« Nous créons des puzzles. Nous racontons des histoires. Nous aimons les jeux vidéo. » C’est ainsi que le studio Out of the Blue Games se décrit. Et leur titre inaugural, nommé Call of the Sea, servira de magnifique exemple à leur philosophie naissante. Espérons que cette aventure narrative sera la première d’une très longue liste pour les développeurs espagnols. Annoncé en début d’année, le jeu est disponible depuis le 8 décembre en exclusivité chez Microsoft sur Xbox One, Xbox Series X|S, Windows ainsi que sur le Game Pass (console et PC).
Test réalisé sur PC grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
Un jour j’irai à Tahiti
Call of the Sea se présente comme un jeu d’aventure et de réflexion à la première personne et se déroule en Novembre 1934, près de l’île de Tahiti. L’histoire met en scène Norah, une jeune femme atteinte d’une mystérieuse maladie qui touche les membres de sa famille et qui a déjà emporté sa mère il y a des années de cela. Le mal se manifeste avec des taches sur sa peau mais surtout avec une dégradation considérable de ses fonctions physiques. On apprendra même pendant le déroulement du jeu que Norah n’était même plus en mesure de marcher peu avant le début de son périple. Notre héroïne s’est mise en tête de braver la maladie qui la ronge de plus en plus chaque jour, afin de retrouver Harry, son amour de toujours.
Des énigmes bien pensées sans être trop difficiles
Ce périple est certes un jeu d’aventure et d’énigmes mais en terme de gameplay, il est évident qu’il se range également du côté des très populaires jeux contemplatifs sur la désormais « génération précédente » que représentaient la PlayStation 4 et la Xbox One. Il ne s’agit de toute évidence pas d’un système Point & Click à la Myst (1993) mais plutôt d’un rythme à la The Vanishing of Ethan Carter (2014) ou même plus récemment du très poétique What remains of Edith Finch (2017). Concrètement, on pourrait dire que Call of the Sea est un mélange de genres. Une aventure narrative contemplative ponctuée d’énigmes.
Le rythme global est assez lent. Ce qui est d’ailleurs commun pour ce type de jeu. Mais il est appréciable de voir que Norah est capable de courir (forte malgré sa maladie !). Ce qui nous évite de faire des allers-retours interminables à la vitesse d’un escargot pour résoudre les différentes énigmes. Parlons-en des énigmes justement. Bien pensées et suffisamment difficiles dans leur grande majorité, elles sauront vous mettre à l’épreuve. Cependant, si vous n’êtes pas un habitué du genre, vous pourriez être frustré rapidement car Call of the Sea ne dispose d’aucun HUD, aucun indice n’est disponible. Vous serez seuls et livrés à vous même. Un petit conseil : n’hésitez pas à lever les yeux à certains moments… C’est dit !
Les puzzles sont parfois simples en apparence mais il faudra vous muer en un minutieux détective pour ne rien manquer. D’ailleurs, c’est cet aspect multi-éléments des problèmes qui fait tout leur charme. Nous sommes loin des « énigmes » d’un Uncharted 4 ou d’un Skyrim. Mais encore une fois, rien d’insurmontable. Aussi, les développeurs ont eu la bonne idée de laisser notre héroïne noter les indices dans son carnet au fur et à mesure de nos découvertes. Ce qui est d’une aide absolument considérable (c’est la seule que vous aurez d’ailleurs, profitez-en !).
Pour trouver votre chemin dans ce mystérieux périple, vous devrez bien évidemment être un bon observateur mais aussi être un lecteur et un auditeur assidu. Cette utilisation de l’écrit et de l’audio que l’on a vu dans des jeux très différents comme Control va pourtant vous permettre d’avancer dans l’histoire. Il est juste regrettable que certains scripts ne se soient pas lancés au cours de la partie. Ce qui a rendu la progression impossible à 2/3 reprises (bug qui sera sans aucun doute corrigé dans de futures mises à jour). Un redémarrage du jeu a réglé le problème.
Une atmosphère mystique
Sur le sujet toujours épineux des graphismes et de la direction artistique, il est par contre inutile d’y aller par quatre chemins. Développé sur Unreal Engine 4, le jeu est certes imparfait techniquement, manque parfois de détails dans ses textures, dispose d’effets quelque peu datés comme celui de l’eau mais il est beau. C’est même plus que ça, Call of the Sea est une véritable invitation au voyage. Dès le premier chapitre, le charme opère. Des plages de sable blanc, un soleil d’été et ses rayons qui transpercent la végétation d’une jungle luxuriante. Une atmosphère magique se dégage. Mention spéciale aux effets de lumières et aux couleurs intenses qui renforcent cette ambiance. D’ailleurs, le style graphique vous rappellera probablement Sea of Thieves, qui utilise le même moteur graphique.
Au fur et à mesure de l’aventure, l’atmosphère évoluera progressivement vers quelque chose de plus mystique et d’inattendu. Tout en restant simple dans sa direction artistique, le jeu arrive à nous emporter dans son univers avec certains passages franchement envoûtants. Dans la lignée de son visuel, Call of the Sea reste minimaliste dans sa bande son. Les musiques n’interviennent qu’à certains moments charnières et font bien leur travail : intriguer pour donner envie d’en savoir plus. D’ailleurs, les amateurs du genre des aventures narratives reconnaîtront peut-être la voix de Cissy Jones qui incarnait l’inoubliable Delilah dans le non moins fabuleux Firewatch et qui reprend du service ici avec Norah. Sur ce point, rien à dire, Jones joue parfaitement son rôle de narratrice/héroïne en abordant un ton sincère et grave mais qui ne tombe jamais dans l’excès de dramaturgie.
Ma chère et tendre Norah…
Mais le véritable cœur du titre se situe dans son scénario. En tant qu’aventure narrative, le jeu ne pouvait pas se permettre de rater sa narration. Et honnêtement, le pari est réussi. Même s’il ne restera pas comme l’expérience de la décennie, Call of the Sea dispose d’une histoire qui se laisse parcourir avec plaisir. On a envie d’en savoir plus en permanence. Norah va-t-elle trouver un remède pour sa maladie ? Où est passé son mari Harry ? Ces questions, vous pourrez y répondre sur une durée d’environ 4 ou 5 heures. Ce qui est assez court c’est vrai. Mais pour 20€, cela en vaut la peine.
Et en commençant sur un ton léger et mystérieux, l’aventure permet de nous immerger tranquillement dans cet univers Lovecraftien qui ne basculera par contre pas dans l’horreur ne vous en faites pas. Ensuite, surviendra une montée en puissance qui nous livrera petit à petit les secrets d’une histoire qui maîtrise très sobrement son storytelling. Sur fond de mythologies et de civilisations éteintes, le studio Out of the Blue a voulu nous raconter une belle histoire d’amour, c’est réussi.
Verdict : 8/10
Pour un studio indépendant pour qui c’est la première production, l’essai est transformé avec Call of the Sea. Le jeu ne réinvente pas le genre mais est véritablement envoûtant à parcourir. Il est beau, mystérieux, coloré, sobre et simple mais efficace dans sa construction. Et même si on l’aurait aimé un peu plus long, les énigmes sont suffisamment recherchées pour nous mettre à l’épreuve pendant environ 5 heures. Le titre est clairement dans la digne lignée des jeux contemplatifs/narratifs tels que The Vanishing of Ethan Carter, Firewatch ou encore What Remains of Edith Finch. L’objectif des développeurs était de partager leur amour du jeu vidéo, de créer des puzzles et de raconter une histoire. C’est une mission accomplie pour le studio Out of the Blue, que l’on espère revoir le plus vite possible.