Astral Chain est le nouveau projet du studio PlatinumGames, déjà à l’origine des très célèbres Bayonetta et NieR:Automata pour ne citer qu’eux. Aux commandes de ce nouveau titre très attendu par les joueurs : Takahisa Taura, aperçu en tant que concepteur principal sur NieR:Automata et ici en qualité de directeur, Hideki Kamiya, créateur de la saga Bayonetta, ici producteur, et Masakazu Katsura, le mangaka derrière Video Girl Ai et Zetman, se chargeant de la conception des personnages. Autant dire qu’avec un tel trio, cette nouvelle licence partait sous les meilleurs auspices. Prenez un univers futuriste, le savoir-faire d’un studio qui n’a plus rien à prouver et saupoudrez de combats aboutis : vous voici en possession d’un jeu qui a tout pour lui. Si Astral Chain nous avait incontestablement charmés lors de notre preview, qu’en est-il du résultat final ?
Test réalisé sur Nintendo Switch à partir d’une version numérique fournie par l’éditeur
Glory to Mankind…
… Si cette phrase vous semble familière, c’est sans aucun doute parce que vous l’avez aperçue plusieurs fois dans le bien-aimé NieR:Automata. Voilà un thème qui va finir par devenir récurrent chez PlatinumGames ! Un monde en déclin, des attaques extra-terrestres, la survie de l’humanité… Autant de problématiques simples mais intelligemment exploitées jusqu’alors. Cette fois-ci, effectuons un bon dans le futur pour nous retrouver en plein univers cyberpunk menacé d’extinction. En 2078, la terre se retrouve confrontée à la rubéfaction : une matière rouge semée par des créatures appelées Chimères venues d’une autre dimension. Ces dernières ont pour objectif de contaminer tous les êtres vivants afin de mener l’Humanité vers son extinction. La civilisation trouve alors refuge au sein de l’Arche, un îlot artificiel censé être à l’abri des terribles monstres et de leurs portails bidimensionnels. Évidemment, vous vous doutez bien que tout ne se passera pas comme prévu.
C’est dans ces conditions que vous rejoignez Neuron, une unité spéciale conçue pour lutter contre l’invasion ennemie à l’aide d’armes appelées Légions, qui ne sont autre que des Chimères apprivoisées… par la force. À la tête de ce projet : le scientifique Yoseph Calvert, véritable génie désireux de trouver une solution pour sauver les habitants de notre chère planète. En tant que progéniture du commandant de cette unité, vous ne tarderez pas à dévoiler un talent particulier quant au maniement de votre Légion et à faire preuve d’une aptitude au combat impressionnante. Mais avant toute chose, vous devrez choisir le sexe de votre personnage et effectuer quelques modifications physiques (cheveux, couleur de peau, d’yeux, etc.). Un éditeur de personnage simple, qui a malgré tout le mérite d’être présent. Notez d’ailleurs que le sexe opposé au vôtre sera attribué à votre jumeau, ce personnage jouant un rôle essentiel dans le scénario. À ce sujet, un doublage intégral est proposé pour les deux sexes, ce qui soulève une réelle interrogation concernant l’absence de voix du héros…
Ne tournons pas plus autour du pot. Artistiquement, Astral Chain envoie du lourd et surprend même à travers sa technique. Si la Switch nous a déjà prouvé qu’elle était capable de belles choses, c’est bel et bien un nouveau cap qui est franchi ici. Aidé par un cel-shading prononcé et des graphismes faisant écho aux animés japonais, le titre impressionne régulièrement par sa capacité à afficher des environnements riches et vivants sans subir de ralentissements. Sur une quarantaine d’heures de jeu, nous n’avons eu que de très légères baisses de framerate, dues à un trop grand nombre d’attaques dans une même zone. Les décors se paient par ailleurs le luxe d’afficher quelques effets de style remarquables, entre reflets, explosions de particules et jeux de lumière. Tout ne se fait pas sans aliasing, clipping, ombres pixelisées et autres petits bugs d’affichage par-ci par-là, mais nous pardonnons aisément au titre qui se montre magnifique la plupart du temps, véritable petite prouesse technique. Notons également les efforts apportés à la réalisation, offrant quelques plans bien choisis et des scènes très rythmées.
