Si vous avez grandi durant les années 1990, il est fort probable que vous ayez connu l’animateur graphique Douglas TenNapel. Certes, son nom ne vous dit peut-être rien de prime abord, mais il est tout de même le co-créateur de l’incontournable saga Earthworm Jim, et a bossé depuis sur la série animée Adventure Time par exemple. Oui, rien que ça ! Les plus observateurs (et les plus taquins) vous diront qu’il a aussi été animateur sur le « film » L’attaque des Tomates Tueuses… Errare humanum est, comme on dit. Toujours est-il qu’en 1996, TenNapel sortait The Neverhood, un jeu d’aventure/point and click révolutionnaire en son temps, car proposant des plans entièrement réalisés en pâte à modeler (façon Wallace & Gromit, par exemple). En 1998 sortait sa suite version platformer, à savoir Skullmonkeys. Nous voici donc vingt ans plus tard, et c’est la suite spirituelle de l’opus originel qui vient de voir le jour sur PlayStation 4, Xbox One et WiiU : Armikrog.
Sorti à l’origine sur PC en 2015, Armikrog était, il faut bien le dire, passé un peu inaperçu. Plusieurs raisons à cela, et notamment un tarif assez élevé (environ 25 euros), des bugs à foison et une version anglaise intégrale… Pas de quoi sauter au plafond donc, mais il faut bien le reconnaître : le jeu s’en sort bien mieux aujourd’hui par le biais de cette version console. Exit donc la mauvaise image, ou plutôt l’étiquette collée au jeu l’an dernier, et bonjour le portage réussi ! On a donc à faire ici à un jeu sous-titré en français mais dont les voix n’ont pas été changées (c’eût été un crime de remplacer les excellents doublages anglais, vous pouvez nous faire confiance), dont la plupart des bugs a été corrigée, et surtout dont le tarif a clairement été revu à la baisse (9,99 € sur les stores PlaySation et Xbox).
Difficile dans ces conditions de ne pas vous conseiller ce jeu extrêmement rafraîchissant nous mettant dans la peau de Tommynaut et de son chien aveugle Beak-Beak. Au-delà de son aspect visuel tout simplement magnifique, Armikrog impressionne aussi et surtout par son gameplay pour le moins inattendu. En effet, si comme dans tout bon jeu d’aventure, on passera son temps à cliquer un peu partout pour interagir avec le décor qui nous entoure, on se surprendra bien souvent à chercher en vain ce qui nous semble naturel dans ce genre d’épopée : un inventaire. Comme le disait la sage Zaz, « oubliez donc tous vos clichés ! » (merci de ne pas nous tenir rigueur de cette référence uniquement due à la fatigue et / ou à la chaleur ambiante). Dans Armikrog on ne s’embête pas avec des associations d’objets farfelus, des dialogues à choix multiples longs comme l’automne, ou encore avec des verbes à l’infinitif parmi lesquels choisir vos actions. Non, le jeu ne nous propose pas la moindre interface, et c’est tant mieux. Tout d’abord parce que cela permettra aux néophytes de ne pas se prendre la tête outre mesure, mais aussi et surtout parce que le jeu semble plus « naturel » ainsi, moins haché, et beaucoup plus plaisant à parcourir, un peu comme si l’on regardait un dessin animé finalement.
Oui car, si vous ne l’aviez pas encore remarqué, Armikrog est, comme ses illustres ancêtres, fait entièrement de pâte à modeler. Pour couronner le tout, sachez que l’ensemble du jeu a été réalisé de A à Z en stop-motion. Nous vous laissons imaginer le temps nécessaire à la mise en œuvre d’un tel projet. Les fans de Wallace & Gromit, de Chicken Run, ou encore plus récemment des Boxtrolls ne seront donc pas dépaysés, et il sera courant dans le jeu de s’arrêter quelques secondes devant un décor en se disant « Mince ! Mais rien que cette scène a dû leur demander des mois de travail ! ». L’ensemble rend vraiment très bien et nous émerveille un peu plus à chaque tableau traversé. On pourra d’ailleurs y déceler quelques influences certaines, telles que l’Odyssée d’Abe par exemple (on a vu pire comme référence, vous serez d’accord avec nous ?). Côté gameplay ce sont surtout les différentes énigmes qui pourront en rebuter plus d’un, car ce que nous perdons en interface, nous le gagnons en difficulté. Loin d’être insurmontable, le jeu vous demandera tout de même une part non négligeable de jugeote, mais aussi d’humour décalé, pour bien comprendre où les développeurs ont parfois voulu en venir.
La bande-son de son côté ne déçoit jamais. Que ce soit en terme de doublages, nous vous le disions un peu plus haut, ou encore en terme de musiques. Les thèmes utilisés collent parfaitement à l’ambiance, et l’on regrettera seulement un mixage sonore un brin irritant lors des différentes cut-scenes. Celles-ci sont très impressionnantes en terme de rendu visuel (mention spéciale pour la scène d’atterrissage intervenant au tout début de l’aventure), mais il faut bien avouer que les dialogues sont parfois un peu étouffés par les bruitages ambiants… Dommage ! Ce n’est en tout cas pas une raison suffisante à nos yeux pour ne pas vivre l’aventure Armikrog, une aventure qui se terminera en 5 à 8 heures, selon vos capacités à faire fonctionner votre matière grise face aux différents puzzles disséminés tout au long du soft. On a connu plus long, ne nous mentons pas, mais compte tenu du tarif proposé, on ne peut pas dire qu’il y ait réellement péril en la demeure. Tout ce que l’on espère à présent, c’est que Pencil Test Studios ait l’envie et le courage de nous pondre une suite, et ce, qu’elle se présente sous la forme d’un point and click… ou non.
Verdict
Impressionnant visuellement et bénéficiant d’une bande-son réussie, Armikrog s’impose sans trop de mal dans la catégorie des jeux d’aventure complètement barrés ! Se détachant des codes habituels en ne proposant ni inventaire ni même de gameplay dit classique, l’aventure se veut rafraîchissante à tous points de vue. Vendu moins de 9 euros, traduit en français, et libéré de ses vieux démons (aussi appelés « bugs de la version PC »), c’est sans nul doute par sa faible durée de vie que le soft pourra freiner le joueur lambda. Mais au final, un pot de pâte à modeler dure-t-il éternellement ? Telle est la question.
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