Les jeux au format épisodique ont décidément le vent en poupe depuis quelques années. Ce format, s’inspirant de celui des séries télévisées, s’est largement démocratisé avec l’arrivée des jeux Telltale, et semble avoir conquis les éditeurs puisque Square Enix a appliqué cette formule au reboot de la licence Hitman ainsi qu’au remake de Final Fantasy VII. Ainsi, A Crowd of Monsters, studio de développement indépendant basé en Espagne, a jugé bon d’adopter ce format pour Blues and Bullets, un jeu au titre évocateur et qui a déjà commencé à poser ses marques sur PC depuis cet été.
Test réalisé sur PS4 à partir d’une version éditeur
Black & white (and red)
Bien que le format épisodique semble s’imposer petit à petit dans l’univers vidéoludique, il n’en reste pas moins un exercice difficile. Si Telltale parvient à convaincre, malgré quelques petits soucis de rythme récurrents dans ses productions, le reboot de la licence Hitman nous prouve que ce découpage ne sied pas forcément à tous les types de jeux. Alors lorsque les équipes de A Crowd of Monsters ont annoncé que Blues and Bullets suivrait ce modèle là, il y avait de quoi être sceptique, d’autant qu’il s’inscrit dans une époque encore trop peu représentée dans le monde du jeu vidéo. Et si l’histoire qui nous est contée est totalement fictive, les personnages respectent bien leurs modèles. Si cela ne semble être qu’un détail au premier abord, c’est pourtant ce qui donne du poids au scénario.
Ainsi, le joueur incarne Eliott Ness, ex-chef des incorruptibles, ayant voué une partie de sa vie à mettre son ennemi juré sous les barreaux, le non-moins célèbre Al Capone. Désormais, l’ex-inspecteur a pris sa retraite et tient un petit restaurant à Santa Esperanza. Mais une sombre affaire de disparition d’enfant le poussera à mettre ses talents de détective au service du bien, ce qui donnera naissance à des coopérations complètement inattendues. Il faut bien le reconnaître, aussi efficace soit-elle, l’histoire prend un peu de temps à se poser durant l’épisode 1. Ce n’est qu’une fois proche de la fin que l’on commence à vraiment rentrer dans l’histoire, mais autant vous dire qu’à partir de là, les choses s’enchaîneront très vite. L’épisode 2 ne souffre en effet aucunement de soucis de rythme, à un tel point que la fin arrive même un peu trop vite à notre goût. Pourtant, tout comme le premier épisode, il nous aura fallu entre 2h et 2h30 pour le compléter. Une durée de vie dans la lignée de tous les jeux épisodiques dans le genre, d’autant que les deux sont disponibles en bundle sur le PS Store pour 8€, ou à l’unité à 5€ chacun. Un prix relativement abordable donc pour commencer cette aventure passionnante, mais néanmoins pas sans défauts.
L’une des grandes forces de Blues and Bullets réside dans sa direction artistique. Ici, tout est en noir et blanc, le tout étant accompagné de nuances de rouge, notamment pour certains détails sur les personnages et l’environnement ou encore pour les traces de sang. Un procédé parfaitement maîtrisé par les développeurs qui donnera lieu à de jolis jeux d’ombres et des plans vraiment convaincants, accentuant l’aspect polar du titre. Heureusement, cela vient contrebalancer avec l’aspect graphique du jeu, assez vieillot et pas très propre. L’absence de couleurs permet donc de moins faire attention à cet aspect là. On sent malgré tout que l’équipe de A Crowd of Monsters a voulu jouer dans la cour des grands, avec les moyens dont ils disposaient. Soyons honnêtes, pour un jeu indépendant, le rendu reste largement acceptable. Le côté noir et blanc permet vraiment de ne pas se focaliser sur les textures grossières et on se retrouvera plus souvent en train de se dire que le jeu possède une patte artistique qui lui est propre, plutôt que de pester contre des graphismes un peu en retard sur les standards actuels.
