcèlement, des sujets qui sont loin d’être évidents.
Street Art
Bien que Concrete Genie jouit du statut de jeu édité par Sony, il reste un AA malgré tout et ça se ressent quelque peu dans sa jouabilité. On contrôle donc Ash dans le petit (vraiment petit) monde ouvert de Denska et le but principal du jeu, c’est de redonner vie à la ville grâce à la peinture, le point fort du titre. Une fois qu’Ash a ses pouvoirs, il peut dessiner sur les murs et créer des créatures vivantes ainsi que des décors enchanteurs l’aidant dans sa quête. Si l’on créé surtout pour voir de belles œuvres prendre vie (ça, on y a reviendra plus tard), cela sert également à avancer dans le jeu. Afin de purifier chaque zone de la ville des ténèbres, on doit rallumer plusieurs ampoules grâce à la peinture et pour cela, il faut s’aider de tous les éléments à notre disposition. Ainsi, Ash peut courir, sauter sur des plates-formes, grimper sur les murs, glisser sur des cordes à l’aide de son pinceau géant, appeler ses génies pour qu’ils puissent lui venir en aide, etc. Ash se contrôle comme un charme, sauf peut-être lors de certains sauts qui ne sont pas tout à fait optimisés. L’exploration de Denska est primordiale, puisqu’il faut retrouver les croquis éparpillés ici et là afin de pouvoir avancer, tout en découvrant les événements passés via des journaux à récupérer et quelques phases de tensions avec les ennemis à éviter, sous peine qu’ils volent le pinceau d’Ash. Les balades dans cette triste ville sont agréables et on se plaît à la colorier afin qu’elle gagne un aspect magique et charmant, surtout que tout se fait simplement grâce à l’aide des capacités gyroscopiques de la Dualshock 4.
Explications : en appuyant sur R2, on accède au mode peinture et en choisissant divers croquis, on peint à l’aide du curseur et des mouvements de la manette, pour un résultat précis et franchement plaisant. Bien que l’on ne puisse pas peindre tout et n’importe quoi, on a une bonne liberté en ce qui concerne l’aspect des créatures et décors que l’on peut créer grâce à différentes personnalisations possibles et de nombreux éléments de décors présents, passant d’une aurore boréale à une nuée de papillons, entre autres. Outre l’aspect esthétique, la peinture donne lieu à diverses petites énigmes afin de pouvoir avancer. Par exemple, pour qu’un Génie puisse vous aider à avancer alors qu’un obstacle vous bloque, il faut qu’il vous suive de murs en murs via la touche L1 et vous lui dessinez du feu pour le motiver à brûler du tissu, révélant un objet utile. Il y a pas mal de phases du genre et bien qu’elles soient assez évidentes, on a du mal à s’en lasser tant il est sympathique de manier le pinceau d’Ash. Cependant, un peu plus de difficulté n’aurait pas été de refus, aucun casse-tête ne posant réellement de souci : en effet, le challenge ne pointe pas vraiment le bout de son nez dans Concrete Genie. Les petits malfrats qu’il faut fuir de temps à autre sont très faciles à éviter, puisqu’il suffit de monter plus ou moins haut et de s’éloigner pour qu’ils laissent Ash tranquille, surtout qu’on les berne facilement en les attirant où bon nous semble. De même pour les parties de plates-formes, assez automatisées façon Uncharted et les rares sauts un peu techniques ne sont guère difficiles, surtout qu’il est quasiment impossible de mourir dans le jeu. C’est dommage car avec davantage de tension, l’expérience Concrete Genie aurait pu être plus palpitante, surtout que son aspect émerveillement est une réussite. Le titre accuse également d’une certaine répétitivité, la majorité des chapitres faisant refaire exactement les mêmes phases, à savoir allumer des ampoules et chasser les ténèbres tout en peignant, fuyant et collectant croquis ainsi que journaux.
