Si les séries TV, mais aussi et surtout les films de Guy Ritchie, ont contribué au retour de Sherlock Holmes sur le devant de la scène, on ne peut hélas pas en dire autant de ce bon vieux Hercule Poirot. Apparu pour la première fois en 1917, le détective belge (qui n’a aucun lien de parenté avec un célèbre légume) aura vécu des tonnes d’aventures plus ou moins loufoques sous la plume de sa créatrice, la romancière britannique Agatha Christie. Plusieurs jeux vidéo lui ont été consacrés sur PC ces dernières années, mais ce sont bien les joueurs PlayStation 4 que Microïds entend convertir cette fois, via le tout nouveau « Agatha Christie – The ABC Murders ».
Il est d’ailleurs assez drôle de noter que le titre du jeu fait référence à l’intitulé anglais de cette nouvelle écrite en 1936. En France, le livre est connu sous le nom nettement moins sexy de « A.B.C. contre Poirot ». C’est donc à un scénario connu des lecteurs d’Agatha Christie que l’on aura à faire dans cette aventure haute en couleurs. Pour résumer, et ne rien vous spoiler évidemment, disons simplement que Poirot va devoir enquêter sur une série de meurtres se déroulant en Grande-Bretagne, tous signés par un mystérieux tueur du nom de A.B.C. En effet, le bougre n’a rien trouvé de mieux à faire que de « marquer » ses scènes de crime en y déposant à chaque fois un guide des lignes ferroviaires alentours, autrement dit un A.B.C. S’engage alors une espèce de course contre la montre dans laquelle notre ami Hercule va devoir résoudre cette grosse enquête, aidé de son acolyte de toujours Arthur Hastings (équivalent de Watson, pour les connaisseurs), ainsi que du très procédurier inspecteur Japp.
Vous l’aurez compris, contrairement à un jeu vidéo estampillé Sherlock Holmes, The A.B.C. Murders ne nous fera pas vivre plusieurs petites enquêtes ici et là pour former un jeu complet. Non, ici, tout est lié, du début à la fin du jeu, et de A à Z… Ou plutôt de A à C. Le titre se présente comme un jeu d’aventure/point n’click mais ressemble bien plus à un opus des Chevaliers de Baphomet qu’à un jeu Frogwares. Oui, car la caméra ne suit jamais notre personnage à l’écran, elle est fixe. Seuls des effets de zoom et de dézoom viendront dynamiser un peu le tout. C’est d’ailleurs sur le plan visuel que le jeu risque fort de plaire au plus grand nombre. Faisant le pari de proposer un style « dessin animé », Microïds réussit ici un bien joli coup.
Car le titre n’a pas bénéficié d’un budget aussi conséquent que d’autres productions actuelles, cela se ressent dès le tout début du jeu, via des ralentissements ou encore un tearing assez prononcé sur certaines scènes extérieures. Pire, le ventilateur de votre PlayStation 4 s’emballera complètement lors de certaines cut-scènes ne demandant pourtant pas des ressources exponentielles. Mauvaise optimisation, donc. Pourtant, difficile de résister à ces couleurs chatoyantes, son grain particulier, et plus généralement à l’ambiance qui englobe le tout. On notera d’ailleurs que la bande-son n’est pas en reste. Les musiques utilisées dans les menus, ainsi que dans le jeu lui-même, sont tout simplement excellentes, et surtout extrêmement bien choisies. Hélas, trois fois hélas, le doublage français est une catastrophe à tous les niveaux. Mal joués, les dialogues rendent souvent comiques les situations les plus inquiétantes. Fort heureusement, le doublage anglais est disponible dans les options, rassurez-vous. On regrettera toutefois la taille minuscule des sous-titres. Il vous faudra donc faire un choix entre avoir très mal aux oreilles ou avoir très mal aux yeux.
Et puisque nous n’évoquerons pas outre mesure le scénario afin de vous laisser une part de surprise importante, parlons plutôt de la durée de vie du titre. En effet, Agatha Christie – The ABC Murders a un problème. Court, il l’est certainement. Mais ce n’est pas vraiment que ce qui vous freinera, non. Disons surtout qu’il est incroyablement facile à finir. Oui, encore plus qu’un certain Unravel. Et si dans un platformer, un jeu de tir ou encore un jeu d’action, les modes les plus faciles peuvent s’avérer être tout ce qu’il y a de plus fun, il y a fort à parier qu’aucun joueur ne voudrait se lancer dans la résolution d’une enquête si celle-ci est simple comme bonjour. Le problème ici étant que le titre semble s’adresser aux plus jeunes joueurs. Certes, il en faut pour tout le monde et c’est relativement une bonne chose. Mais alors dans ce cas, pourquoi proposer des casse-tête ridiculement tordus et absolument incohérents une fois sur deux ? Mystère et boules de gomme !
