Savez-vous ce qu’est l’Acide hyaluronique ? Non ? C’est sûrement que vous êtes trop jeune pour avoir connu l’âge d’or du couple genré Action-Aventure. Presque aussi vieux que le jeu vidéo lui-même, les jeux dits d’action-aventure sont encore présents aujourd’hui et viennent à surprendre par les multiples possibilités que les développeurs lui trouvent. Hors, je garde un amer souvenir du début des années 2000 voir fin 90, qui a vu la transition du style se faire vers le 3D de façon très difficile. Nombreux étaient les problèmes liés à titre d’exemple à la caméra, les scènes de plateformes hasardeuses, ou carrément un gameplay sans queue ni tête. Ceci a eu pour conséquence de me rendre hermétique à ce genre pour les jeux d’hier à aujourd’hui. Vous vous doutez donc bien, que quand Junan prévient qu’une clef pour A Plague Tale: Innocence est disponible en test, j’ai fait le sous-marin pour laisser le bébé à l’un des autres rédacteurs. Mais de fil en aiguille, les disponibilités de mes collègues tombèrent, et ayant eu l’occasion de m’occuper de la preview du titre, la tâche me fût incombée de tester la dernière création d’Asobo Studio.
« Conjoncture de mal chance. »
Dans A Plague Tale: Innocence, tout va très vite et sans fioritures. L’aventure commence pendant une fin de journée en automne dans le sud-ouest de la France en 1347, où Amicia de Rune (héroïne principale) vient à traîner son père dans les confins d’une forêt leur appartenant, afin de passer son adoubement pour devenir chevaleresse. Un moment intime qui offre ses confidences, permettant aux joueurs de rapidement comprendre le contexte. Un mariage, un frère malade et isolé, une mère qui essaye de soigner son fils au détriment de la relation avec sa fille et un père trop absent. Un terreau fertile pour une graine de délinquance, 658 années avant l’arrivée de Pascal, le grand frère. Heureusement pour nous, deux événements viennent chambouler ce périlleux équilibre, notamment la Peste qui se propage à une vitesse exponentielle par des nuées de rats, ravageant tout sur leur passage. Et comme-ci cela ne suffisait pas, l’Inquisition, représentée par un certain Nicholas, attaque le domaine familial. Cette conjoncture de malchance signe le début d’une aventure fraternelle, avec Amicia qui doit garder et apprendre à connaître son petit frère, Hugo.
Les baux sont posés, enfance, adolescence, peste, religion et mort seront la base de l’aventure de A Plague Tale: Innocence. Si à la première lecture cela n’a rien de très réjouissant, dans les faits, force est de constater un travail des scénaristes qui ont imbriqué les pièces interdites pour offrir une histoire forte, sans tirer à outrance la corde sensible. Un jeu habile de cette équipe qui déploie en trois temps son aventure dans un agréable entrelacé d’aventure allant chercher chez les alchimistes, sur fond religieux et fantastique, le tout englobé par une patte enfantine, offrant une histoire intrigante à en prendre la notion du temps. S’il n’y a pas grand-chose à redire sur les personnages principaux, Hugo et Amicia, qui vont voir leur relation évoluer au fil de l’aventure, les personnages secondaires sont quant à eux la définition même du clip Firework de Katy Perry, les fins heureuses en moins. Des personnalités fortes, au passé supposé complexe, qui se retrouvent à aider les enfants De Rune. Cependant, il ne faudra pas espérer en apprendre plus sur ces secondaires, qui graviteront autour du frère et de la sœur, les rendant peu mémorables, voire carrément oubliables pour les cas extrêmes. Bien entendu, le duo fraternel, pièce centrale de l’ensemble, est quant à lui exploité à son paroxysme. Hugo, l’enfant qui découvre la vie extérieure et Amicia, adolescente de la haute ayant un peu plus d’aisance de ce qui l’entoure et perce à jour les différentes classes sociales, sont plaisants à suivre pendant l’aventure sans jamais en faire de trop.
