TEST | Bloodborne

Après quelques semaines de matraquage marketing à grands coups de trailers et autres vidéos de gameplay, le tant attendu Bloodborne s’est enfin laissé approcher. Difficile de dire si cela a contribué à la hype grandissante, mais une chose est sûre, les joueurs avaient hâte de faire leurs premiers pas à Yharnam. Arrivant après un The Order : 1886 en demi-teinte, le jeu de From Software saura t-il être l’exclusivité Sony qui permettra à la PS4 de briller en cette fin de premier trimestre 2015 ?

Né par le sang

C’est une lourde tâche qui pèse sur les épaules de Bloodborne. En effet, en plus d’être une exclusivité attendue sur laquelle Sony a beaucoup misé, au même titre que Drive Club ou The Order : 1886, il doit aussi prendre la relève de Dark Souls I et II, ainsi que de Demon’s Souls, qui permit en grande partie à From Software de se faire connaître du grand public. Des jeux bien connus chez les amateurs du genre, du fait de leur difficulté tant pointée du doigt qui va de pair avec un gameplay exigeant, peu évident à prendre en main mais terriblement gratifiant lorsqu’il est pleinement assimilé. Telle une épitaphe gravée sur une pierre tombale, la mort est une constante dans la lignée des Souls (ce terme sera repris plusieurs fois dans le test pour définir Demon’s Souls ainsi que Dark Souls I et II) et il ne vaut mieux pas s’attendre à gambader joyeusement dans les sombres contrées de ces titres en slashant quelques créatures décadentes qui ne proposeront guère d’opposition. La punition n’en serait que plus fatale.

Cette difficulté parfois jugée élitiste et ancrée dans les productions des développeurs se retrouve dans Bloodborne, tel un héritage spirituel. Non, le titre n’est pas un Dark Souls 3 portant un autre nom pour simplement montrer que Sony a osé sortir le portefeuille pour offrir à ses joueurs une exclusivité digne de ce nom, et ce serait bien dégradant de le considérer comme tel. Car ce qui fait le charme du jeu, c’est avant tout son univers unique, délaissant en grande partie le côté médiéval fantastique pour prendre place dans une ambiance victorienne gothique, comme si un poète maudit tel Edgar Allan Poe était passé par là. Désolation et visions d’horreur viendront agrémenter nos heures passées dans les bas fonds d’Yharnam pour notre plus grand plaisir. Quel ne fut pas notre émerveillement de découvrir ces paysages tristes, ce ciel teinté d’un rouge sang comme si il annonçait les litres d’hémoglobine qui seront versés par nos soins, et ceux des créatures qui seront là pour nous faire comprendre la signification du mot souffrance.

Dès les premiers instants, on ressent cet atmosphère unique.

Mais n’allez pas croire que le jeu est pour autant injuste. Il est vrai qu’en voguant sur les internets et en glanant quelques avis à la volée, on risque de vite s’imaginer un titre qui ne laisse place au plaisir qu’aux joueurs confirmés, aux durs, à ceux qui ont retourné les Souls dans tous les sens. Mais non, la véritable philosophie de Bloodborne et des développeurs de From Software va plus loin que ça et s’avère bien plus pertinente qu’on le laisse entendre. L’écran de mort sera une constante indéniable, l’envie de mordre dans la DualShock 4 sera souvent présente mais il y aura toujours une explication logique à cela, qui nous permettra parfois même, de repenser un affrontement contre un boss ou contre un groupe d’ennemis imposant. C’est un fait, on apprend beaucoup plus par la défaite que par la victoire. Mais il faut également savoir que pour appréhender le jeu comme il se doit, il est indispensable d’avoir l’état d’esprit adéquat. La fragilité n’a pas sa place en Yharnam et seuls les joueurs les plus courageux et les plus téméraires seront récompensés par des victoires acquises au prix de longues heures de jeux passées à mourir inlassablement. Croyez-nous, cette même victoire a une tout autre saveur que celle qui vient nous récompenser dans les jeux habituels. Comme si le plaisir et la souffrance étaient les produits d’une équation visant à créer une grande partie de l’essence du dernier titre de From Software.

