Après trois ans d’Accès Anticipé, Baldur’s Gate 3 est disponible dans sa version finale sur PC depuis le 2 août dernier, et depuis le 6 septembre sur PS5. Plus de vingt ans après la sortie du deuxième opus, les papas de la saga Divinity s’attaque à ce monstre de Donjons & Dragons. Ce n’est plus une surprise, le jeu est une franche réussite, et on vient pour enfoncer le clou !
Test réalisé sur une version PC grâce à une copie numérique fournie par l’éditeur.
Du rififi aux Royaumes Oubliés
Les terres de Faerûn nous ouvrent les bras et partagent leurs secrets une nouvelle fois. Vingt-trois ans après la sortie de Baldur’s Gate II: Shadows of Amn, les développeurs belges de Larian Studios nous livrent un troisième opus dantesque grâce à leur expertise du RPG et à leur boulot sur la licence Divinity, mais aussi par un amour évident du matériau d’origine imaginé par Gary Gygax et Dave Arneson dans les années 1970. Tout d’abord, il est important de noter que, à l’inverse des deux précédents volets, Baldur’s Gate 3 ne suit pas la même trame scénaristique. Il s’agit d’une histoire inédite, comportant des références et clins d’œil que les fans de la première heure comprendront, sans pour autant perdre les nouveaux venus, n’ayant jamais mis la main sur la série développée à l’origine par BioWare. Le joueur y incarnera un tout nouveau protagoniste qu’il pourra forger à sa guise, et s’entourera de compagnons nouveaux, mais aussi anciens, à l’image de Jaheira ou encore Minsc, déjà présents dans Baldur’s Gate 1 et 2.
En ce qui concerne la trame scénaristique de Baldur’s Gate 3, le jeu se déroule un siècle après les événements des deux premiers volets. Elle reprend l’univers des Royaumes Oubliés et met le joueur dans la peau d’un avatar capturé par des Illithids – ou Flagelleurs mentaux -, créatures maléfiques aux allures de Cthulhu qui lui insèrent de force un parasite mental dont le personnage devra tenter de se libérer. C’est le long de votre épopée, disséminée sur trois Actes, que votre héros rencontrera des compagnons pour le rejoindre dans sa quête, dont certains pourront être recruter pour combattre à ses côtés. Chacun de ces compagnons ont leurs propres classes et leur propre histoire, dont la plupart d’entre eux peuvent être romancés. Rapidement, la quête de l’extraction de la larve Illithid amène le groupe vers la ville de la Porte de Baldur.
Avant de partir à l’aventure, il vous faudra, comme dans tout bon jeu du genre, créer votre personnage. Baldur’s Gate 3 se base sur les règles de Donjons & Dragons 5ème édition, disponibles depuis 2014. On y retrouve les races et classes du Manuel des Joueurs, à quelques différences près. En effet, les Drows et les Githyankis seront disponibles à la création de personnage, alors que ces derniers ne sont accessibles que par le biais de suppléments au livre de base concernant le support papier du jeu de rôle. En-dehors de cela, on retrouve l’intégralité du Manuel des Joueurs de la 5ème édition de Donjons & Dragons. Petit détail qui pourrait porter à confusion pour les connaisseurs, la classe du Sorcier a ici été rebaptisé Occultiste. Si le créateur de personnage propose plusieurs options, et ce jusqu’à choisir vos parties génitales, il est impossible de retoucher un visage manuellement. Il faudra composer avec les presets mis à disposition par le jeu. Il ne sera donc pas possible de créer un personnage véritablement sur mesure, mais les possibilités sont suffisantes pour donner vie à un avatar à votre image. Il vous sera ensuite demandé de faire de même pour un mystérieux protagoniste présenté comme votre « ange gardien ». Vous en saurez plus sur ce dernier au fur et à mesure de votre périple.
Larian Studios, les nouveaux Maîtres du genre ?