« Mécanismes huilés ! »
Au cas où vous l’auriez oublié, dans la dénomination action-aventure, action se place en pole position, permettant d’insister sur le médium dans lequel il s’exerce. Nous sommes sur le jeu vidéo, bien que l’écran soit notre toile, et l’industrie notre fond, le jeu prévaut sur le reste. Pour ce faire, vous contrôlerez en très grande majorité du temps Amicia, femme forte douée à la fronde et qui sait se faire discrète quand il le faut. Unique arme pour protéger Hugo, cet objet de mort se révèle agréable à manier manette en main, la gâchette gauche servant à viser, la droite à charger et tirer votre pierre. Au fil de l’aventure, vous apprendrez à fabriquer différents projectiles aux effets propres, pouvant ainsi allumer des torches ou les éteindre, voire jusqu’à carrément endormir un garde. Cependant, si cette arme a son côté pratique, elle montre rapidement ses limites. D’abord, les projectiles à produire réclament des ingrédients que vous trouverez en jeu, faisant de vos munitions une ressource très limitée, les ennemis qui sont nombreux et en armures vous obligeront à jouer la carte de la discrétion. De ce côté également, les mécanismes huilés ne viendront pas créer de frustration chez le joueur, l’IA étant plus conciliante que punitive en matière de champ de vision.
En plus de devoir se confronter à la plèbe, notre jeune bourgeoise fera face à des hordes de rats. La vermine n’autorisant aucune erreur, et sera prompt à dévorer la sœur et le frère bobo à la première occasion. Par chance, les rongeurs, sûrement un peu nyctalopes sur les bords, fuient la lumière, offrant ainsi à l’équipe en charge du game design toute une possibilité d’énigmes afin que le joueur puisse se frayer un chemin. Au passage, bien que cela semble assez limité et peut laisser à penser (comme nous le supposions dans notre preview) une certaine répétitivité sur le long terme, il n’en est dans la finalité rien. Force est de constater que les différents stratagèmes utilisant les mécanismes d’infiltration ou de combat pour vous occuper tout le long de l’aventure, bien que suivant de multiples schémas, sont assez espacés pour ne jamais avoir l’effet redondant. Et heureusement, n’offrant pas moins d’une petite quinzaine d’heures de jeu en prenant son temps et en cherchant dans les dix huit chapitres les petits secrets. Bien entendu, les chapitres sont aussi linéaires qu’une ligne de métro, ce qui peut être vu comme une hérésie est finalement une intervention divine, grâce notamment à ce level design particulièrement soigné.
« Des compositions exquises. »
Bon, jusque là nous avons une histoire solide, un gameplay maîtrisé; il ne semble plus qu’à attaquer le côté graphique, qui est lui aussi une petite merveille de techniques. Le jeu est plus qu’agréable à l’œil dans sa version PC, sans être d’une gourmandise folle. Beau donc, mais également bien composé : il n’est pas rare de s’arrêter quelques instants pour y regarder des tableaux somptueux, les nombreux objets fidèlement composés, ou encore l’échelle de taille intérieure et extérieure des bâtiments, le tout forme des compositions exquises. Asobo n’hésite pas à vous trimbaler en ville comme en campagne, tout en gardant la maîtrise de sa composition visuelle à quasi chaque moment de l’aventure. En plus de cela, le jeu de lumière ainsi que les effets de particules, viennent enfoncer le clou qui a déjà bien pénétré sa surface. Nous regretterons peut-être des animations parfois un peu trop robotiques, ou bien encore un nombre limité de modèles pour les gardes ou l’absence d’un moteur physique (hors ragdoll). Mais cela se révèle anecdotique à la vue du travail apporté. Quelques mots sur la piste sonore, comme il est de bon ton à notre époque de nommer l’artiste plus que ses œuvres, Olivier Derivière vient à composer l’OST du soft. Si cela fait gage de valeur pour certains, nous nous devons d’étayer un peu nos propos pour les autres. Si nous englobons les réalisations pour n’en faire qu’un avis, l’ensemble se montre très agréable à l’oreille et surtout parfaitement dans le thème. Un quasi sans fausses notes pour ces compositions originales, avec des instruments d’un autre temps, viole de gambe ou encore nyckelharpa, accompagneront les péripéties de Hugo et Amicia. Le seul bémol est une certaine répétitivité des pistes aux moments d’affects.
La mort sera omniprésente pendant votre aventure.
Verdict : 8/10
Nul besoin de pester, Asobo Studio vient offrir un jeu d’une très grande qualité. Réussir le pari en 2019 d’offrir un jeu linéaire, sans faire ressentir un sentiment de répétition, est un exploit assez notable pour être relevé. Sans jamais tomber dans la facilité, les développeurs (toutes équipes confondues) offrent une véritable œuvre unique et totalement maîtrisée. Pour autant m’ont-ils fait aimer les jeux d’action-aventure ? Non, mais j’ai réellement pris du plaisir à découvrir A Plague Tale: Innocence, et je ne peux que vous recommander ce dernier.
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