Assassin’s Creed Shadows s’apprête à sortir de l’ombre ce jeudi 20 mars après moult reports et polémiques ayant entaché l’aura, et donc les attentes autour de ce jeu espéré par les fans depuis plusieurs années. Malgré vents et marées, Ubisoft tente de tenir la barre et ambitionne de proposer aux joueurs une expérience à la hauteur des attentes. Après une succession d’échecs, la firme française n’a plus le droit à l’erreur. Les reports et les modifications apportées auront-ils été suffisants pour sauver le titre du naufrage ou assistons-nous là à la chronique d’un échec annoncé ?
Test réalisé sur NVIDIA GeForce NOW, puis sur PS5 à l’aide d’une copie envoyée par l’éditeur
Assassin’s Creed Shadows, le fardeau d’Ubisoft
Annoncé en grande pompe sous le nom de Codename Red, Assassin’s Creed Shadows est sans doute l’un des épisodes les plus attendus de la franchise d’Ubisoft. Depuis des années, les fans réclamaient un volet se déroulant dans le Japon féodal, une période aussi fascinante que propice aux intrigues d’assassins et de samouraïs. Ubisoft a enfin exaucé ce vœu en nous transportant au XVIe siècle, durant l’ère du shogunat, où l’on incarne deux protagonistes aux parcours et aux styles de jeu radicalement différents : Naoe, une kunoichi agile et furtive issue du clan Iga, et Yasuke, un puissant samouraï inspiré du personnage historique du même nom.
Le jeu s’inscrit dans la continuité des derniers opus (Origins, Odyssey et Valhalla) en conservant une approche RPG avec un vaste monde ouvert, des compétences à débloquer et un équipement évolutif. Un parti pris qui divise encore aujourd’hui la communauté, entre ceux qui apprécient cette nouvelle direction et les nostalgiques du gameplay plus furtif et linéaire des premiers Assassin’s Creed.
À cela s’ajoutent des inquiétudes sur la qualité technique du jeu, notamment après les récentes déconvenues d’Ubisoft. Les polémiques sur les performances et l’état des jeux à leur lancement sont devenues un sujet récurrent pour l’éditeur, et nombreux sont ceux qui redoutaient un nouvel épisode entaché de bugs ou d’un moteur graphique vieillissant. Malgré cela, Assassin’s Creed Shadows s’est dévoilé à travers des trailers prometteurs, laissant entrevoir une ambiance immersive, des paysages magnifiques et un système de combat intriguant, basé sur la dualité entre les deux styles offerts par les protagonistes.
Une ère de chaos et d’ambition
L’histoire d’Assassin’s Creed Shadows prend place dans le Japon du XVIe siècle, en plein cœur de l’époque Sengoku. Cette période est marquée par des conflits incessants entre seigneurs féodaux (daimyos) cherchant à étendre leur influence. C’est une époque charnière où le Japon est en proie à des révoltes, des trahisons et des luttes de pouvoir, mais aussi à l’arrivée des Européens qui introduisent de nouvelles armes et des idées étrangères dans l’archipel. Le jeu met en avant l’un des acteurs clés de cette période : Oda Nobunaga, le seigneur qui amorça l’unification du Japon avant d’être trahi par l’un de ses généraux. L’ombre des Assassins et des Templiers plane également sur cette période troublée, avec des conflits politiques et militaires en toile de fond à un affrontement plus vaste entre ces deux factions emblématiques de la franchise.
Le jeu repose sur une dualité inédite dans la saga, en proposant deux personnages jouables aux approches très différentes : Naoe et Yasuke. Naoe est une kunoichi, une femme ninja issue du célèbre clan Iga, réputé pour sa maîtrise des techniques d’infiltration et de sabotage. Formée à l’art du ninjutsu, elle incarne l’aspect furtif et fantomatique du jeu, capable de se fondre dans l’ombre, d’utiliser des gadgets tels que le kunai ou les bombes fumigènes et d’éliminer ses cibles avec une précision chirurgicale. Son style rappelle celui des premiers Assassin’s Creed, misant sur l’agilité, l’escalade et la discrétion pour atteindre ses objectifs. En contraste total, Yasuke est présenté comme un guerrier féroce, dont la force brute le place aux antipodes du style de Naoe. Inspiré d’un personnage historique réel, Yasuke était un ancien esclave africain arrivé au Japon au service des missionnaires portugais avant d’être pris sous l’aile du daimyo Oda Nobunaga. Certains historiens estiment qu’il aurait plutôt été un serviteur haut placé ou un garde du corps, son ascension sociale étant sans doute exagérée par le prisme des récits modernes.
