Vous n’êtes probablement pas sans savoir que certains alcools se bonifient avec le temps. L’exemple du vin est l’un des plus parlants tant il est le plus utilisé, mais cela vaut également pour le Whisky ou encore le Rhum pour ne citer que ces alcools forts. Évidemment, cela n’est pas valable pour tous : de bons alcools ne deviennent pas forcément meilleurs avec le temps, certains médiocres dévoilent leurs meilleurs arômes au bout de quelques années quand d’autres restent mauvais ou deviennent plus savoureux. Ce procédé s’applique aussi aux jeux vidéo, et la bonne nouvelle c’est que Catherine: Full Body n’a rien perdu de sa superbe ces dernières années.
Test réalisé sur PlayStation 4 grâce à une copie numérique fournie par l’éditeur après plusieurs nuits de cauchemar. Malheureusement nous ne nous sommes jamais réveillés aux côtés d’une jolie blonde aux yeux bleus
Une robe éclatante et somptueuse
En 2011, alors que Persona 5 n’était pas encore en projet, le monde découvrait Catherine : un titre atypique que l’on doit en partie au génial trio composé de Katsura Hashino (directeur et producteur), Shigenori Soejima (character designer et art director) et Shoji Meguro (compositeur). Le nom de ces trois messieurs ne vous dit peut-être rien si vous n’êtes pas familiers avec l’univers des J-RPG, et pourtant, ils gagnent à être connus tant il est reconnu que leur union donne naissance à d’excellents titres, à commencer par les derniers opus canoniques de la franchise Persona. S’ils ne sont évidemment pas les seuls à qui l’ont doit imputer la qualité des titres sur lesquels ils ont travaillé, reconnaissons tout de même qu’ils y ont, chacun à leur façon, insufflé une part d’âme. Que serait un Persona sans son chara design, sa direction artistique ou encore son OST groovy ?
Forcément, Catherine était destiné à attirer le regard des joueurs curieux ainsi que des amateurs de la licence susnommée. S’il n’était d’ailleurs pas prévu initialement chez nous (Atlus ayant précisé avant qu’il ne soit disponible au Japon qu’aucune sortie occidentale n’était prévue), c’est grâce à l’éditeur Deep Silver que l’on a pu découvrir un an après nos amis nippons le terrible triangle amoureux composé de Vincent Brooks, Katherine McBride et Catherine. Nous évoquions plus haut le caractère atypique du jeu, puisque sous ses airs de comédie romantique animée se cache une œuvre bien plus profonde qu’il n’y paraît, dépeignant la complexité des relations amoureuses (et plus précisément l’engagement) prenant la forme d’un puzzle-game.
En couple depuis plus de 5 ans, Katherine et Vincent vivent une histoire somme toute banale : tandis que le jeune homme vit de façon insouciante, échappant à ses responsabilités dès qu’il le peut et préférant passer ses soirées au bar avec ses amis ; sa petite-amie est elle bien plus terre-à-terre, sérieuse et souhaiterait s’engager de façon plus officielle. Alors qu’il préférerait que sa vie ne change pas, Vincent fera très vite la rencontre de Catherine, qui du haut de ses 22 ans et de ses yeux bleus clairs, parviendra très vite à s’attirer sa sympathie. Il faut dire que la jeune fille ne manque pas d’atouts et représente peu ou prou tout ce que Vincent ne retrouve plus dans Katherine. L’histoire tisse donc la toile d’un triangle amoureux sur fond de mystérieux décès. En effet, certains hommes sont retrouvés morts dans leurs sommeils, et les quelques légendes urbaines qui vont bon train dans le Stray Sheep, le bar fétiche de notre héros, ne sont pas sans l’inquiéter.
Si ce postulat de base n’a pas changé, Catherine Full Body introduit dès le début de l’aventure un nouveau personnage féminin prénommé Rin. Allure chétive, cheveux roses et coiffure de lycéenne première de la classe en font d’elle un protagoniste attachant pour le joueur mais aussi pour Vincent. Véritable ajout scénaristique, elle offre un réel intérêt à ce remaster qui ne se contente pas simplement de proposer le même contenu qu’à sa sortie en 2012 chez nous. Nouveaux dialogues, nouvelles cinématiques mais aussi nouvelles fins sont alors de la partie. La trame de base reste la même, les événements se produisent toujours aux mêmes moments mais impliquent désormais la présence de la petite nouvelle.
