Cela faisait plus de 20 ans qu’un jeu vidéo inspiré de l’univers de Dune n’avait pas vu le jour. Les projets avortés n’ont pourtant pas manqué, mais il aura fallu l’annonce du retour de la franchise au cinéma par Denis Villeneuve pour relancer l’intérêt des éditeurs. Funcom a donc sauté sur l’occasion en signant un contrat leur permettant de signer pas moins de 3 jeux vidéo Dune jusqu’en 2025. Parmi eux, se cache Dune: Spice Wars, un jeu de gestion développé par Shiro Games que l’on connait notamment pour la série des Evoland, Northgard ou encore Darksburg. Le studio bordelais se voit donc missionné d’une lourde tache, à savoir proposer le premier jeu Dune depuis bien des années. Nous avons pu passer quelques poignées d’heures sur Arrakis à la recherche de l’épice convoitée par l’Imperium afin de vous rapporter nos premières impressions.
Preview réalisé à l’aide d’un code pour l’accès anticipé fourni par l’éditeur
Funcom fait Dune pierre trois coups
Avec actuellement 3 titres en développement (ou du moins 2 en développement et un en préparation), Funcom devrait largement avoir de quoi surfer sur le succès critique et commercial des adaptations cinématographiques du premier roman de Dune par Denis Villeneuve. Pour ce faire, l’éditeur axe son angle d’attaque sur des genres bien différents, plutôt que de donner naissance à une trilogie. Le premier fut annoncé peu après l’annonce de la signature du contrat : il s’agira d’un jeu de survie multijoueur en monde ouvert, et qui reprendra beaucoup de Conan Exiles tout en tirant parti de l’expérience qu’a acquis Funcom avec le lancement de ce dernier. On sait d’ailleurs que le studio Nukklear a été rejoint par Abstraction, notamment pour les assister sur le moteur du jeu, le gameplay, les animations ou encore les performances générales.
Mais avant de vous imaginer survivre sur Arrakis avec vos amis, c’est à Shiro Games d’être sous les projecteurs avec son 4X intitulé Dune: Spice Wars. Dévoilé durant les Game Awards 2021, le jeu sera disponible en early access le 26 avril pour une trentaine d’euros. Qui dit accès anticipé, dit évidemment potentielle présence de bugs, fonctionnalités et contenus à venir puisqu’il ne s’agit évidemment pas du produit final, mais aussi absence de certaines traductions. Ainsi, au moment où vous lisez ces lignes, le jeu n’est disponible qu’en anglais. Un choix relativement étrange pour un studio francophone, qui aurait tout à fait pu inclure une traduction française pour simplifier l’accès, notamment aux non-initiés des 4X ou de l’univers de Dune. Non pas que l’anglais employé soit forcément très complexe, mais jeu de gestion oblige, le vocabulaire propre à l’aspect politique, militaire et économique pourra peut-être poser problème à ceux qui ne pratique pas la langue de Shakespeare. Et puisqu’il n’y a pas de lexique afin de faire la différence entre les termes anglais à aller vérifier sur son traducteur préféré et les termes propres à la licence Dune, les débuts risquent d’être légèrement frustrants pour quiconque n’est pas familier avec l’ensemble. Gageons que le studio a déjà prévu sur sa roadmap une version française, à minima.
Les équipes en charge du titre n’ont cependant pas oublié de prévoir un tutoriel afin d’accompagner le joueur lors des premières heures. Ce dernier reste toutefois assez limité à notre sens et bien qu’il explique certaines composantes de gameplay, il aurait été bon de préciser leur exécution à l’aide du combo clavier/souris. Si vous découvrez les jeux de gestion avec Dune: Spice Wars, un petit temps d’adaptation sera donc nécessaire. Cependant, une fois que les commandes sont maitrisées dans leur globalité, le titre se prend plutôt facilement en main. Il faut dire que Shiro Games ne prétend pas révolutionner la formule du 4X, et c’est très bien comme cela, puisqu’il y a assez à puiser dans la licence Dune pour offrir toute sa personnalité au titre.