Malheureusement, la trame narrative d’Assassin’s Creed Shadows s’inscrit dans la continuité des récits récents d’Ubisoft : un scénario sans éclat, manquant d’audace et de moments véritablement mémorables. Malgré un contexte historique riche et un duo de protagonistes aux approches opposées, l’histoire peine à captiver, se contentant d’un déroulement prévisible et sans réelle prise de risque. Loin des intrigues homériques des premiers opus, le jeu se limite à un enchaînement de missions sans grande profondeur ni scènes marquantes, rendant l’ensemble oubliable et dénué de la tension narrative qui faisait autrefois la force de la franchise.
Entre immersion et approximations
Avec Assassin’s Creed Shadows, Ubisoft signe le grand retour du RPG en monde ouvert depuis Assassin’s Creed Valhalla, le précédent opus, Assassin’s Creed Mirage, revenant à un format plus intimiste, dans la veine des grandes années de la licence. Le Japon féodal se présente ainsi comme un vaste terrain de jeu regorgeant de provinces à explorer, de villages à découvrir et de forteresses à infiltrer. Ubisoft a également introduit un cycle dynamique des saisons, une première dans la franchise, qui influence non seulement l’esthétique du monde, mais aussi le gameplay. L’hiver recouvre les routes de neige et les lacs de givre, rendant les déplacements plus difficiles et modifiant les comportements ennemis, tandis que l’automne tapisse les villages et les sentiers de feuilles rouges, accentuant l’atmosphère poétique du Japon féodal.
Néanmoins, une fois en jeu, le monde ouvert reste globalement agréable à parcourir. L’aire de jeu regorge de temples, de panoramas et de mystères à découvrir, le tout rythmé par le passage des saisons, qui modifient l’apparence et l’ambiance de la portion d’île nipponne. La façon dont ce système est géré par le jeu reste nébuleux, enchaînant, un peu trop vite à notre goût, ces dernières, ce qui ne nous permet pas de profiter pleinement des panoramas et des éventuelles opportunités offertes par les changements de climats. L’exploration sera enrichie par de nombreuses activités : quêtes secondaires, duels contre des guerriers d’élite, chasses aux trésors et interactions avec des figures historiques de l’époque.
Les joueurs pourront également améliorer leur équipement en trouvant des matériaux rares, débloquer de nouvelles compétences en explorant des dojos cachés et repousser des bandes de ronins ou de bandits en embuscade. Nous regrettons cependant l’impossibilité, dorénavant, de pouvoir voyager automatiquement à dos de cheval. Si le principe du fil d’Ariane pour suivre la direction d’une quête ou d’un point d’intérêt est toujours présent, il faudra désormais prendre l’entier contrôle de votre canasson pour vous y rendre. Dommage pour ceux qui appréciaient pouvoir souffler un moment en se libérant de leur manette le temps du trajet et contempler la beauté du monde ouvert.
Autre bémol, le parkour est une nouvelle fois perfectible dans cet opus, avec des maladresses et des imprécisions qui peuvent rapidement devenir frustrantes. Si la série a déjà perdu en fluidité des déplacements depuis son passage au RPG, Assassin’s Creed Shadows apparaît plus rigide et balisé que ses prédécesseurs. Certaines parois et éléments, autrefois logiquement praticables, ne le sont plus sans raison apparente, forçant le joueur à emprunter des itinéraires prédéfinis au lieu de laisser libre cours à son instinct.
Ce choix, sans doute fait pour rendre les personnages moins surhumains qu’auparavant, nuit cependant à l’intuitivité du déplacement et peut rendre certaines séquences particulièrement agaçantes. De plus, le manque d’interconnexions entre les bâtiments limite les possibilités de fuite et d’exploration, bridant ainsi une mécanique qui devrait être l’un des piliers du jeu. En comparaison, Assassin’s Creed Unity reste encore aujourd’hui une référence en matière de parkour, avec une fluidité presque parfaite et une verticalité exploitée de manière bien plus naturelle. Il est triste de constater qu’après tant d’années, Ubisoft n’ait jamais réussi à retrouver cette excellence, préférant proposer un parkour plus rigide et dirigiste, au détriment du plaisir de déplacement.
