Prenez l’idée de la réécriture d’une oeuvre marquante de la littérature. Ajoutez-y quelques développeurs ayant travaillé sur quelques grosses licences comme The Witcher, The Division ou encore Sniper Ghost Warrior. Mélangez à cela une patte artistique gore à souhait et saupoudrez d’une bonne touche de folie et de malaise. Vous obtenez une recette des plus intéressantes qu’était celle d’Agony, lorsqu’il fut annoncé en 2016 à l’aide d’une campagne de financement participatif ayant regroupé plus de 120 000 $. Sur le papier, le tout semblait à la fois ambitieux et intéressant, d’autant que s’inspirer d’un des chefs-d’oeuvre de la littérature avait clairement de quoi donner naissance à un titre solide. Malheureusement, Agony s’est visiblement perdu dans les limbes de l’enfer vidéoludique durant son développement et y a laissé bien plus que son âme au passage.
Test réalisé dans la souffrance sur PS4 à l’aide d’une version numérique infernale fournie par l’éditeur
Balance ton gore
Dès son annonce, Agony a su faire parler de lui grâce à un univers glauque, malsain et dérangeant à souhait, puisant dans l’imagerie gore infernale pour offrir au joueur une immersion sans précédent dans les abysses de l’enfer. Le postulat de base était tout de même de nous proposer une sorte de relecture de La Divine Comédie de Dante à la sauce vidéoludique et sous couvert d’une histoire faisant la part belle à la folie. Et autant dire que les premières images étaient tout à fait convaincantes : on nous promettait un titre en vue à la première personne, dans un univers rarement dépeint dans le jeu vidéo et à la direction artistique absolument osée mais tout bonnement délectable pour peu que l’on soit sensible à ce genre de décor sorti des pires cauchemars possibles. Évidemment, Agony a très vite fait parler de lui pour des raisons plus qu’évidentes : entre des représentations sexuelles, voire parfois nécrophiles, du gore à outrance et parfois même, des têtes d’enfants pulvérisées, le jeu était bien parti pour passer par la case censure dès lors que sa sortie approcherait.
Et ça n’a pas loupé : bien qu’il conserve la majorité des éléments visuels dérangeants qui auraient pu faire son charme, Agony s’est vu censurer de quelques scènes ainsi que de 2 de ses fins. Ce n’est pourtant pas cela qui joue en sa défaveur aujourd’hui, puisque le jeu s’autoflagelle lui-même. Telle la descente aux enfers narrée par Dante dans son oeuvre, le joueur découvre petit à petit les supplices qui vont lui être infligés de longues heures durant. Non pas que le jeu possède une durée de vie exceptionnelle, loin s’en faut. En vérité, elle reste somme toute correcte, avec quelques modes de jeu venant s’ajouter à l’Histoire, afin de prolonger le plaisir. Le problème, c’est que du plaisir, nous n’en avons ressenti à aucun moment. Agony verse tellement dans la surenchère d’éléments gores et cradingues qu’il se saborde dès les premières secondes. La direction artistique n’a absolument ni queue ni tête et s’avère être un simple amas d’éléments visuels tous plus horrifiques les uns que les autres. De ce fait, c’est sur l’aspect qui aurait dû faire le café que le jeu de MadMind Studio se vautre lamentablement, n’étant que le point de départ d’une chute vertigineuse.
Car si à ses débuts, Agony se voulait être plus contemplatif qu’autre chose en minimisant le gameplay au possible, les développeurs ont finalement revu ce point afin d’y apporter un peu de consistance, sans doute afin de justifier les quelques 120.000 $ que les joueurs ayant cru au projet ont semblé bon de dépenser. Pour autant, plutôt que de nous donner des armes afin de tenter de lutter face aux ignominies sans nom qui règnent dans les bas-fonds des enfers, Agony propose au joueur de se la jouer infiltration. Il faut dire que quand l’on commence dans le corps d’une créature chétive et inoffensive, le choix ne nous est guère laissé. Alors on tente tant bien que mal de s’aider du décor pour se camoufler et ne pas se faire repérer, on balance des torches ici et là pour essayer de faire diversion… Mais la sauce ne prend pas, puisque ces phases sont inutiles et n’ont aucune consistance. À l’instar des quelques énigmes et puzzles que l’on croisera lors de notre périple et qui tenteront de faire passer la pilule avec un semblant de gameplay.
Planet Hell
Le simple fait d’avancer et d’évoluer dans cet univers infernal aurait pu donner de l’intérêt au titre s’il ne se traînait pas des casseroles techniques aussi importantes, notamment sur PS4 et Xbox One. À commencer par un aliasing relativement prononcé, couplé à une bonne dose de clipping, de tearing et de scintillement. Autant dire que c’est particulièrement désagréable, d’autant que le jeu plonge souvent le joueur dans des environnements sombres. Le constat est tellement alarmant que les contours des textures sont visibles dans le noir complet, permettant alors de se frayer un chemin sans même être équipé d’une torche. À cela, viennent s’ajouter de nombreux bugs de collision et des animations complètement ridicules. Il suffit de regarder les visages humains lorsqu’ils s’adressent à nous pour comprendre que la lip-sync est absolument inexistante. Et si l’on pourrait croire le framerate (aux fraises) en cause, il n’en est finalement rien, puisque aucun effort n’a été fait là-dessus. Est-ce parce que les doublages sont, de toute façon, de la pire qualité qui soit ? On ne saurait trop vous dire, mais une chose est sûre, on a rarement vu des jeux d’acteurs aussi peu convaincants que dans Agony. En à peine une poignée d’heures, le jeu accable le joueur de ses innombrables défauts et ne donne pas envie une seule fois d’en voir le bout. Ne comptez d’ailleurs pas trop sur le scénario pour vous motiver à atteindre au moins l’une des 7 fins disponibles. L’écriture a bénéficié du même traitement que le reste du jeu, et les différentes lettres à ramasser au fur et à mesure de l’aventure ne viendront nullement réhausser le niveau.
Là, c’est probablement le moment où vous vous dites que votre serviteur est complètement passé à côté de ce qui fait le charme d’Agony. À vrai dire, si le jeu semblait avoir été développé avec un tant soit peu de passion, cela aurait tout à fait pu être le cas. Mais à la lumière de tous les défauts cités jusqu’ici, et en y ajoutant les nombreux bugs rencontrés et les sauvegardes corrompues autant dire que même à une quarantaine d’euros, on ne voit pas trop comment recommander un tel produit. À moins que, sans nous le dire, MadMind Studio s’est mis en tête d’offrir aux joueurs le premier simulateur d’enfer, avec tout ce que cela comporte afin de donner naissance à une véritable purge. On a voulu y croire jusqu’au bout, mais non, définitivement, Agony n’a rien pour lui au-delà de ses quelques bonnes idées non exploitées et de ses nombreux modes de jeu qui n’ont rien d’attrayant au final.
Verdict : 2/10
On dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Certes, on ne doute pas que celles des développeurs de chez MadMind Studios furent excellentes, mais ça n’a aucunement suffi à donner un résultat ne serait-ce que médiocre. Agony souffre de tous les pires défauts qu’un jeu puisse écoper, si ce n’est qu’il offre une durée de vie et un contenu raisonnable. Mais comment cette seule qualité pourrait donner envie à quiconque de pousser les portes du purgatoire quand on sait qu’elles vont être synonymes de longues heures d’ennui et de non-sens ? Si l’on cherche encore la réponse à cette question, on ne saurait que trop vous conseiller d’aller voir ailleurs sous peine de perdre du temps et de l’argent, deux choses ô combien précieuses lorsque l’on est un joueur bien avisé.
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