La carrière de Fumito Ueda est, à plus d’un titre, un récit fantastique que Damien Mecheri s’est efforcé de nous raconter. Et ce ne sont ne sont pas les anecdotes qui manquent, les développeurs successifs de Ico, Shadow of the Colossus et The Last Guardian ayant grandement contribué à faire de cet artiste l’homme qu’il est devenu aujourd’hui. Ainsi, « L’œuvre de Fumito Ueda: Une autre idée du jeu vidéo » retrace l’histoire d’un passionné qui n’a cessé (et ne cessera sans doute jamais) de vouer sa vie à sa vocation.
- Titre –L’œuvre de Fumito Ueda: Une autre idée du jeu vidéo
- Éditeur – Third Éditions
- Auteurs – Damien Mecheri
- Nombre de pages – 224
- Prix – 19,90€
- Disponible à la vente sur le site de l’éditeur
L’homme
De grands hommes naissent de grandes oeuvres. Mais pour se hisser dans le panthéon des illustres dont on se souvient le nom des années durant, Fumito Ueda a toujours fait preuve de perfectionnisme, et d’une volonté à toute épreuve. A travers ce récit, nous découvrons que cet homme né en 1970 à Hyogo au Japon ne se sentait pas irrémédiablement attiré par les jeux vidéo. Amoureux d’art dans son ensemble, Ueda San était avant tout un homme simple recherchant la « beauté » dans tout ce qui l’entoure. Il expliquait d’ailleurs sans détour qu’il avait choisi l’art abstrait car ce dernier demandait moins d’efforts techniques, pour un temps de travail plus court. L’on comprend mieux à présent les choix qui ont été faits en termes de direction artistiques pour ces trois titres.
S’il se décrit comme étant peu sérieux durant ses études, Fumito Ueda ne manquera pas de sérieux durant sa carrière, enchaînant divers jobs au sein de chaînes de télévision locales, pour atterrir successivement chez WARP (D6) en 1995 puis chez Sony Computer Entertainment en 1997. A ce propos, ce dernier avait refusé une première proposition émanant du constructeur, offre qui ne le permettait pas de mener à bien le projet personnel qu’il leur avait soumis.Les personnages qui ont eu le privilège de collaborer avec Ueda San sont unanimes : rien ni personne ne peut le faire dévier de sa trajectoire. Ainsi, chaque projet quel qu’il soit aura été mené tambour battant par cet homme qui n’avait qu’un seul objectif, parvenir à réaliser un oeuvre à son image. Mais ce qu’il ne savait pas, ce qu’il serait en mesure de bouleverser notre vision du jeu vidéo. Trois titres de qualité au développement long et compliqué, et dont deux ont connu un succès commercial mitigé…
Son oeuvre
Avant de susciter l’intérêt des générations à venir, Fumito Ueda est lui aussi parti en quête d’inspiration en explorant divers horizons. Qu’il s’agisse de direction artistique, de gameplay ou même de narration, sa soif de connaissance était (et demeure) inassouvie. Ainsi, l’on sait que notre artiste s’est inspiré – sans se cacher – de titres tels que :
- Prince of Persia (1989 – Jordan Mechner) pour ses mécanismes de gameplay
- Another World (1991 – par Eric Chahi) pour son esthétisme et sa narration
- Le Roi et l’Oiseau (Paul Grimault) pour l’ensemble de son oeuvre
- Les oeuvres de Giorgio de Chirico ont elles aussi profondément inspiré notre artiste (pour Ico notamment)
- Lemmings (1991)
Bien souvent les idées naissent de souvenir, ou de choses vues ça et là, et qui nous paraissent anodines de prime abord. C’est ainsi qu’Ico est né, entrainant Ueda dans une campagne de séduction visant à convaincre Sony de la faisabilité du projet. Et si de nombreux détails furent modifiés par la suite, les fondements même du titre que nous avons découvert en 2001 restent inchangés. Alors prévu sur PlayStation (la phase de production a débuté en 1998), Ico sera finalement porté sur PS2, avec en prime de nombreuses évolutions graphiques.
L’auteur décrit ainsi à quel point il fut difficile de développer un titre comme Ico. Les ambitions Ueda étant toujours aussi exigeantes, Damien Mecheri parvient à retranscrire avec brio la constante tourmente du créateur qui ne parvient à exprimer pleinement son génie. Par ailleurs, ce sens aigu de l’inachevé le poursuivra durant toute sa carrière, sur chacune de ses oeuvres, et même son plus grand chef d’oeuvre : Shadow of the Colossus.
Son succès, Ueda-san le doit sans nul doute à Shadow of the Colossus, connu à ce jour comme étant l’un de ses titres emblématiques. Sorti en octobre 2005 sur PlayStation 2 puis porté sur PS3, cette licence s’apprête à faire son grand retour sur PlayStation 4, pour le plus grand bonheur de la communauté. Celui qui se faisait appeler NICO (contraction de Next ICO) dans les locaux de Sony allait tout changer, tout en conservant ce qui a fait le succès (mesuré) d’Ico : son âme. Fumito Ueda, exaspéré du mécanisme répétitif de certains titres de l’époque souhaite s’extirper de cette « spirale infernale » en créant un projet ambitieux de type open world, dans lequel seuls les affrontements titanesques seraient conservés. A la manière de David contre Goliath, le héros et sa jument Agro (que l’auteur considère comme étant sa partenaire et non son animal) devront combattre des colosses d’un immensité incomparable… Damien Mecheri parvient ainsi à retracer le développement quelque peu chaotique du titre en obtenant ça et là quelques anecdotes des membres de l’équipe de création.
The Last GuardianSorti en décembre dernier après près de dix années passées à l’attendre, The Last Guardian avait la lourde responsabilité de maintenir le niveau d’exigence de Fumito Ueda. L’auteur de l’ouvrage illustre parfaitement cette volonté de renouveau de Fumito Ueda qui, une fois encore, faisait preuve d’une insatisfaction sans limite. Proche de l’annulation à de multiples reprises, The Last Guardian parvient, comme l’indique l’ouvrage, à prendre un nouveau souffle et ce jusqu’à sa sortie. Et alors que ce titre semblait, plus qu’aucun autre, poser des problèmes dans son développement, les notes attribuées par la presse furent finalement à la hauteur des attentes de Sony, et de sa communauté (nous lui avons d’ailleurs attribué un beau 7/10).
Un titre dont le créateur s’est fortement inspiré des oeuvres précédentes, à commencé par Shadow of the Colossus. L’auteur de l’ouvrage, explique d’ailleurs cette relation qui unie Wander et sa monture, et la manière dont les développeurs sont parvenus à l’illustrer en évitant notamment au joueur de devoir inlassablement contrôler la jument, créant ainsi des incohérences de gameplay. Ainsi, Agro parvient à chaque à réfléchir de son propre chef et à sauver son « maître » lorsqu’il est sur le point de tomber. Une symbiose parfaite qui a contribué à rendre Shadow of the Colossus unique, et permet désormais à The Last Guardian de vivre, et se faire lui aussi un nom dans l’oeuvre majestueuse de Fumito Ueda.
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