Deux héros, deux visions
Naoe et Yasuke offrent des gameplay radicalement différents. Celui de Naoe repose avant tout sur l’héritage de l’assassin tel qu’on le connaît dans la franchise, avec une forte emphase sur la furtivité, l’agilité et l’utilisation de l’environnement pour se cacher et surprendre l’adversaire. L’élément central du gameplay de Naoe est, sans surprise, l’infiltration. Elle peut se fondre dans l’obscurité, derrière des structures ou dans les feuillages. Cela s’accompagne d’une mécanique de visibilité dynamique où les ennemis réagissent non seulement au son, mais aussi à l’exposition à la lumière, à la manière d’un Splinter Cell en son temps. Ainsi, Naoe devra non seulement éviter la ligne de vue de ses adversaires, mais aussi tirer parti de l’obscurité pour disparaître des regards. Un autre élément majeur du gameplay de Naoe est l’utilisation du grappin, une mécanique qui permet de donner une dimension verticale accrue au jeu. Grâce à cet outil, Naoe peut se déplacer à travers les toits des bâtiments, sauter entre les structures ou même atteindre des points d’accès élevés pour effectuer des attaques depuis des positions avantageuses.
À l’opposé total de Naoe, Yasuke incarne la puissance du combat frontal. Inspiré du mythe du guerrier étranger au service d’Oda Nobunaga, il adopte un style de jeu qui s’éloigne des codes traditionnels de la saga Assassin’s Creed pour s’orienter vers une expérience basée sur la force physique et la résistance aux assauts ennemis. Son style de combat rappelle celui d’un véritable guerrier sur un champ de bataille, alternant entre attaques tranchantes et contres dévastateurs. En plus du katana, Yasuke a accès à des armes lourdes, comme le kanabo ou la naginata. Le katana offre un bon équilibre entre vitesse et puissance, tandis que le kanabo mise sur des frappes d’une lenteur écrasante mais dévastatrice, parfaites pour briser les armures adverses en quelques coups. Contrairement à Naoe, qui doit impérativement éviter les combats prolongés, Yasuke peut faire face à plusieurs ennemis en même temps sans craindre d’être submergé grâce à une multitude d’atouts offensifs et défensifs. De plus, Yasuke est capable d’équiper des armures lourdes, là où la kunoichi devra se contenter d’un attirail plus léger et donc moins enclin à résister à des vagues successives d’ennemis.
Au-delà de la polémique entourant le personnage de Yasuke, la question qui se pose véritablement est de savoir si l’introduction d’un second personnage samouraï dans Assassin’s Creed Shadows est un choix judicieux en termes de gameplay et de narration. Dès l’annonce du jeu, les comparaisons avec Ghost of Tsushima ne se sont pas faites attendre. En matière de combat, le titre de Sucker Punch Production a mis la barre très haute en proposant une expérience aussi fluide qu’exigeante, où chaque affrontement se joue sur la technique et la maîtrise des différentes postures. Face à un tel modèle, difficile pour Ubisoft de rivaliser, et le gameplay de Yasuke en pâtit directement. Yasuke adopte une approche plus rigide et moins technique. Son maniement du katana repose sur des frappes lourdes et une endurance limitée, donnant un sentiment de puissance brute, mais au détriment de la finesse et de la stratégie.
Là où Ghost of Tsushima récompensait la montée en compétences du joueur, Yasuke semble figé dans un style de combat plus générique, où l’absence de vraies mécaniques de progression réduit l’impact des affrontements. La mise en scène des duels, autre point fort du jeu de Sucker Punch, est également bien moins marquante dans le titre d’Ubisoft. Ghost of Tsushima sublimait ses affrontements avec des face à face dignes des plus grands films de samouraïs. En comparaison, Assassin’s Creed Shadows paraît plus chaotique. En voulant proposer un protagoniste puissant et résistant, Ubisoft sacrifie la technicité et la profondeur qui faisaient l’essence du combat au katana, laissant l’impression d’une alternative moins aboutie du jeu de Sucker Punch.
Naoe, avec son gameplay furtif et son approche tactique, est beaucoup plus alignée avec l’esprit d’Assassin’s Creed, une franchise qui, depuis ses débuts, a mis en avant l’infiltration et les assassinats silencieux. Son style, plus subtil et agile, s’intègre parfaitement dans la philosophie de l’univers de la série, à l’inverse de Yasuke qui offre un gameplay beaucoup plus brutal, ce qui pourrait sembler plus déconnecté de l’esprit traditionnel de la série. En outre, la plupart des joueurs risquent de privilégier Naoe, compte tenu de la fidélité de son gameplay à ce que les fans attendent de la franchise. Petit détail mais pas des moindres, Ubisoft a enfin entendu les complaintes des joueurs. Il est désormais possible, via une option à activer, d’éliminer n’importe quel ennemi d’un seul coup grâce à la lame cachée, ce qui devrait ravir les plus agacés par le système de leveling introduit par le format RPG, qui rendait la chose impossible auparavant sur les cibles plus puissantes que le joueur.