Bluesy Night
De toutes façons, ce n’est pas sur son aspect technique que brille Blues and Bullets. Les chutes de framerate sont malheureusement nombreuses, mais sont sauvées par la dynamique relativement lente du soft. Probablement dû à son côté hybride, puisque le jeu mêle récit graphique, gunfights et phases d’investigation. De plus, la caméra du jeu est soit fixe, soit automatique, ce qui pourra non seulement agacer les joueurs ayant l’habitude de contrôler la caméra eux même avec le joystick droit, mais pose aussi quelques petits problèmes dans les intérieurs.
Mais une fois que l’on a appris à faire avec, Blues and Bullets révèle tout son potentiel. Il dispose d’une mise en scène de qualité, et d’une écriture efficace soulignant un scénario palpitant qui, on l’espère, sera distillé avec autant de justesse dans les 3 prochains épisodes. De plus, la diversité de ses phases de jeu permet au joueur de ne pas se sentir lassé. Du coup, on alterne entre les gunfights, les prises de décisions et les passages d’enquêtes qui pourront faire penser à L.A NOIRE, dont il s’inspire d’ailleurs librement, mais sans jamais copier une seule fois son modèle. Le challenge n’est pas très relevé, mais est-ce que c’est ce que l’on attend d’un tel titre ? On aurait peut-être apprécié d’être un peu moins dirigés lorsqu’il s’agit d’effectuer nos déductions en assemblant les différents indices relevés sur les scènes en question.
Les phases de tir sont relativement basiques, un brin rigides mais toujours agréables à jouer. Pour vous illustrer le tout, elles prennent la forme d’un rail-shooter à la troisième personne dans lequel le joueur doit simplement viser et tirer. A Crowd of Monsters a donc bien réussi à mélanger tous ces ingrédients pour les ajouter à la recette qui a fait le succès des jeux Telltale. Leur faculté à raconter une histoire n’a clairement rien à envier à celle du studio à l’origine des deux saisons de The Walking Dead mais on a parfois un peu de mal à définir si nos décisions ont eu, ou non, un impact. D’autant qu’il n’y a pas de système de parties définies, on joue les tableaux à la suite, et une fois finis, il est possible de les rejouer à notre guise. Il n’y a donc visiblement pas d’impact lorsque l’on prend une décision dans l’épisode 1, sur les épisodes suivants et cela s’avère plutôt dommage car le résultat aurait pu clairement être intéressant. On imagine donc de ce fait qu’il n’y aura qu’une seule fin définie d’avance, du coup le poids de nos choix est un peu remis en cause sur le long terme.
Pour autant, le jeu tient ses promesses et nous fait voyager dans les années 40/50 à travers un personnage iconique, charismatique et en proie à ses démons auxquels on sera amené à faire face de façon plutôt originale. Si le coup du protagoniste torturé ne sort pas des sentiers battus, il lui donne malgré tout du relief et permet de nous attacher à lui, fait d’autant plus important puisqu’on sera amené à prendre des décisions morales et personnelles. Et tout ceci nous ramène dans l’archétype du polar bien noir, celui qui se veut accompagné d’une bande-son bluesy du plus bel effet et imprégnant le joueur d’une atmosphère encore trop méconnue et que trop peu de jeux arrivent à mettre en place.
VERDICT
Blues and Bullets souffre de défauts techniques qui auraient pu lui porter préjudice si ce dernier n’arborait pas cette robe noire et blanche du plus bel effet, sans oublier ses teintes de rouge, lui offrant une certaine originalité qui, certes, ne sera pas du goût de tous. Son gameplay hybride permet pourtant d’accrocher le joueur et de sans cesse renouveler l’intérêt porté au titre. Rencontrer des personnalités aussi célèbres sur fond de musique bluesy offre à la production de A Crowd of Monsters une aura unique, qui, on l’espère, saura perdurer à travers les épisodes suivants.
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