Bloodborne m’a tué

Exigeant, Bloodborne l’est, pas seulement pour sa difficulté mais aussi de par son gameplay subtil qu’il faut maîtriser sur le bout des doigts pour espérer ne pas passer plus de temps dans les écrans de chargement que dans les différents lieux de Yharnam. D’autant que de petites subtilités viennent bouleverser les habitués des Souls, qui jusqu’à présent, pouvaient faire usage de la magie en combat. Ce n’est désormais plus le cas et il faudra donc remplacer cette dernière par de bons vieux objets comme des Cocktails Molotov ou encore des Jarres d’huile (Objet permettant de maximiser l’efficacité d’un Cocktail Molotov par exemple). Le gameplay se base alors en grande partie sur les armes transformables, ces armes blanches qui peuvent changer de forme en appuyant sur L1. Une idée intéressante qui permet de varier notre façon de jouer puisque dans le cas du Couperet-scie par exemple (l’arme du Chasseur que l’on a pu voir dans les différents trailers et artworks) elle pourra faire office d’arme sur courte portée. En étant transformée, il se transformera en un long couperet aux pointes acérées qui permettront d’obtenir un plus large champ d’attaque.

Cet aspect du gameplay s’avère beaucoup plus technique qu’on pourrait le croire au premier abord, car une arme transformée ne permettra pas forcément d’attaquer aussi vite qu’une non transformée, et vice-versa. L’adaptabilité du joueur sera mise à rude épreuve car en plus de ça, il faudra jongler entre attaques puissantes, attaques faibles (mais plus rapide), esquives et objets tout en jetant un oeil à la barre d’endurance qui baisse à chaque attaque/esquive effectuée. Sans oublier les armes à feu qui viennent s’équiper en seconde main. Lorsque vous les utilisez, n’espérez pas faire énormément de dégâts avec. Non seulement car il faudra plutôt conserver les balles de Vif Argent pour les ennemis les plus robustes (Boss exclus) mais parce qu’elles servent également et surtout à assommer un ennemi que l’on aurait stoppé en pleine attaque afin de le mettre à genoux l’espace d’un instant et de lui décrocher une attaque qui pourra lui enlever une énorme partie de sa barre de vie, dans le cas où l’action ne serait pas fatale.

Bienvenue à Yharnam !

Expliqué tel quel, vous vous imaginez probablement que la chose se prendra vite en main. Mais que nenni ! Il faudra de l’entrainement et surtout une bonne connaissance de la façon dont se mouvent et attaquent les ennemis car tout sera question de timing. Tirer au bon moment ne sera pas aisé, d’autant plus lorsque l’on se retrouve face à plusieurs opposants. Mais la pratique finira par payer et c’est une technique dont il faudra absolument tirer profit si vous souhaitez minimiser la casse. Avec la disparition du bouclier dans Bloodborne, il va davantage falloir jouer sur le plan offensif, à moins de passer son temps à fuir, auquel cas les échos du sang se feront bien rares. Et quand on sait que c’est le nom attribué à la principale monnaie d’échange du jeu afin d’acheter divers objets et armes, de faire monter le niveau de son avatar ou encore de réparer/améliorer son équipement, une dimension farming va indubitablement prendre place sans même que vous vous en rendiez-compte. D’ailleurs, à l’instar des Souls où l’on perdait toutes nos âmes en cas de mort, dans Bloodborne ce sont nos échos du sang qui disparaîtront si l’on passe l’arme à gauche. Il sera possible de les retrouver en retournant sur le lieu qui fut le théâtre de passage six pieds sous terre, si jamais une créature taquine n’a pas sauté sur l’occasion pour les ramasser. Dans ce cas là, le bougre en question verra ses yeux illuminés comme s’il était possédé. On ne vous fait pas de dessin, lorsque vous perdez un sacré nombre d’échos du sang il faut s’arranger pour les récupérer coûte que coûte si vous ne souhaitez pas voir vos efforts partir en fumée.