Ainsi le déroulement du jeu n’a pas changé d’un poil : les journées sont l’occasion de faire avancer l’histoire à travers des cut-scenes et autres scénettes mettant en scène le héros et son entourage, tandis que le soir fait la part belle au gameplay. Découpées en deux parties bien distinctes, les premières parties de soirées se déroulent au Stray Sheep où le protagoniste y boit avec ses amis. C’est l’occasion pour le joueur de discuter avec les clients du bar, de consulter ses e-mails et d’y répondre, de jouer au mini jeu Rapunzel, de profiter du large panel de chansons mis à disposition ou encore de se préparer à la terrible nuit qui s’annonce.
Un arôme délicat et agréable en bouche
Depuis que Katherine a dévoilé ses envies d’engagement à son amoureux, ce dernier fait des cauchemars qui sont l’occasion de découvrir le cœur même du gameplay, à savoir ses puzzles. Face à des tours composées de blocs, Vincent doit parvenir au sommet afin de ne pas tomber dans le vide et mourir durant son sommeil. Pour ce faire, il lui est possible de pousser les blocs, les tirer, s’agripper aux rebords… Tout le concept réside dans le fait qu’un bloc doit impérativement toucher l’arrête d’un autre pour être maintenu. Dans le cas contraire, il chutera si rien n’est présent pour le retenir. Si cela semble facile au premier abord, le jeu intègre de nombreuses subtilités telles que des blocs spéciaux : certains sont plus lourds et donc plus longs à déplacer, d’autres sont gelés et le simple fait de passer dessus fait inéluctablement glisser Vincent jusqu’à ce que quelque chose le stoppe dans sa course ou bien jusqu’à ce qu’il chute.
Des objets sont également disséminés dans les niveaux afin d’offrir un coup de main non négligeable. Il peuvent faire apparaître une plateforme composée de 3 blocs basiques sur 3, permettre de réaliser un super saut… ou encore éliminer les adversaires à l’écran. Car oui, notre héros ne sera pas le seul à tenter de gravir les immenses tours qui composent les différents stages de l’aventure. Comme nous l’évoquions plus haut, le scénario nous raconte très vite que plusieurs hommes sont retrouvés morts durant leur sommeil, et cela n’est pas sans rapport avec les cauchemars de Vincent dans lesquels les personnages masculins sont tous représentés par des moutons. Une représentation qui n’est pas dénuée de sens, puisque Catherine: Full Body, à l’instar d’un Persona, a pour cœur de s’intéresser à la psyché de ses personnages et d’aborder un sujet que l’on a rarement croisé dans le jeu vidéo.
Si le héros de l’aventure doit avant tout escalader d’inlassables monticules de blocs, c’est bien évidemment pour rester en vie et ne pas tomber dans le vide, mais aussi pour échapper aux boss qui se trouvent chacun dans le dernier niveau de chaque stage (il en existe 8 au total). Ils représentent tous quelque chose que Vincent tente de fuir (l’engagement avec sa douce, des pratiques douteuses avec Catherine, l’arrivée d’un bébé…) et l’allégorie prend plutôt bien forme. D’ailleurs les différents stages proposent leur propre thématique et possèdent tous leur propre ambiance, tantôt malsaine, tantôt dérangeante histoire de ne pas oublier qu’on est bien en train de vivre un cauchemar et non pas un rêve paisible.
Pas de doute : c’est un grand cru
En sa qualité de remaster, Catherine: Full Body ne se contente pas de faire le minimum. En plus des ajouts scénaristiques et la possibilité de jouer en mode Remix (ce dernier remplace certains blocs par des pièces de formes différentes, parfois semblables à celles que l’on retrouve dans Tetris), il propose une refonte graphique qui permet au titre de s’offrir une jolie cure de jouvence. Catherine ne brillait pas forcément de par ses qualités graphiques à l’époque, et ce ne sera toujours pas le cas avec cette nouvelle version. On retrouve un style visuel très similaire à celui de Persona 5 qui n’est pas sans rappeler le procédé du cel shading. Plus colorées et contrastées mais aussi plus nettes, les textures accusent toutefois un certain retard. Heureusement, la direction artistique du titre permet de ne pas trop prêter attention à cela. Admettons tout de même que l’on a vu pire en termes de remaster de titre PS3, aussi on se contentera des arrières plans et autres détails qui ont été ajoutés par les développeurs.