Au final, Ubisoft aurait peut-être dû se concentrer sur un seul personnage jouable, comme dans les opus précédents de la saga. Cela aurait permis de proposer une expérience plus cohérente et affinée, tant au niveau du gameplay que de la narration, sans avoir à gérer la difficulté d’harmoniser deux approches aussi radicalement différentes. Ce choix aurait peut-être permis de renforcer l’immersion dans l’époque et le contexte historique choisis pour ce jeu.
Un aspect troublant qu’il faut souligner réside dans la possibilité d’éliminer des civils. Contrairement aux précédents opus, où tuer des innocents entraînait une désynchronisation immédiate, ce nouvel épisode introduit des domestiques non armés au sein des forteresses ennemies, qui peuvent donner l’alerte lorsqu’ils aperçoivent le joueur. Face à cette menace, le jeu autorise l’assassinat de ces personnages, et ce, sans pénalité particulière. Un choix qui interroge sur la cohérence de l’univers. Assassin’s Creed a toujours mis un point d’honneur à encadrer les actions des Assassins par un code moral, où les meurtres devaient être justifiés et ciblés. Or, ici, le jeu semble brouiller cette frontière en permettant des éliminations qui, bien que logiques dans le gameplay, entrent en contradiction avec l’esprit de la franchise et ce crédo bien connu « Ta lame ne versera pas le sang d’un innocent ». Cette règle de gameplay ne s’applique pas aux civils dans les villages et contrées du jeu cependant. Néanmoins, ce détail pourrait surprendre, voire choquer certains joueurs, tant il remet en cause un principe fondamental de la série.
Le corps et l’esprit
Le titre propose un système de progression reposant sur l’acquisition d’expérience et l’amélioration des compétences de Naoe et Yasuke. Chaque mission, assassinat ou exploration du monde ouvert permet de gagner des points d’expérience, qui débloquent de nouvelles aptitudes dans un arbre de compétences distinct pour chaque protagoniste. Afin de débloquer ces nouvelles aptitudes, le joueur devra passer des rangs en accumulant des activités annexes basées sur la spiritualité et l’effort physique (parcours d’obstacle, méditation, kata, archerie montée, etc.). Ces aptitudes pourront être débloquées dans six arbres de compétences distincts par personnage. Naoe privilégie des améliorations liées à l’infiltration et à la furtivité, lui permettant d’exécuter des assassinats plus efficaces, de se déplacer plus silencieusement et d’utiliser des gadgets spécifiques. À l’inverse, Yasuke voit ses capacités évoluer vers un style de combat plus agressif, avec des attaques renforcées, une meilleure résistance aux dégâts et l’amélioration de son arsenal.
Le jeu intègre également un système d’équipement évolutif, permettant d’améliorer chaque pièce d’armure et chaque arme afin de mieux s’adapter aux besoins du joueur. En matière de progression, Assassin’s Creed Shadows reprend le système de level scaling, déjà présent dans Assassin’s Creed Odyssey, où les ennemis et les zones s’adaptent en fonction du niveau du joueur. Si ce mécanisme vise à maintenir un certain équilibre, il finit par réduire l’impact de la montée en puissance, limitant ainsi la satisfaction liée à la progression. Contrairement à Assassin’s Creed Origins, qui définissait des niveaux fixes pour chaque région, offrant un véritable sentiment d’évolution lorsque l’on retournait dominer des zones de départ après plusieurs heures de jeu, Assassin’s Creed Shadows ajuste en permanence la difficulté. Ce choix atténue la sensation de puissance acquise et donne parfois l’impression que l’ascension du personnage n’a que peu d’incidence sur l’expérience globale.