Un jeu de gestion pas si épicé que ça
Dans l’état actuel, Dune: Spice Wars ne propose aux joueurs qu’un enchaînement de parties, sans aucun réel but derrière, si ce n’est que la victoire. Evidemment, plusieurs modes de difficultés et tailles de map sont au rendez-vous afin d’offrir une certaine rejouabilité. Mais avec un lore aussi travaillé que celui de Dune, on aurait apprécié un mode campagne ou bien davantage de développement entre les différentes factions en pleine partie. Elles commencent toutes de la même façon : on choisit une faction parmi les 4 disponibles actuellement (le clan Atréides, le clan Harkonnen, les Smugglers et les Fremen) qui possèdent chacune des bonus et malus qui lui sont propres. 2 conseillers sont également à choisir sur les 4 disponibles pour chaque faction, avec toujours dans l’idée d’offrir des avantages particuliers. On apprécie d’ailleurs que le jeu nous indique lesquels rendent la partie plus ou moins facile.
Une fois la partie lancée, il s’agit d’étendre son influence coloniale sur Arrakis afin de récolter des ressources, dont la principale est évidemment l’épice, qui peut-être échangée en temps réel (c’est à dire au fur et à mesure de sa récolte) contre du Solari, la monnaie de Dune, selon un taux de change fixé. À la fin de chaque cycle, l’Imperium taxe toutes les factions d’un montant défini d’épice. S’invitent alors en jeu les relations avec les autres clans, afin de faire du troc. De meilleures relations signifient la possibilité d’échanger des ressources au meilleur prix mais aussi la possibilité de ne pas se faire attaquer. Il faut alors de trouver le juste équilibre entre une expansion de son territoire, les attaques à mener contre les factions un peu trop gourmandes mais aussi la gestion de l’aspect politique. Le conseil du Landsraad se réunit tous les 20 jours afin de voter des lois qui auront des impacts positifs ou négatifs sur la faction qui aura reçu le plus de votes. C’est à ce moment là qu’il convient d’user de son influence et de ses voix afin de faire pencher la balance en sa faveur pour les bonus ou bien en celle de ses adversaires pour ce qui est des malus.
In fine, une partie est remportée lorsqu’une des trois conditions suivantes est remplie : Notre faction atteint les 25 000 points d’hégémonie (ce qui représente peu ou prou influence et son pouvoir au sein d’Arrakis), le dirigeant de chaque faction est éliminé/le QG de chaque faction est détruit, ou enfin se faire élire gouverneur de Dune. Concernant les points d’hégémonie, ils sont calculés selon l’agrégat global de notre progression (régions contrôlées, troupes ennemies éliminées, sietches alliés…) et représente le pouvoir général d’une faction. Toujours dans le but de conquérir Dune, le joueur peut compter sur un arbre de développement basé sur 4 axes : l’économie, l’aspect militaire, l’expansion et la politique. Avec des parties estimées à 2-3h selon les développeurs, et plutôt entre 4 et 5h selon notre propre expérience (mais peut-être ne sommes nous pas faits pour prendre le contrôle de Dune ?), on a un peu de mal à voir le positionnement que veut s’offrir le titre. Quelques games nous ont suffit pour faire le tour du titre, et si l’on y retournera avec plaisir pour constater les évolutions, l’envie de se relancer dedans est tout de même moins présente que durant les premières heures. Nous vous méprenez pas, l’expérience était sympathique, mais manque actuellement de personnalité pour séduire sur le long terme.