Notre meilleur conseil sera alors de toujours vous adapter à la situation et surtout éviter de prendre trop de risques lorsque vous êtes en possession de beaucoup d’échos du sang. Un petit passage par l’une des lanternes – considérez ces dernières comme des checkpoint, à l’image des feux dans les Souls – vous permettra de retourner dans le Rêve du Chasseur et d’utiliser votre monnaie à bon escient, plutôt que de la perdre bêtement à cause d’une erreur de jugement de la situation. On remarquera que les lanternes peuvent parfois être assez dispersées, fort heureusement le jeu peut compter sur un level design brillant. En quelque sorte, cela se traduit par des passages que l’on découvre/des mécanismes que l’on actionne en avançant et qui peuvent créer des sortes de raccourcis pour ne pas laisser le joueur sans issue de secours en cas de situation délicate.

Pour animer cette jolie poupée, il faudra croiser le fer avec le premier boss, peu importe qu’il y ait victoire ou non.

Paye ton Blood

Et des situations fort peu confortables, vous en rencontrerez assez souvent et notamment lorsqu’un combat contre un boss surviendra. Ces derniers ont la fâcheuse manie d’apparaître un peu sans qu’on s’y attende, ce qui aura pour effet de provoquer de sacrées montées d’adrénaline, surtout lorsque votre équipement n’est pas assez fourni pour faire face à une telle menace. C’est généralement lors de ces affrontements qu’il faudra faire preuve de réflexes et d’ingéniosité, notamment dans la façon d’utiliser les objets et de gérer les contres/esquives. Faire preuve de patience, agir avec prudence et étudier les mouvements du boss en question seront des éléments essentiels pour s’en sortir en vie. Pour le reste, on ne se fait pas de soucis sur le fait que vous saurez vivre les combats intensément, ces adversaires sans pitié sauront pimenter une bataille épique soutenue par des thèmes enivrants, tels de véritables odes à la bataille. Il est très plaisant de constater le soin apporté à la bande-son, tant sur le plan des voix que sur le plan musical. Le doublage anglais est absolument parfait, les voix françaises savent se montrer convaincantes et avec des doublages espagnols, allemands ou encore italiens, il y en a pour tous les goûts ! Quant aux musiques, interprétées par un orchestre talentueux, lorsqu’elles n’animent pas les batailles les plus dantesques du jeu, elles sauront se montrer lancinantes et mélancoliques, à l’image des décors qui défileront sous nos yeux tout au long du périple qui nous attend.

L’aventure promet d’ailleurs une durée de vie plutôt coquette, car les 40 heures annoncées par les développeurs pour finir l’histoire sans trop s’étaler n’est qu’une moyenne à laquelle on pourra y ajouter les heures passées à s’occuper de quêtes annexes, de farmer ou tout simplement d’explorer les différents endroits visités. Mais Bloodborne ne s’arrête pas là et va encore plus loin en proposant de mettre la main sur des calices qui permettront d’explorer des donjons générés aléatoirement, à la façon d’un rogue-like. Très sommairement, il s’agira de faire le ménages dans les différentes salles, de trouver divers trésors et d’éliminer le boss du donjon. De quoi booster une durée de vie plus qu’acceptable surtout si l’on rajoute à ça la dimension multijoueur qui prend place en co-opération ainsi qu’en PvP, à la façon d’un Souls où il était possible d’envahir la partie d’un joueur. Rejoindre un ami pour une partie en coop sera bien plus aisé que dans les  jeux susnommés, puisqu’un système de mot de passe vous permettra de donner l’accès à votre monde aux gens que vous souhaitez uniquement. Cette fonctionnalité n’est évidemment pas obligatoire dans son utilisation et il est tout à fait possible de se faire aider par un joueur inconnu, que ce soit à l’échelle locale comme mondiale selon les paramètres que l’on aura définis au préalable. Vous aurez simplement à faire sonner la Cloche d’appel pour invoquer une aide qui sera la bienvenue.