Malheureusement, côté scénario, difficile de cacher notre déception. Nous vous avions déjà fait part de nos inquiétudes concernant ce point précis lors de notre preview, et celles-ci se confirment, constituant le plus grand point faible du jeu. Démarrant avec un concept déjà vu et revu, l’intrigue peine à nous saisir, alourdie par des personnages clichés, parfois à la limite du supportable, des lignes de dialogue creuses et des rebondissements douteux. Digne d’une série Z, l’histoire emprunte des chemins finalement assez décevants. Par conséquent, n’en attendez pas trop concernant l’évolution de la narration, celle-ci s’engouffrant peu à peu vers des résolutions bancales. Ne soyons pas trop sévère malgré tout : le scénario est loin d’être une plaie et regorge de bonnes idées qui vous accrocheront jusqu’à la fin. On ne peut cependant s’empêcher de ressentir un goût amer, au vu de la qualité d’écriture de NieR:Automata et de son caractère méta assumé et bouleversant d’originalité.
Un gameplay à la recherche de son identité
Ce mauvais point évacué, passons maintenant au gameplay qui se révèle être une agréable surprise. Dès les premières heures, on ressent l’envie du studio de faire d’Astral Chain un titre polyvalent. Alternant différents genres, on se retrouve très rapidement à jongler entre phases d’enquête, de plateforme, d’infiltration, d’exploration, de combat et quelquefois de shoot ‘em up. Un savoureux mélange qui permet au joueur de ne jamais s’ennuyer et de diversifier son expérience à chaque nouveau chapitre, ces derniers étant par ailleurs qualifiés de fichiers. Muni de votre IRIS – une intelligence artificielle vous permettant d’analyser votre environnement – et de votre Légion, vous aurez pour but d’enquêter sur des scènes de « crime », d’interroger les civils et de trouver des pistes afin d’accumuler des indices. L’enquête prendra fin lorsque vous parlerez à votre collègue sur le terrain, se concluant par une session de questions / réponses. C’est ici que vos indices vous serviront à rassembler les morceaux et à gagner des points.
Si l’intention est louable, on regrette que certaines phases de gameplay soient trop vite abandonnées et/ou rendues obsolètes. C’est le cas par exemple des enquêtes policières qui n’apportent finalement rien à l’histoire ou au développement du personnage et qui se montrent assez rares au fil de l’aventure. De même, nous aurions apprécié jouer plus de phases en moto, celle-ci étant relativement agréable à manier et joliment mise en scène. Les phases d’exploration, quant à elles, se montrent agréables et remplies de quêtes annexes qui vous apporteront de l’argent, des améliorations pour votre équipement ou votre légion et des objets de personnalisation. Pour finir, la dimension des chimères, connue aussi sous le nom de Plan Astral (que vous serez amené à visiter régulièrement) s’avère être une réussite, visuellement saisissante et utilisant des idées de level design bien pensées. Au passage, sachez que plusieurs défis (plus de 150) seront mis à votre disposition afin de vous inciter à explorer les niveaux de fond en comble et à les rejouer via différents niveaux de difficulté.
On ressent clairement les bonnes intentions du studio, son envie de proposer au joueur une expérience aussi complète que variée ; et dans sa globalité le gameplay se montre plutôt abouti. Néanmoins, on discerne une petite hésitation quant à la voie dans laquelle le titre souhaite s’engager. Nous l’évoquions un peu plus haut, l’un des atouts du jeu réside dans sa rejouabilité. Il est en effet possible de rejouer chaque fichier préalablement terminé avec de nouveaux seuils de difficulté, tout en conservant son niveau et ses statistiques actuelles. De même, les Légions déjà acquises restent en votre possession, ce qui vous permet d’accéder à de nouvelles zones, de débloquer des coffres auparavant inaccessibles et de tomber sur de nouveaux portails. Une option qui ravira les joueurs à la recherche de défis, la difficulté Extrême étant particulièrement intransigeante, et qui prolongera la durée de vie initialement proche de la vingtaine d’heures.