Heureusement, la dernière partie du jeu introduit un peu de nouveauté via les combats. Sans trop en dire, après un certain passage, Ash se voit gagner des pouvoirs supplémentaires et il doit affronter des Génies maléfiques. Cela apporte un peu de fraîcheur mais ne vous attendez pas à voir des combats profonds, les ennemis ayant tous les mêmes comportements et pouvoirs, à peu de choses près. De plus, cela dure que très peu de temps dans un jeu se finissant tout de même en seulement 5-6 heures. Certes, il ne coûte que 29,99€ de base et il y a de quoi rallonger un peu la durée de vie en souhaitant tout voir, tout collecter mais 1 ou 2 niveaux supplémentaires, un peu plus variés, n’auraient pas été de refus, le tout avec plus de difficulté sur la fin. Malgré tout, on s’amuse dans Concrete Genie et c’est le principal, le tout en s’en prenant plein les yeux. Notons également qu’en dehors de l’aventure principale, il y a un mode VR pour faire un peu de peinture d’une manière différente ainsi qu’un mode peinture libre, afin de faire exploser votre créativité.
Dans le noir, toutes les couleurs s’accordent
S’il y a bien un point où Concrete Genie a de quoi faire l’unanimité, c’est sa direction artistique de 1000 feux. Si l’on peut être dérangés au départ par les bouches et yeux animées en 2D sur des personnages en 3D, on s’y habitude vite et le reste du jeu offre un spectacle constant. Le style des personnages et des décors est original, charmant, rappelant quelque peu les films d’animation de Tim Burton. Là où ça impressionne vraiment, c’est au niveau des peintures, avec des dessins vraiment réussis et des animations tout à fait mignonnes. Les Génies que l’on créé interagissent avec tout ce qu’ils croisent pour un résultat des plus charmants. Le meilleur reste le fait que chaque peinture ne s’efface jamais, ainsi, plus on avance et plus Denska redevient magnifique sous nos coups de pinceaux, donnant vraiment une utilité à la peinture. Techniquement, on a certainement vu mieux ces dernières années, certaines textures étant assez moyennes et le framerate toussant un peu de temps à autre mais cela reste malgré tout fort correct pour un petit jeu du genre, surtout que les effets de lumière et de reflets sont saisissants, faisant davantage ressortir les œuvres que l’on fait. Une réelle réussite artistique. Petit plus : le mode photo, permettant de prendre des clichés à quasiment tous les moments, est bien fichu.
Si on en a plein les mirettes, on en a également plein les oreilles : outre des voix françaises réussies, collant parfaitement à chaque personnage et ce dans des tons toujours justes, les musiques de Concrete Genie accompagnent avec brio l’esthétique et les moments forts du jeu. Musiques mélodieuses quand on peint, stressantes et sinistres lorsque l’on se fait pourchasser ou quand on fait face aux ténèbres, notes poignantes lors des moments d’émotions avec les Génies, grandioses lorsque la lumière chasse l’obscurité… Là aussi, c’est un quasi sans-faute. Quel dommage que la partie gameplay du jeu ne soit pas en parfaite adéquation avec le côté artistique, Concrete Genie échappe ainsi de peu au statut de chef-d’oeuvre. Dans tous les sens du terme.
Verdict : 7/10
Il est vraiment difficile de noter Concrete Genie : si le bébé de PixelOpus impressionne par son ambiance, son histoire, son originalité et son charme fou, il est également imparfait du côté gameplay et assez court, ce qui pourrait en freiner plus d’un, malgré un prix de départ attractif. Néanmoins, des jeux comme Concrete Genie, on en voit pas passer tous les jours et au final, ce qu’on en retient, c’est une aventure captivante, émouvante, qu’on dévore d’une traite afin de redonner le sourire à Ash et les êtres qu’il croise sur sa route. Avec un peu plus de travail côté difficulté et variété, on aurait affaire à un véritable bijou. Ceux qui jurent principalement par l’émotion et l’amour de l’art risquent tout de même d’adorer, quant aux autres, gare à un jeu qui se veut majoritairement contemplatif, malgré ses bonnes idées.
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