Concernant le déroulement de la trame narrative, celle-ci est entravée par un choix frustrant où Ubisoft impose aux joueurs d’accomplir un certain nombre de quêtes secondaires pour atteindre le niveau requis avant de poursuivre l’histoire principale. Cette approche, déjà critiquée dans les précédents opus, force à interrompre l’intrigue principale pour s’engager dans des activités annexes souvent répétitives. Pire encore, ces quêtes secondaires manquent cruellement de mise en scène et de profondeur scénaristique, se résumant généralement à éliminer des membres d’un clan ou à récupérer un objet pour un PNJ. Ce manque de variété et d’enjeu casse le rythme du récit et peut vite devenir rébarbatif, en particulier pour ceux qui souhaiteraient se concentrer sur l’histoire principale sans être freinés par une progression artificiellement ralentie.
Dans Assassin’s Creed Shadows, les joueurs auront la possibilité de gérer et d’améliorer leur propre repaire. Ce lieu servira de base d’opérations pour Naoe et Yasuke, offrant divers services et améliorations au fil de la progression. En y investissant des ressources, les joueurs pourront agrandir leur quartier général, l’embellir d’éléments cosmétiques et améliorer leur équipement. Il sera également possible d’y entreposer des armes et objets collectés lors des explorations, ainsi que de planifier des attaques et des infiltrations sur des cibles ennemies. Un autre élément clé du repaire réside dans le recrutement d’alliés. Au fil de l’aventure, Naoe et Yasuke croiseront la route de divers personnages pouvant rejoindre leur cause. Ces recrues joueront un rôle essentiel, qu’il s’agisse d’informateurs, d’artisans spécialisés ou de combattants prêts à intervenir lors des missions.
L’Anvil Engine, l’éternel boulet
Si Ubisoft nous promet une expérience toujours plus aboutie, la firme se repose toujours sur l’Anvil Engine, moteur utilisé par Ubisoft depuis plus d’une décennie et qui montre toujours un peu plus ses limites. Bien que le jeu bénéficie d’une direction artistique et de panoramas soignés, le rendu technique reste en deçà des standards actuels, notamment sur les animations et la physique. Les mouvements des personnages manquent souvent de fluidité, avec des transitions rigides entre les actions et une gestuelle parfois mécanique, loin du naturel et de la précision observés dans d’autres productions récentes. Pour rappel, Assassin’s Creed Shadows est le premier titre destiné pleinement à la PS5 et à la Xbox Series X|S. Avec cette contrainte en moins, nous aurions pu espérer qu’Ubisoft puisse nous surprendre et libérer son total potentiel.
L’un des points les plus critiqués concerne les animations faciales, qui peinent à retranscrire des expressions crédibles. Ce manque de réalisme nuit à l’immersion, surtout dans les scènes narratives où les dialogues peuvent paraître figés et artificiels, donnant aux personnages des airs d’animatroniques plus que de véritables humains. Face à des moteurs plus modernes comme le Decima Engine à l’œuvre sur Horizon Forbidden West et Death Stranding ou le RE Engine de Capcom, l’Anvil Engine accuse le coup et trahit l’ancienneté de ses fondations débutées en 2007. Ubisoft continue certes de l’améliorer, mais l’absence d’une refonte en profondeur limite les avancées techniques de la saga.
Si Assassin’s Creed Shadows parvient à masquer certaines de ces lacunes grâce à son ambiance et à quelques effets d’éclairages flatteurs, la concurrence progresse à grands pas, rendant de plus en plus évident le besoin pour Ubisoft d’adopter un moteur plus moderne pour ses futures productions. À cela, une question légitime se pose : pourquoi Ubisoft n’a-t-il pas pris les devants plus tôt pour moderniser son moteur ? Pourtant, l’éditeur dispose déjà d’une alternative en interne avec le Snowdrop Engine, utilisé sur The Division, Avatar: Frontiers of Pandora ou encore sur Star Wars Outlaws, un moteur plus moderne et capable de produire des environnements riches avec des animations nettement plus détaillées.
Autre point noir récurrent, l’intelligence artificielle. L’IA ennemie se montre souvent incohérente, oscillant entre des réactions excessivement agressives et une passivité déconcertante. Lors des phases d’infiltration, certains gardes peuvent repérer le joueur à une distance improbable, même de nuit, tandis que d’autres ignorent complètement un corps laissé en évidence ou le bruit d’une confrontation à quelques mètres d’eux. Le problème est encore plus évident en combat, où l’IA ennemie souffre d’un manque flagrant de dynamisme et de notion tactique. Les adversaires attaquent rarement en groupe et suivent des schémas prévisibles qui rendent les affrontements trop faciles à anticiper après quelques heures de jeu.
