TEST | Blacksad: Under the Skin – Noir, c’est noir

Si le nom de Blacksad vous dit quelque chose en dehors du milieu du jeu vidéo, c’est tout à fait normal : à la base, c’est une série de bandes dessinées connaissant un certain succès, notamment en Europe. L’originalité de Blacksad ? Son univers, à savoir un New York sombre des années 1950 couplé à des animaux anthropomorphes afin de jouer sur bon nombre de clichés et livrer des intrigues inspirées des plus grands polars noirs. De quoi faire un bon jeu vidéo, non ? C’est ce que se sont dit Microids et Pendulo Studios, éditeur et développeur de Blacksad: Under the Skin. Annoncé en 2017, le titre avait de quoi donner envie mais qu’en est-il aujourd’hui, après plusieurs semaines de report et une sortie quelque peu hasardeuse ? Installez-vous confortablement dans un fauteuil en cuir et prenez un bon petit cognac (P.S. : à consommer avec modération et seulement si vous avez plus de 18 ans), on va vous conter les mésaventures de Blacksad: Under the Skin.

Test réalisé sur PlayStation 4 grâce à une version numérique fournie par l’éditeur

Quelque part entre les ombres

L’une des principales qualités des bandes dessinées Blacksad, c’est l’écriture, les différentes histoires qui nous sont contées. À chaque tome, on suit une nouvelle enquête de John Blacksad, chat noir détective au lourd passé qui aime faire des traits d’esprit et à qui il arrive bon nombre de galères. Le gaillard n’a que peu de bonheur dans sa vie mais il continue de s’accrocher afin d’aider les autres, tout en étant payé bien sûr. Le fait que l’univers de Blacksad mette en avant des animaux anthropomorphes sert autant la satire que le scénario : les auteurs, Juan Díaz Canales et Juanjo Guarnido, critiquent et valorisent à merveille les tares et bienfaits de l’humanité à travers des animaux nous représentant étrangement bien. Par exemple, dans le second tome, on voit une bande d’animaux blancs se réunir à la manière du Ku Klux Klan pour montrer leur haine envers les animaux noirs, ce qui ne plaît guère à certaines personnes, dont Blacksad qui est majoritairement noir.

Avec un tel background, Blacksad: Under the Skin a de quoi faire une histoire haletante et fort heureusement, s’il y a bien un point où le jeu se défend bien, c’est sur celui-ci. Le scénario concocté par Pendulo Studios tient en haleine du début jusqu’à la fin malgré quelques passages qui ne servent pas forcément à grand chose et un milieu de jeu plus poussif que le reste. Blacksad se voit embauché dans une affaire pour le moins suspecte : le gérant d’un gymnase de boxe s’est suicidé mais certains détails sont louches, notamment pour la fille du propriétaire, Sonia Dunn. Ainsi, on vit une enquête aux multiples rebondissements avec des personnages hauts en couleurs et des passages tantôt drôles, tantôt sombres. Chose intéressante dans les jeux du genre, les choix qu’on fait sont souvent importants et on peut obtenir différentes fins, pour le plus grand plaisir de ceux qui aiment parvenir à plusieurs résultats différents (et ceux qui aiment accomplir tous les trophées/succès, vous n’avez pas le choix de toute façon). Les dialogues se veulent souvent exquis, notamment lorsque Blacksad se lance dans ses fameux monologues tel un philosophe. Notons également qu’il n’est pas forcément nécessaire d’avoir lu les 5 tomes disponibles mais il y a tout de même des références sympathiques. Bref, ça démarre plutôt bien… puis vient le gameplay.

Dès le lancement du jeu, voilà qui donne le ton.