Actifs sur la série Divinity depuis plus de vingt ans, le studio a vraiment commencé à faire parler de lui avec la sortie des Divinity: Original Sin, et plus précisément avec le second épisode sorti en 2017. C’est cette même année que les développeurs furent approchés pour mettre au monde Baldur’s Gate 3. Alors que nous aurions pu nous attendre à un retour au source avec un jeu en perspective isométrique, dont le genre fut relancé par Obsidian Entertainment avec la sortie de ses RPG Pillars of Eternity et Tyranny, Larian Studios a opté sur ce qu’il savait faire de mieux en reprenant les bases de son gameplay peaufiné au travers de la série Divinity: Original Sin. Les joueurs se déplaceront donc dans des décors entièrement en 3D avec une caméra aérienne permettant d’avoir une vue d’ensemble de la zone environnante. Si certains pouvaient être sceptiques à cette approche, craignant un éloignement trop prononcé avec la formule d’origine, il faut reconnaître que la méthode marche du feu de Dieu. On peut être nostalgique du Baldur’s Gate à l’ancienne, reprendre stricto sensu le gameplay de la série originelle aurait donné au jeu une saveur plus amer, avec l’impression d’une recette vieillissante. Il en est de même avec les combats, qui ont abandonné le principe de pause active pour du tour par tour. Là aussi, le résultat est incomparable. À bien des égards, Larian Studios ont voulu retranscrire le plus fidèlement possible la sensation du jeu de rôle papier, sans pour autant oublier d’être un jeu vidéo qui s’adresse à un plus large panel de joueurs. Les puristes regretteront certainement l’impossibilité de composer son groupe de six héros comme dans les opus précédents, mais seulement de quatre personnages, à l’image de ce que Larian Studios propose dans Divinity: Original Sin. Si on fait la moue au début, le résultat s’avère finalement convaincant et on finit par passer outre ce point de détail.
Si vous êtes rôliste, Larian Studios a introduit plusieurs features bien venues pour vous remémorer vos parties sur tables. Tout d’abord, comme pour le support papier, effectuer un test de compétence vous demandera de lancer votre D20 ! Ça n’a l’air de rien dit comme cela, mais rare sont les jeux vous proposant cette option, la plupart optant pour un jet en arrière-plan. Bien sûr, Baldur’s Gate 3 comporte aussi des jets passifs et ne poussera pas le vice en vous demandant de lancer un dé pour déterminer les points de dégâts de chacune de vos attaques. Une petite différence avec la version papier réside dans la gestion des succès et échecs critiques. Faire un 1 ou un 20 n’aura pour seul conséquence l’échec ou la réussite automatique d’un jeu, sans prendre en compte les supposés bonus ou malus de maîtrise, à l’inverse du jeu de rôle sur table où le Maître de Jeu pourra vous infliger une pénalité ou un avantage sur l’action en cours ou suivant selon la situation. Néanmoins, ce parti-pris est appréciable, et peut même donner lieu à des moments de franches rigolades en multijoueur avec vos amis. Autre feature notable, la présence d’un narrateur – une narratrice ici en l’occurrence – qui décrit vos actions après certains tests de compétences où lors de moments clé, tel un Maître de Jeu à votre table. Il faudra également saluer la finesse d’écriture, aussi bien de la trame principale, mais aussi dans les quêtes secondaires des compagnons qui vous accompagneront dans votre odyssée. Ils ont tous quelque chose à raconter et à apporter, certains mêmes peuvent s’avérer se révéler plus touchants qu’ils n’y paraissent.
Baldur’s Gate 3, l’anomalie de la décennie ?