Pour continuer ce tour d’horizon, nous pourrions parler de la bande-son présente en jeu, à commencer par ses doublages. Pour une question d’immersion, nous ne nous sommes pas attardés sur la version française du titre, mais sur le mode « Immersif » proposé par Ubisoft, intégrant un doublage japonais et portugais. Les voix des personnages sont généralement bien interprétées et réussissent à transmettre les émotions des protagonistes. Toutefois, un choix de doublage assez étrange vient perturber cette immersion. En effet, les personnages portugais, qui apparaissent au début du jeu parlant dans leur langue natale, changent littéralement de doubleur dès qu’ils s’expriment en japonais.
Ce changement soudain des voix pour les dialogues en japonais casse l’harmonie de la scène et brise l’immersion, car il devient rapidement évident que les mêmes personnages sont doublés par des acteurs différents selon la langue utilisée. Une solution plus naturelle aurait consisté à faire un effort pour que les doubleurs s’expriment directement en japonais, peut-être en utilisant une traduction phonétique. Cela aurait non seulement renforcé la crédibilité des personnages portugais au Japon, mais aussi conservé l’immersion nécessaire dans un jeu qui tente de recréer un univers historique cohérent.
Enfin, la bande originale d’Assassin’s Creed Shadows parvient, dans l’ensemble, à capturer l’essence du Japon féodal, avec des compositions qui s’inspirent des instruments traditionnels tels que le shamisen, le koto ou le taiko. Cependant, le choix musical de certains morceaux introduit des éléments plus modernes qui peuvent déranger les puristes. En effet, certaines compositions comportent des sonorités de basse et des thèmes inspirés du rock et du hip-hop, créant un contraste notable avec l’ambiance japonaise traditionnelle. Ce genre de musique s’invite par exemple lors de certains flashbacks de Naoe, ce qui évoque un style presque Tarantinesque, à la manière de Kill Bill. De plus, alors que ce choix avait suscité des critiques, les beat de rap sont toujours présents lors de certaines séquences de combat, alors que nous pensions que le studio aurait fait machine arrière. Si cette audace musicale peut plaire à certains joueurs, elle risque également de ne pas convenir à tout le monde, surtout ceux qui recherchent une immersion purement historique et culturelle.
Verdict
Assassin’s Creed Shadows tente d’offrir une expérience immersive dans le Japon féodal, mais souffre de choix de game design discutables, d’une trame narrative oubliable et de limitations techniques persistantes. Si le gameplay asymétrique entre Naoe et Yasuke est une bonne idée sur le papier, il peine à trouver un équilibre, avec l’infiltration de Naoe relativement bien intégrée à l’ADN de la saga, tandis que le combat frontal offert par Yasuke s’avère plutôt générique. L’Anvil Engine montre toujours plus ses limites face à la concurrence, notamment sur les animations et l’IA, souvent incohérente, comme trop souvent sur les productions d’Ubisoft. Pourtant, malgré les défauts et lacunes que la série traîne derrière elle comme un boulet, le jeu reste globalement agréable à parcourir, notamment pour ceux à la recherche de l’ambiance séduisante du style nippon. Certes, le jeu n’atteint pas l’excellence et souffre d’un développement chaotique, mais il reste un plaisir coupable, un titre imparfait qui, à défaut de révolutionner la saga comme nous aurions été en droit d’espérer, parvient à offrir quelques moments immersifs et satisfaisants.
Les +
- Direction artistique soignée
- Le gameplay de Naoe s'avère quand même grisant
- Une bande son immersive dans l'ensemble
- Le doublage immersif pour une expérience plus authentique, malgré quelques choix discutables
- Le retour des assassinats en un coup avec la lame secrète via une option !
- La gestion du repaire, une feature sympathique
Les -
- Les animations et expressions faciales rigides
- l'IA ennemie aux réactions aléatoires
- Le gameplay de Yasuke est globalement peu intéressant, et on switch très vite sur Naoe dès qu'on peut
- Une trame narrative qui peine à nous tenir en haleine
- La progression de l'arc principal entravée par l'obligation de mené à bien du contenu secondaire pour atteindre le niveau demandé
- Des imprécisions dans le parkour
- L’ajout d’éléments modernes comme du rock et du hip-hop peut briser l’immersion pour les puristes.
- Les régions qui s'adaptent au niveau du joueur en permanence, rendant le sentiment de progression quasi inexistant
- Il n'est plus possible de faire un trajet à dos de cheval automatiquement
Outré par ce test…
J’aurais mis 20%