L’enfer, ce jeu

Blacksad: Under the Skin se joue comme bon nombre de jeux d’aventure qu’on voit depuis quelques années, surtout depuis le succès d’un certain The Walking Dead par Telltale. Ainsi, on contrôle Blacksad dans de petits environnements plus ou moins ouverts à la recherche d’indices, le tout ponctué par des phases de déductions, de choix et des QTE dans les moments où il y a un poil plus d’action. C’est là que le malheur débute : déplacer Blacksad, c’est tout sauf une partie de plaisir. Le grand chat est aussi lent qu’imposant, aller d’un point à un autre prend un temps fou, surtout que les contrôles sont imprécis. Vous voyez les déplacements « tank » des premiers Resident Evil ? Ici c’est plus ou moins ça, surtout que les points d’interaction demandent souvent d’être pile devant afin de pouvoir dénicher des indices. Tourner Blacksad pendant 5-10 secondes seulement pour interagir avec un objet au sol, c’est tout de même frustrant. De plus, il ne peut que marcher (lentement, très lentement), une option pour au moins trottiner n’aurait pas été de refus. Enfin, la caméra n’est pas toujours idéale. Niveau exploration, ce n’est clairement pas réussi, ce qui est dommage vu que cela représente une importante partie du jeu.

Explorer le bureau de Blacksad serait plus plaisant avec des contrôles et une caméra plus précis.

Par la suite, c’est un peu mieux, notamment les phases de déduction. Lorsqu’on récolte différents indices, on peut les mettre côte-à-côte afin d’émettre des hypothèses et d’avancer dans l’affaire. Cela demande de réfléchir un peu mais ce n’est pas non plus insurmontable, loin de là, surtout que l’on sait à partir de quel moment on peut faire des déductions et qu’il n’y en a pas des dizaines et des dizaines à la fois. Cela permet de se mettre un minimum dans la peau de Blacksad et c’est justifié au vu de la nature de l’univers. De même pour les choix, là encore, rien de révolutionnaire puisqu’on a de nombreux passages où il faut choisir tel dialogue ou telle action. C’est toujours sympathique de voir les conséquences, surtout lorsqu’elles sont importantes et mènent à des fins différentes. Malgré tout, on trouve étrange que certains choix ne soient qu’artificiels. En effet, il arrive parfois que ce ne soit que de la pure chance, comme un passage où l’on doit choisir une cachette sans aucun indice visuel particulier. Si on se trompe, c’est la mort mais on peut recommencer tout de suite, sans aucune incidence. De même pour certains dialogues ou passages de l’histoire : mal répondre ne pose pas toujours problème, ce qui montre qu’on a malgré tout une bonne part de linéarité. On est loin d’un Detroit: Become Human par exemple, où chaque action et choix a son importance.

Quant au gameplay des QTE, parlons-en tiens. On a des moments où il faut se défendre face à des loubards, prendre des photos, déplacer des choses…. Bref, du basique, les QTE ne devraient poser aucun problème normalement. Sauf que là, ils en posent. Pendulo a reporté plusieurs fois le jeu pour éviter des soucis majeurs mais même avec les derniers patchs sur PlayStation 4, le jeu contient encore un bon nombre de bugs, gâchant de nombreux moments. Par exemple, lors des passages où Blacksad utilise ses sens afin d’analyser les personnages et décors (une bonne idée), on a encore des problèmes graphiques tels qu’un tas de gros pixels blancs qui gâche la visibilité. Pas pratique quand on doit placer un curseur à un endroit très précis. À cause d’un bug de ce type, on a eu une bagarre qui s’est éternisée de façon comique puisqu’il fallait repérer un objet particulier en quelques secondes, mais la chose fut compliquée avec un écran parsemé de pixels blancs. Pire encore, lors de « bêtes » passages où il faut simplement appuyer sur X ou une flèche de direction, la détection de touche n’a pas toujours été optimale et Blacksad n’a alors effectué aucune action, menant à des conséquences énervantes puisqu’on pensait avoir réussi. Enfin, on a parfois que très peu de temps pour prendre une décision, dans des phases qui pourraient tout de même laisser un peu plus de réflexion. C’est fort dommage car ça rend l’expérience du jeu assez irritante par moments, surtout qu’on passe tout de même près de 10 heures pour en voir le bout. Bon courage si vous souhaitez voir toutes les fins. Un gameplay simple et efficace aurait largement suffi, l’histoire étant l’un des aspects les plus importants. Mais malheureusement, on sent que Pendulo Studios a manqué de temps afin de rendre Blacksad: Under the Skin jouable sans trop de soucis. Il en est de même pour la technique, d’ailleurs.