Vous avez déjà pu le voir fleurir sur le net, Baldur’s Gate 3 est considéré par beaucoup comme « une anomalie » dans le monde vidéoludique, compte tenu de ses ambitions et du contenu titanesque offert par le titre. Beaucoup de développeurs ont même appelé les joueurs à ne pas prendre le RPG de Larian Studios comme le nouveau standard. Mis à part ce commentaire discutable qui prouve que pour certains développeurs (et nous ne mettons pas tous les développeurs dans le même sac selon leurs moyens et le style de jeu proposé) le jeu vidéo est avant tout un business avant d’être une passion, oui, Baldur’s Gate 3 est un jeu au contenu et à la qualité véritablement dantesque. Larian Studios n’ont pas lésiné sur les moyens pour offrir aux joueurs l’expérience Donjons & Dragons quasi ultime, le tout retranscrit dans une aventure pouvant atteindre plus de 75h de temps de jeu selon votre rythme. Dans une interview donnée avant la sortie de Baldur’s Gate 3, il faisait mention d’une durée de vie de 200h pour voir tout ce que titre avait à offrir, et cela pour une run unique. Rien ne vous empêche de refaire le jeu avec une nouvelle classe, race et de faire des choix totalement différents pour vivre une expérience nouvelle. D’ailleurs, Baldur’s Gate 3 s’adresse à un large public en proposant trois types de difficulté afin de s’adapter aux envies des joueurs. Vous pouvez faire le choix de mettre l’aspect combat en retrait au profit de l’histoire, d’obtenir une expérience équilibrée, ou bien alors de relever un défi ardu avec une difficulté à faire pleurer les joueurs, des mots même du patron de Larian Studios.
En plus de cela, Baldur’s Gate 3 introduit aussi les scénarios « Origine ». Ces variantes de l’aventure ne vous proposent pas un contenu 100% inédit, mais plutôt de vivre l’aventure à travers les yeux d’un personnage habituellement considéré comme un compagnon si vous avez joué avec un personnage personnalisé. Exception faite au scénario « Sombres Pulsions », un personnage totalement à part issu d’un événement communautaire, qui vous met dans la peau d’un tueur en série amnésique. Vous l’aurez compris, avec tout ceci, il y a de quoi vous tenir en haleine pour les mois à venir. C’est sans compter les près de 17000 « fins » prévues par Larian Studios. Malheureusement, nous n’avons pas pu nous essayer nous-même à voir toutes ces fins, mais il y a fort à parier que la plupart résident dans les modifications mineures de certains dialogues et autres subtilités. Baldur’s Gate 3 peut aussi s’apprécier entre amis jusqu’à quatre joueurs. Petit bémol cependant, si vous n’êtes pas en mesure de former un groupe complet d’amis, il peut être recommandé de ne jouer qu’à deux. La raison ça cela, l’utilisation de compagnons. Si vous jouez à trois, seulement l’un des joueurs aura l’occasion de pouvoir jouer un personnage supplémentaire en plus du sien, ce qui pourrait léser les autres. Il est néanmoins possible de faire tourner le compagnon de main en main, mais si vous tombez sur un ami un peu trop égoïste, cela pourrait créer de la discorde dans le groupe.
Un point négatif que nous pourrions souligner réside dans la décision faite par Larian Studios de caper le leveling du jeu au niveau 12. Si les raisons évoquées derrière sont louables, on a tout de même l’impression de ne pas profiter du plein potentiel de Donjons & Dragons 5ème édition et de passer à côté de beaucoup de choses. Cela se ressent surtout pour le multi-classing, soit le fait de monter plusieurs classes à la fois. Pour rappel, le niveau maximum dans D&D5 est le niveau 20. Interrogé de nombreuses fois sur ce sujet, Larian Studios semble faire machine arrière sur ses dernières positions, évoquant la possibilité de pouvoir monter son personnage du niveau 13 à 20 dans un futur plus ou moins proche.
Autre petit bémol selon nous, l’absence probable d’un mode Game Master à l’image de ce que propose Larian Studios sur Divinity: Original Sin 2. Le mode GM (Game Master), permet aux joueurs de créer leurs propres scénarios et/ou campagnes avec les assets fournis par les développeurs, ou grâce au contenu généré par les moddeurs. Un choix regrettable pour une licence aussi charismatique qu’est Baldur’s Gate, et plus largement Donjons & Dragons, père du jeu de rôle. Il se peut que la décision provienne de Wizards of the Coast (maison d’édition de Donjons & Dragons) de ne pas financer le projet pour ne pas concurrencer son propre projet de jeu de plateau virtuel. Il aurait été apprécié de bénéficier d’une version allégée, surtout que Baldur’s Gate 3 propose un contenu plus ciblé et moins généraliste qu’un jeu D&D dans son ensemble. Peut-être que ces derniers se rétracteront encore une fois. Seul l’avenir nous le dira.
