Les studios sont comme les bons restaurants, ils sont connus pour la ou les spécialités des cuisiniers. Du coup, quand Ninja Theory arrive avec un trailer qui annonce dès ses premières secondes « 4v4 », on se dit que quelque chose ne tourne pas rond. Connu singulièrement pour ses Beat Them All solo, le studio britannique sort totalement de sa zone de confort en proposant pour ce début d’année Bleeding Edge, un jeu multijoueur où il faut se tataner pour remporter la partie. Une première donc pour le studio plus habitué aux jeux solitaires qu’aux variantes multijoueurs, singulièrement avec du joueur contre joueur. Mais comme nous allons le voir, il faut une première fois à tout, et sortir de sa zone de confort est toujours bénéfique.
Test réalisé sur PC grâce à une copie numérique envoyée par l’éditeur
Un gameplay soigné
Bleeding Edge s’installe sur la lignée des softs à vocation de jeu de combat en arène avec un principe simple, deux équipes de quatre joueurs qui se tirent la bourre autour de plusieurs objectifs. Autant prévenir de suite, ce n’est pas le contenu qui prime : avec seulement onze personnages et cinq cartes puis deux modes de jeu, vous aurez vite fait le tour du propriétaire. Cependant, si nous retirons ce point, le gameplay dans son ensemble regorge de bonnes idées et d’ajouts bienvenus pour le genre. Par exemple, l’un des modes est une capture de points durant laquelle la première équipe à atteindre le score de 600 remporte la partie. Il diffère dans son exécution de la concurrence grâce à deux changements : le fait de chercher la victoire en tuant le plus d’opposants possible et les zones de captures qui changent de position toutes les minutes. Ces transformations donnent une mutation profonde au genre, qui n’est plus dans un simple prendre et tenir, mais bien dans un jeu de mouvement constant entre les deux équipes, donnant notamment plus d’ouvertures pour engager un teamfight ou punir les erreurs de l’adversaire. C’est dans la même idée que se calque l’autre mode de jeu qui, lui, propose de récolter des bonbonnes pour ensuite les déposer dans l’une des zones à cet effet. Encore une fois si les bonbonnes sont toujours aux mêmes endroits, le lieu de dépôt va changer toutes les minutes, donnant plusieurs possibilités aux deux équipes. Laisser l’équipe adverse moissonner et forcer un combat pour récupérer les bonbonnes ? Taper au moment de la collecte ? Autant de choix qui s’offriront aux chefs d’équipe audacieux. Car c’est peut-être le point le plus important pour ce Bleeding Edge, la coopération est de mise et est obligatoire si vous souhaitez remporter la victoire.
Toutes les articulations entre les classes, qui sont au nombre de trois (Dégâts, Support et Tank), cherchent à prévaloir l’esprit d’équipe plutôt que la chasse en solo. Un travail admirable a été effectué sur ces dernières pour les rendre à la fois obligatoires et complémentaires les unes aux autres. Au moment de composition de l’équipe, si le Tank ou Heal manquent à l’appel, cela peut se faire véritablement ressentir. Car il n’existe pas de classe hybride, comme le Bruiser à cheval entre le tank et le dps, mais uniquement des classes brutes qui s’affinent en fonction de vos choix de personnage et builds. Ainsi, chaque combattant a un rôle spécifique sur le champ de bataille et si Nidhoggr n’a pas son pareil pour détruire les Tanks, c’est Daemon qui excellera dans les duels en 1v1. La différence s’opère dans les compétences propres du personnage. C’est à la fois une véritable force et une faiblesse : les joueurs qui auront des amis pour s’amuser pourront explorer et pratiquer en profondeur le soft alors que les autres, seuls, vogueront de partie en partie au gré des mates rencontrés. Histoire de toujours gagner en épaisseur, il est possible d’appliquer des mods aux personnages, c’est-à-dire de redéfinir certains aspects des compétences du personnage, réduire un temps de chargement ou augmenter de X% la puissance. Les effets sont divers et variés et permettent d’adapter le gameplay du personnage au souhait du joueur. De plus, il est envisageable de modifier ses mods afin de changer à tout moment en fonction de la situation en jeu. Enfin, tous les protagonistes possèdent deux « super » aux répercussions dévastatrices qui fonctionnent comme les compétences, à la seule différence qu’elles se chargent en fonction de vos prouesses en combat.