Un vrai défouloir
Il reste évidemment un point à aborder, et pas des moindres : les combats. Véritable cœur du titre, ces derniers sont étonnamment plus lourds que ce que nous pouvions imaginer, mais cela ne les empêche pas d’être nerveux et parfaitement fluides. Votre arsenal est constitué d’une matraque-X et de votre Légion. La première est une arme polyvalente pouvant se transformer en arme à feu (distance), en glaive (dégâts lourds), ou en matraque (rapidité) ; la deuxième est un véritable second personnage avec lequel vous chercherez à obtenir une symbiose parfaite.
Vos ennemis pouvant s’adapter à tous les terrains grâce à un bestiaire riche et diversifié, il vous faudra parer à toute éventualité et switcher entre les différentes options qui s’offriront à vous. Grâce à votre matraque-X, vous serez en mesure de couvrir les attaques venues du ciel mais aussi les combats rapprochés. D’une simple pression sur la croix directionnelle, votre arme se transformera d’une seconde à l’autre. Une fluidité exemplaire qui vous demandera cependant une certaine connaissance des mécaniques de jeu pour être maîtrisée pleinement. De nombreux combos viendront parsemer le tout, vous demandant d’appuyer sur une touche au bon moment afin de booster vos dégâts.
Les Légions jouent quant à elles un rôle majeur au sein des combats. Vous aurez pour objectif d’entrer en symbiose avec elles afin de dominer les affrontements. Se débloquant au fur et à mesure de l’aventure, vous découvrirez de nouvelles capacités et, par conséquent, de nouveaux styles de jeu. Par exemple, la Légion « Poing » se montrera plutôt lente mais causera de gros dégâts, là où la Légion « Épée » occasionnera moins de dégâts mais sera bien plus vive. De plus, chaque Légion possède sa propre aptitude. Tir à l’arc, tranchage, pugilat… libre à vous de vous adapter à chaque situation et de choisir votre style favori. Concernant la Légion Épée, on ne peut s’empêcher d’y voir un clin d’œil au sympathique Metal Gear Rising: Revengeance, encore un soft du catalogue très fourni de PlatinumGames. Relié à elles via une chaîne astrale, vous pourrez les laisser attaquer automatiquement vos ennemis ou les contrôler à l’aide du joystick droit, ce qui vous offrira la possibilité d’effectuer quelques actions sympathiques, comme entourer l’ennemi avec votre chaîne afin de le bloquer, ou lui barrer la route lors d’un dash pour le propulser dans le sens inverse. Notez que les Légions bénéficient toutes d’un arbre de compétences qui leur est propre pouvant évoluer grâce à des points gagnés principalement en tuant vos ennemis.
Malheureusement, la caméra se montre bien trop souvent capricieuse lors des combats, parfois même catastrophique en intérieur. Complètement à la ramasse, il n’est pas rare de se voir gêné par un mur ou un obstacle (ou tout simplement un angle mal choisi), rendant l’action illisible. Dès lors, nous devons attendre parfois plusieurs secondes avant que tout ne rentre dans l’ordre, ce qui peut se montrer particulièrement dérangeant lors de certains affrontements majeurs.
Verdict : 7/10
On ne ressort pas indifférent de l’expérience Astral Chain. Fort d’un gameplay varié et abouti, le titre nous embarque rapidement dans une explosion de nervosité portée par des combats haletants. Les Légions, point principal du soft et cœur de l’intrigue, se montrent agréables à manier, fluides et ingénieuses. Qui plus est, l’univers proposé s’avère particulièrement réussi, soutenu par une technique impressionnante compte-tenu des capacités de la console. S’inscrivant sans conteste parmi les meilleurs titres de la Nintendo Switch, quelques erreurs de parcours viennent néanmoins ternir le résultat final. En tête de liste, un scénario bancal qui ne cesse de se chercher, pour finalement se perdre dans un méli-mélo complètement étrange. On regrette également que certains aspects du gameplay ne soient pas plus présents et/ou impactants (enquêtes policières, phases de shooter en moto etc.) et que les problèmes de caméra se montrent aussi persistants. En d’autres termes, Astral Chain s’apparente aux prémices réussies d’une nouvelle licence prometteuse, et cette dernière ne demande qu’à être étendue. Un petit bijou qui convaincra à n’en pas douter les amateurs du genre !
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