Le jeu embarque évidemment les fameuses cutscenes animées originales que l’on doit à Studio 4°C tout en s’offrant de nouveaux passages, afin de coller aux événements qui sont narrés dans Catherine: Full Body. Le studio d’animation s’en sort toujours aussi bien et démontre une fois de plus son savoir faire, le tout combiné au chara-design efficace de Shigenori Soejima. D’ailleurs, il sera cette fois-ci possible de profiter du doublage japonais, tandis qu’à sa sortie sur PS3 et Xbox 360 à l’époque, seules les voix anglaises étaient disponibles. Toujours au niveau des doublages, les aficionados de voix nippones seront aux anges, puisque la douce Catherine a bénéficié de doublages de la part de nombreuses seiyū afin de lui offrir celle qui lui sied le plus selon eux. Précisons malgré tout que seulement 2 voix disponibles sur l’ensemble sont incluses dans le jeu, pour le reste il faudra passer à la caisse via le PlayStation Store.
En revanche, pas besoin de dépenser un seul centime de plus pour profiter à nouveau de l’OST de génie de Shoji Meguro qui continue d’offrir des thèmes oscillant entre le groove, le smooth jazz et le lounge afin d’accompagner le quotidien de Vincent. Lors des phases de puzzles, on retrouve notamment des reprises de morceaux classiques bien connus tels que la Sonate n°2 et la Marche funèbre 3e Mouvement de Frédéric Chopin ou encore la Fugue en Sol Mineur de Jean-Sébastien Bach. De quoi accompagner à merveille l’ascension de Vincent, tout en sachant que certains morceaux ont également été retravaillés pour Catherine: Full Body, en plus de la présence de morceaux issus des Persona, Persona Dancing et même des teasers de Project Re Fantasy que l’on peut diffuser dans le Stray Sheep en les sélectionnant au Jukebox.
Si Catherine: Full Body (tout comme sa version originale) s’adresse malgré tout à un certain public, Atlus a bien remarqué que son histoire avait tapé dans l’œil de plus d’un joueur non-initié. La présence des sous-titres français ne doit pas y être pour rien. Ceci dit, bien que les puzzles ne soient pas des plus compliqués en mode difficile, les développeurs ont eu la bonne idée d’intégrer un mode Safety, permettant de laisser l’IA faire tout le boulot. On perd évidemment une grande partie de ce qui fait le charme du jeu, puisque c’est principalement ce qui le rend unique. Ceci dit, cela permettra peut-être au grand public de s’intéresser au titre. La difficulté commençant à corser les choses à partir du mode normal, privilégier le mode facile en étant débutant devrait offrir une expérience de jeu moins frustrante qu’elle ne le fut lorsque Catherine vit le jour en 2011 au Japon, puisqu’Atlus s’est vu contraint de simplifier les choses, la faute à de trop nombreuses plaintes de joueur n’arrivant pas à passer certains tableaux.
Avec ses 15 à 20h nécessaires pour en voir le bout une première fois, Catherine: Full Body mise énormément sur la rejouabilité, avec de multiples fins disponibles. On en dénombre plus de 9, et toutes les débloquer demandera tout autant de parties, pour peu que les bons choix soient bien faits. Une jauge permet toutefois de mesurer l’impact de ces derniers en temps réel, ce qui aide à prendre une direction ou une autre sans trop de risques. Et pour ceux qui n’auraient pas assez de casses-tête à résoudre, les modes Babel, Arène et Colosseum seront l’occasion de se mesurer à d’autres joueurs. Que ce soit en local ou en ligne, la coopération et la compétition seront proposées dans les modes de jeu susnommés, bien que le mode Babel et sa gestion aléatoire des niveaux puisse très bien être appréhendé en solo.
Verdict : 8/10
Catherine était déjà une réussite à sa sortie, alors comment pouvait-il en être autrement de ce Catherine: Full Body ? Pour un remaster, le titre d’Atlus coche largement toutes les cases de l’habituel cahier de doléances des portages en version améliorée. Non content de voir son scénario s’agrémenter d’un nouveau personnage venant chambouler le triangle amoureux que les habitués connaissaient déjà bien, Catherine: Full Body propose également un challenge supplémentaire avec le mode Remix tout en venant gonfler la durée de vie pour ceux qui désireraient compléter toutes les versions des différents puzzles. Les nombreux ajouts et petits détails rendent l’œuvre originale encore plus appréciable. Un incontournable que l’on vous recommande vivement (et à plus forte raison si vous n’avez jamais poussé les portes du Stray Sheep).
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