Un univers de qualité qui mériterait d’être encore plus exploité
On pense notamment au fort potentiel de développement qu’il pourrait y avoir entre les différentes factions notamment. En effet, il n’est pas rare que le leader d’un clan propose du troc ou encore entame le dialogue. Mais ces derniers consistent en un simple écran fixe avec une ou deux phrases, très souvent en rapport avec un évènement qui vient de se dérouler (une base militaire construite dans un village non loin de la présence d’une faction adverse, un récolteur d’épice détruit par un verre des sables, un peu trop d’opulence en termes de matières premières…). Or, proposer de véritables dialogues avec eux, avec un dénouement ayant un impact sur les relations aurait davantage de force et ajouterait un brin de narration à un jeu qui n’en propose pas (et ce n’est actuellement pas dans les cartons selon Shiro Games). On se consolera avec d’autres aspect, un peu plus approfondis, tels que l’espionnage, qui permet d’envoyer des agents surveiller les faits et gestes des différents clans ou encore du Landsraad, du CHOM (Compagnie des Honnêtes Ober Marchands – CHOAM en langue originale), de la guilde spatiale, ou encore d’Arrakis.
L’ambiance possède un charme certain et la direction artistique s’avère être convaincante. Le peu de protagoniste qui nous est présenté est très charismatique et la patte visuelle qui donnerait presque l’impression de contempler une fresque peinte à la gouache a su retenir notre attention. On se retrouve finalement avec un 4X qui coche les cases du cahier des charges de la gestion, mais qui s’oublie un peu son univers et délaisse son lore au passage. Cela vaut par ailleurs pour la bande-son, qui connaît parfois quelques soubresauts et parviendrait presque à nous galvaniser, le temps de quelques notes jouées au synthétiseur. En dehors de cela, elle sait se faire discrète, disparaissant parfois pour ne laisser planer que le son du vent qui s’échoue sur les dunes de sable d’Arrakis, l’avantage étant qu’elle ne nous a jamais empêché de nous concentrer sur les actions à mener pour remporter la victoire. On notera par ailleurs qu’une partie peut tout à fait continuer, même en ayant obtenu les 25 000 points d’hégémonie nécessaires ou bien en ayant éliminé les 3 autres factions. Il ne restera plus grand chose à faire alors, si ce n’est conquérir l’intégralité des villages de la map tout en évitant les attaques des vers des sables et les révoltes au sein des villages capturés.
Terminons sur l’aspect technique, tout en prenant quelques précautions, accès anticipé oblige. Sur notre machine de test, équipée de 16Go de RAM, d’une GTX 2060 Super et d’un AMD Ryzen 5 3600, nous avons poussé tous les curseurs des options visuelles au maximum. Dans l’ensemble, hormis un crash du jeu, le tout s’est déroulé sans accrocs mais le framerate a largement fait du yoyo lors des gros affrontements impliquant plus de nombreuses unités. Hormis quelques bugs visuels liés à l’UI, (notamment sur le menu principal, ou une bande noire apparaît sur le côté gauche en utilisant un écran ultrawide), peu de problèmes ont été rencontrés. Il faudra évidemment apporter un certain coup de polish et peaufiner certains détails pour la sortie d’accès anticipé, mais force est de reconnaître que l’on a vu beaucoup moins stable pour un titre encore en développement.
Verdict : Prometteur mais…
Dune: Spice Wars possède plusieurs atouts dans sa manche. En proposant des parties relativement courtes pour un jeu de gestion, il s’assure une certaine facilité dans sa prise en main qui se voie immédiatement balayée par la barrière de la langue pour les non anglophones et par le lexique propre à l’univers de Dune pour les non initiés. Il faudra donc garder son smartphone à proximité lors des premières heures, afin de faire travailler votre moteur de recherche préféré et déceler le vocabulaire propre à l’univers et les termes purement anglais. On aurait aussi apprécié davantage de profondeur concernant le lore, avec un peu plus d’introduction et de dialogue avec les autres factions. Après quelques parties fort sympathiques, nous ne ressentons pas forcément l’envie d’y retourner une fois encore, mais comme tout accès anticipé qui se respecte, Dune: Spice Wars devrait bénéficier d’assez d’ajouts et de polish pour s’imposer comme un jeu de gestion de qualité. La balle est dans le camp du studio bordelais qui tient dans ses mains, un projet prometteur mais qu’il va falloir chérir encore un peu, le temps que ce dernier arrive à maturité pour dévoiler son plein potentiel. Allez, on y croit.
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