Même les ennemis les plus insignifiants pourront devenir de véritables menaces si vous ne faîtes pas attention

En début de test nous vous parlions de l’univers fascinant de Bloodborne, celui-ci est le théâtre d’une histoire sordide puisqu’une maladie inconnue s’est abattue sur Yharnam et il semblerait que l’église ait mis au point une sorte de traitement dont on ne sait pas grand chose au début. On arrive donc en pleine nuit de chasse, les rues sont envahies par des créatures monstrueuses et les habitants sont cloitrés chez eux. Pour en apprendre plus, il faudra avancer puisque les éléments du scénario se mettront en place petit à petit. En cela, Bloodborne est troublant car le joueur est un peu laissé à l’abandon, il n’est pas cadré et à la différence de nombreux jeux actuels, le chemin qu’il doit suivre ne lui est pas clairement indiqué. Au fur et à mesure, on commence à prendre ses repères et comprendre les tenants et aboutissants de l’histoire. La progression s’effectue dans des décors d’une inquiétante beauté, fourmillants de détails et assez variés. Les décors en arrière plan auraient gagné à être aussi soignés et détaillés mais on ne va pas s’attarder sur ce point, car les graphismes sont une véritable réussite en dehors de cela.

Sur le plan technique, le titre tire parti de la puissance de la console, malgré quelques très légers ralentissements rencontrés ici et là. Rien de grave puisque cela n’a pas affecté la qualité de nos parties, mais c’est à noter. Au même titre que la caméra, qui parfois s’emportera notamment lorsque vous aurez locké un ennemi ou que vous vous retrouverez coincé contre un mur ou un quelconque objet du décor. C’est un peu dommage, mais on peut vite reprendre le contrôle dessus, cela n’est pas tant handicapant qu’on pourrait le penser. D’autant que cette dernière réagit au doigt et à l’œil de façon très dynamique. Finalement on a noté bien peu de défauts, le plus gênant reste les temps de chargement entre chaque mort, mais From Software travaille actuellement d’arrache pied sur un patch correctif visant à régler cela. On espère donc qu’ils seront drastiquement réduits car passer de 30 à plus de 50 secondes sur un bête écran affichant le nom du jeu ruine un peu le rythme du jeu pourtant largement maitrisé de A à Z.

Verdict : 9/10

Quel tour de force impressionnant que celui réalisé par les développeurs de From Software. Alors qu’il était peut-être l’exclusivité PS4 la moins médiatisée jusqu’à ce début d’année, Bloodborne parvient finalement à prendre le trône d’exclusivité incontournable qu’il manquait à la console. Son gameplay exigeant pourra perturber le joueur novice qui aura envie à de nombreuses reprises de jeter sa manette contre le mur, quand les plus téméraires découvriront un jeu incroyable, doté d’un univers gothique envoûtant habité par d’inquiétantes créatures. Quant aux habitués, ils seront aux anges et retrouveront le charme des combats contre des boss féroces sur fond de musique épique. Impitoyable, punitif mais ô combien jouissif, Bloodborne combine les meilleurs éléments de la série des Souls pour obtenir la plus belle représentation actuelle de ce que le Die & Retry offre de meilleur, avec même une pointe de Rogue like lorsqu’il s’agira de visiter les donjons des calices. On ne saurait alors que trop vous conseiller de céder à l’appel du sang.

Retrouvez ici notre live découverte de Bloodborne présentant la création de personnage ainsi qu’une heure complète de gameplay.