Beautifully Imperfect
Il y a beaucoup de louanges à chanter à l’intention de Baldur’s Gate 3 et, plus largement, au travail fourni par les équipes de Larian Studios. Néanmoins, quelques imperfections sont bel et bien présentes, même si les équipes font un boulot remarquable pour corriger les quelques défauts qui viennent entacher ce RPG de grande volée. Tout d’abord, l’optimisation. Baldur’s Gate 3 est un jeu gourmand en ressources. Si les premières heures se déroulent sans accroche majeure, on peut parfois déchanter à certains moments de l’Acte 2, et d’autant plus à l’Acte 3 avec plusieurs moments où les configurations les plus modestes risques de peiner à faire tourner le jeu convenablement. Au moment où nous écrivons ces lignes, Larian Studios a déjà déployé plusieurs patchs pour améliorer l’expérience de jeu, dont l’optimisation globale. Baldur’s Gate 3 n’en est qu’au début de son suivi, et il y a fort à parier que le jeu recevra toute l’attention qu’il se doit de la part du studio belge pour le hisser au plus haut possible.
D’autres petits défauts sont également à déplorer, comme de rares crash, des textes en anglais qui prennent le dessus sur la VF à quelques moments, ou encore des soucis de caméras, même lors de cinématiques, mais plus gênant encore, en combat. Baldur’s Gate 3 gérant la verticalité, il n’est pas rare que la caméra se coince, notamment si l’action se déroule à un autre niveau par rapport à vous. Nous pourrions aussi pinailler sur les animations parfois un peu rigides par moments. Malgré cela, Baldur’s Gate 3 reste néanmoins enchanteur, grâce à son univers réussi et ses personnages attachants, renforcé par un doublage anglais de qualité. Mention spéciale aux personnages d’Ombrecoeur, Lae’zel et Gayle qui tirent leurs épingles du jeu à notre sens. Bien sûr, les autres ne sont pas en reste. Nous ne pouvons pas conclure sans vous toucher un mot sur la bande originale de Baldur’s Gate 3 qui est une franche réussite. Borislav Slavov a parfaitement capté l’essence de Donjons & Dragons pour nous livrer une OST qui s’accorde parfaitement à l’univers et aux moments clés. Appréciation toute particulière au morceau « I want to Live » en version instrumentale, le plus souvent écoutable dans votre camp, qui dégage tout aussi bien le sentiment de sérénité que de mélancolie qui vous entoure vous et vos compagnons.
Verdict : 9/10
Tout comme le fut Skyrim pour certains – ou The Witcher 3 pour d’autres -, Baldur’s Gate 3 marquera son temps, et très probablement pour les années à venir. Riche, généreux, addictif, ses nombreuses qualités et l’engouement qu’il suscite font trembler la concurrence. Certains professionnels et analystes du milieu n’hésitent pas à qualifier Baldur’s Gate 3 d’« Anomalie » et appellent les joueurs à la tempérance afin de ne pas définir le titre de Larian Studios comme le nouveau standard du RPG. Position que nous rejetons en bloc. Baldur’s Gate 3 est la définition du jeu fait avec amour et passion, et devrait servir de modèle aux productions suivantes. Certes, Baldur’s Gate 3 n’est pas le jeu parfait, mais il place la barre suffisamment haute pour potentiellement créer un avant et un après. Avec la prise en charge du Modding et l’annonce récente du PDG de Larian Studios qui ne ferme plus complétement la porte à du contenu supplémentaire, malgré ses positions de départ, le titre a de beaux jours devant lui. Si vous ne l’aviez pas encore compris, Baldur’s Gate 3 est incontestablement un Must Have de 2023, et se positionne aisément comme le prétendant au trône de jeu de l’année.
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