En combat, le soft n’a pas à rougir face aux ténors du genre comme Overwatch ou League of Legends, grâce notamment à son système de combat et sa lisibilité. Simple et rapide à prendre en main, le système de combat propose une attaque de base avec un combo, plus deux à trois touches en fonction du nombre de compétences utilisables et enfin une autre pour la super. Un peu plus nébuleux mais bien présents, une esquive et un contre. Ces deux actions partagent le même bouton et varient en fonction de la direction du stick. Un pli difficile à prendre car si le joueur souhaite bloquer, il doit lâcher son joystick pour presser au bon moment la gâchette. Cette action, qui ne coûte pas d’endurance, se voit annulée pendant le déplacement et remplacée par une esquive qui retire une barre. Autre point difficile à appréhender les premières heures, le ciblage qui se fait soit par pression soit par maintien de l’autre gâchette. Hors ces deux points, le reste du jeu garde une lisibilité qui pousse au respect. Effectivement, même dans les teamfights les plus intenses, toutes les informations importantes sont à portée de l’œil ou de l’oreille. Cela permet une meilleure compréhension de l’ensemble mais aussi de mieux les gérer sans rogner sur les effets visuels. Cependant, tout n’est pas parfait dans la distribution des infos. Certes, si les combats sont conduits au poil, les statistiques, cruciales pour les joueurs souhaitant s’améliorer ou évoluer, sont mises en retrait. À la fin de chaque match, un petit récapitulatif est présent, plaçant en avant la dernière action qui a fait remporter la partie et les gains rapportés. Les données importantes comme les dégâts infligés, reçus ou encore les soins, sont à aller chercher dans deux onglets timidement proposés en fin de barre, là où à l’accoutumée elles sont affichées en tête de liste. Un choix difficile à comprendre.
Une direction artistique maîtrisée
À l’inverse de l’aspect narratif, la direction artistique se veut forte et marquée. Il y a un juste équilibre car si seules une cinématique et quelques petites biographies tendent à renflouer la barque du lore, c’est bien les différents éléments artistiques comme l’utilisation du street art dans les niveaux futuristes qui porte celle-ci. Véritable point fort de Bleeding Edge, son univers retranscrit en combinant différents niveaux de cel-shading donne de l’intensité aux arènes et personnages. Le tout est sublimé par une maîtrise des couleurs pastelles avec des touches de flash ainsi que des effets de reflet, surtout sur les métaux. Ce qui souligne l’aspect biopunk du soft.
En outre, les temps de chargement illustrés en CMYK approfondissent la direction artistique qui est gérée de bout en bout. Les musiques et voix ne sont pas en reste notamment avec des mélodies électroniques légères et enjouées qui rythment les combats et se calment dans les menus. Malheureusement, si la qualité est présente, la quantité fait défaut. Avec seulement quelques pistes différentes le même air semble toujours tourner en boucle. Enfin du côté des voix, le soft est uniquement disponible en anglais, sous-titré sur la cinématique, mais pas en partie.
Des gros efforts pour de petites récompenses
Comme nous l’avons déjà dit, en une petite heure vous aurez fait le tour de l’intégralité des maps et des deux modes de jeu disponibles. Pour autant, l’objectif n’est pas de boucler le tout mais bien de prendre le temps de gérer et trouver son personnage pour enchaîner les parties. Au final, nous supposerons qu’une vingtaine d’heures est la durée nécessaire pour que l’ennui pointe le bout de son nez. Effectivement, le trop peu de maps et la faible rotation des protagonistes rend l’ensemble rapidement redondant. Mais il est important de rappeler que le soft n’a pas vocation d’être un AAA, mais une production double A ce qui peut expliquer le contenu restraint . De plus, vous pouvez également customiser votre personnage avec différentes planches, tracés ou encore décalcomanies achetables directement avec la monnaie en jeu. À l’inverse des overboards qui ont plusieurs modèles et combleront tous les goûts, les skins sont actuellement seulement des swaps color, ce qui peut diminuer l’intérêt de jouer sur le long terme surtout quand vous gagnez 10 à 15 crédits par partie et que celui-ci en vaut 2000.
En cherchant vous trouverez bien des stats, mais faut chercher.
Verdict : 7/10
Alors oui, le jeu parfait n’existe pas et Bleeding Edge ne l’est pas. Or, en sachant qu’il s’agit du premier soft multijoueur du studio, on est tout de même face à une belle prouesse. Force est de constater que l’équilibre est présent, la direction artistique est soignée, que le système de combat marche plutôt bien et que le plaisir de jeu arrive rapidement. Sans se hisser à la place de ténors des jeux de combat en arène, il réussit à se mettre dans la catégorie « la base est suffisamment bonne pour en faire une chose très prometteuse ». Ne reste finalement plus qu’à Ninja Theory de gommer quelques imperfections et ajouter plus de contenu, voire d’insister pour inclure un ladder ou quoi que ce soit pour motiver l’esprit eSport. Car en l’état, même vendu pour seulement 30€, les onze personnages pour cinq cartes sur deux modes de jeu font peine à regarder.
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