Gênant, non ?

Un jeu qui aurait mérité plus de 9 vies

Si le gameplay est loin d’être idéal, c’est malheureusement également le cas pour l’aspect visuel. Pourtant, Pendulo Studios nous a habitué à de jolis jeux, notamment avec les Runaway et The Next Big Thing, entre autres. À chaque fois, on avait droit à des personnages et des décors donnant l’impression de sortir tout droit d’une bande dessinée. Qui de mieux que ce studio, donc, pour adapter Blacksad, dont les dessins et la mise en scène sont tout simplement brillants ? Pourtant, avec Blacksad: Under the Skin, Pendulo Studios a fait le choix étonnant d’opter pour une ambiance semi-réaliste et bien souvent, cela ne fonctionne tout simplement pas. Si Blacksad et la plupart des personnages sont bien modélisés, d’autres le sont moins et les décors ne sont que rarement agréables à l’œil. La plupart du temps, on a des résultats dignes de la précédente génération avec des textures et modélisations sommaires voire complètement ratées, le tout avec des animations pas terribles et, on le précise à nouveau, plusieurs bugs gâchant autant le gameplay que le visuel. Il y a également pas mal d’objets passants à travers les décors, des apparitions venant de nulle part et autres joyeusetés du genre. C’est décevant, tout simplement, même si un certain charme persiste grâce à la direction artistique qu’on doit à la bande dessinée et que tous les décors ne sont pas à jeter. D’ailleurs, il y a souvent des illustrations de la part du dessinateur officiel de la série et elles sont toutes réussies… quand elles n’apparaissent pas mal texturées.

Cependant, saluons la bande-sonore, tout simplement exquise. New York des années 1950 et ambiance polar noir obligent, on a le droit à des musiques de jazz collant parfaitement à l’ambiance maussade du jeu, avec parfois des musiques d’ambiance quand la situation l’exige. Cela rattrape un peu les moments où l’on a envie de jeter la manette par la fenêtre. Les voix françaises sont elles aussi réussies, avec des prestations parfaitement dans le ton. Mention spéciale à Blacksad, dont la voix rend les dialogues plaisants à suivre, plus que la voix anglaise d’ailleurs. Comme une bonne partie du jeu est portée par l’histoire et les dialogues, il est bon de voir que les musiques et les voix immergent comme il faut le joueur dans cette sombre aventure. Quel dommage cependant que le reste soit ou moyen, ou raté.

L’ambiance du jeu serait plus délectable avec des graphismes plus réussis.

Verdict : 5/10

Blacksad: Under the Skin était fort prometteur sur le papier mais au final, c’est une amère déception. La bande dessinée fascine depuis bon nombre d’années, une adaptation aurait dû être tout aussi exceptionnelle et fournir aux amateurs de jeux d’enquête originaux une expérience noire, troublante et enrichissante, comme le sont les nombreuses aventures de John Blacksad. Hélas, si l’esprit ainsi que l’ambiance du succulent univers de Juan Díaz Canales et Juanjo Guarnido sont bien présents, donnant envie de découvrir le fin mot de l’histoire, beaucoup trop de défauts sont toujours là sur PlayStation 4 malgré les récentes mises à jour. Refaire plusieurs passages suite à des soucis de sauvegardes, relancer le jeu à cause d’un dialogue bloqué et autres joyeusetés du genre, c’est inacceptable fin 2019. Sans cela, la note aurait facilement pu monter à 6 voire 7 malgré d’autres défauts tel qu’une technique décevante. En l’état, on vous déconseille encore fortement le jeu de Microids et Pendulo Studios tant que les corrections majeures ne sont pas appliquées, sans quoi l’expérience de jeu risque fortement de déplaire.

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