Quoiqu’il en soit, il est à noter que si les scènes de crime sont globalement plaisantes à parcourir, il ne faudra guère que quelques dizaines de minutes à chaque fois pour tout voir des lieux. Bouger le stick gauche dans un sens, le stick droit dans un autre, interagir avec un personnage ou l’observer pour obtenir de nouveaux indices… On ne peut pas dire que le soft fasse dans l’originalité, et encore moins dans le challenge donc. Pire, les phases de réflexion se déroulant dans le cerveau de notre détective moustachu (permettant d’associer des indices entre eux) sont, là encore, expédiées en quelques secondes.
Si tant est que vous n’arriviez pas à démêler le vrai du faux (mais alors en étant très très fatigué, autrement nous ne voyons pas comment cela pourrait se produire), il vous suffira, tenez-vous bien, d’appuyer sur (presque) tous les boutons de la manette (Croix, Carré, Triangle) pour que la solution apparaisse… Frustrant ! Terriblement frustrant ! C’est d’autant plus dommage que l’humour est bel et bien présent dans ce titre au rendu visuel convaincant, et que le tout vous demandera environ 6 heures pour que le malfaiteur s’avoue vaincu. Cela peut paraître court de prime abord, certes, mais il est important de noter que l’on trouve d’office cet Agatha Christie – The ABC Murders aux alentours de 39€ sur PlayStation 4, un tarif plutôt raisonnable donc, comparé aux jeux AAA durant une à deux heures de plus et étant facturés 70 €.
VERDICT : 6/10
En somme, c’est donc un bon petit titre que voilà, avec quelques atouts dans son jeu pour convaincre les fanatiques de jeux d’enquête. Hélas, si son aspect visuel est aussi réussi que les musiques qu’il contient, difficile d’en dire autant concernant ses mécaniques de gameplay vues et revues, ou encore son manque affligeant de challenge. A réserver aux jeunes joueurs donc, ou aux débutants en la matière, qui trouveront là une bonne façon de s’entraîner avant de passer sur le prochain jeu Sherlock Holmes. Et c’est déjà en soi une utilité toute légitime.
Cryo
13 février 2016 at 14 h 25 minJe suis fan de la série hercule poirot, interprété par l’excellentissime david suchet. Je pense donc parler de cet univers en tant que connaisseur, mais aussi grand fan. Pour dire un dernier mot sur cette série, le spectateur s’associe naturellement et avec intérêt et plaisir à l’enquête qui est à la fois complexe, tordue mais jamais impossible, et toujours la finesse et la justesse du raisonnement guide chaque épisode. Les films de peter ustinov n’ont pas cette qualité, mais la richesse de la dimension analyse-raisonnement-déduction reste omniprésente.
C’est pour cela que, à la lecture de ton test, et en tant que membre du public potentiellement susceptible d’acheter un tel jeu, je suis un peu surpris de la note assez clémente que tu lui accordes.
Car, si j’ai bien compris, c’est un jeu court, simplissime, cher, sans considération pour le public non anglophone, et trahissant négativement la richesse de l’univers de l’oeuvre de A.C.
Moi qui aurais pu acheter avec plaisir un tel jeu, je passerais mon chemin sur celui là. Et je m’attendais plutôt à une note de 5 au maximum, surtout connaissant ton exigence.
Mais, pour nuancer, le fait de jouer à un jeu donne des fois des impressions sur le jeu, que l’on ne peut décrire complétement par des mots dans un test, et qui permettent de faire pencher, sur son ressenti, la balance dans un sens ou dans un autre…d’où l’intérêt d’une note en conclusion.
Mr_Toc
15 avril 2016 at 21 h 00 minJe n’avais pas vu ton commentaire, je me permets donc d’y répondre un peu tardivement 🙂
Ta conclusion résume exactement ce que j’allais dire. En effet, le jeu en lui-même ne mérite objectivement pas plus de 5/10 (voire 4 pour certains, je pense). Malgré cela, il est évident que le soft en question m’a touché de par son capital sympathie indéniable.
Alors certes, ça ne va pas changer grand-chose au tarif éditeur, ni même aux qualités / défauts intrinsèques à cet « ABC Murders », mais j’avais à coeur de le préciser ici, et je suis ravi que tu aies compris cette once de clémence distillée par mes soins en guise de verdict chiffré.
Au plaisir 😉
Toc