À une époque où le genre de l’horreur dans la sphère vidéoludique est bien ancré dans l’esprit des joueurs, l’auteur Nicolas Deneschau, accompagné de Third Édition, décide d’ouvrir le dossier tentaculaire des pionniers du genre à la française. Véritable enquête mettant en avant les différents suspects ayant amené à créer l’enfer du manoir de Derceto, l’écriture de cette étude est équivalente à ce que l’on peut retrouver dans des romans d’aventures horrifiques. Tout cela est ponctué de références plus ou moins subtiles au maître en la matière, H.P Lovecraft. Plongez dans les ténèbres, accompagnés de quelques allumettes, pour y découvrir les secrets que nous cache le mystérieux cas d’Alone in the Dark.
Article réalisé grâce à une copie (édition classique) fournie par la maison d’édition
Écrit de l’écrivain fou Nicolas Deneschau, les dossiers d’Alone in the Dark ne se lisent pas comme n’importe quel livre que l’on peut trouver dans le commerce ou chez un libraire. Ici, vous tiendrez dans les mains un véritable grimoire vous transportant dans les méandres de ce qui deviendra la référence par excellence du genre de l’horreur à la française. Entre l’invention des codes, la résolution de problèmes techniques ou encore les génies fous derrière cet univers, les dossiers d’Alone in the Dark se profitent pleinement la nuit, éclairés par la simple lueur d’une fébrile flamme de bougie ou d’une lampe de chevet défaillante. Telle est l’ambiance que l’auteur nous imposera, malgré un début qui peut en dérouter plus d’un, s’approchant davantage d’un roman fantastique où vous suivrez les pérégrinations de Nicolas que de celui d’un documentaire classique. Dans ce gros dossier composé de 240 pages, vous y découvrirez la genèse du projet Alone in the Dark jusqu’à la composition de ses différentes suites, le tout accompagné d’images illustrant parfaitement la folie des créateurs, tel un dossier d’enquêtes classées, des preuves ou encore des travaux ayant amené à créer la peur chez les joueurs. Pas de panique pour autant, si vous ne connaissez en rien l’univers ou encore l’histoire du jeu, Nicolas propose ici de le remettre complètement à plat et de le décortiquer dans les moindres recoins, le menant à chercher des noms de développeurs dans les endroits les plus reculés de Lyon ou encore à faire des parallèles avec des œuvres connus du grand public. Seul mot d’ordre à avoir avant de vous lancer, sachez qu’il y a énormément de références au monde de H.P Lovecraft, tant le jeu porte en lui les codes du maître de l’angoisse fantastique comme les créatures ou alors les personnages muets.
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- Titre : Les dossiers Alone in the Dark. Enquête sur les origines du survival horror
- Auteur : Nicolas Deneschau
- Éditeur : Third Éditions
- Illustration de couverture : Illustration de Mathieu Lauffray
- Nombre de pages : 240
- Prix : 24.90€ (acheter)
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Parcourant la France en quête de réponses et retraçant l’histoire du titre sur quatre époques différentes, allant de 1989 à 2022, Nicolas Deneschau nous fait voyager dans les abysses de Alone in the Dark à travers 13 chapitres, eux-mêmes divisés en sous partie de quatre à sept points différents. Bien que l’on découvrira l’influence des jeux de la franchise sur d’autres titres, comme Resident Evil par exemple, la dimension « making of enquête » de leur conception sera la partie la plus intéressante de la lecture. C’est plaisant de comprendre les difficultés rencontrées par les développeurs dans un monde dans lequel tout est à créer et à imaginer, leurs inspirations culturelles bercées par leur partie de jeu de plateau ou les souvenirs d’enfance de Frédérick Raynal lorsqu’il tenait un vidéoclub avec son père. Le tout est saupoudré de mystère, dans la plus pure tradition d’enquête à la Lovecraft, retranscrit via l’utilisation des témoignages de chacun des protagonistes racontant leur point de vue de l’histoire. Pour appuyer les propos et les pensées de l’auteur, tel un archéologue de l’étrange et du mystique, des illustrations viendront accompagner ses étranges visions. Que cela soit des images représentatives de sa pensée comme une illustration de la Horla de Maupassant par William Julian-Damazy, ou encore des photos documentaires des lieux et des étranges personnages ayant imaginé l’horreur de Derceto.
Mais cela ne sera pas la seule représentation du génie de l’auteur d’avoir eu l’idée de transformer un documentaire en véritable conte fantastique du réel. En effet, des documents officiels de la création de Alone in the Dark seront proposés en fin du livre pour mieux cerner le titre, même si ceux-ci seront davantage axés sur le premier jeu que sur ses suites. Ces annexes resteront les meilleurs outils proposés aux lecteurs pour se plonger complètement dans l’enquête. Au total, 20 documents officiels passant d’un morceau du scénario aux plans du manoir de Derceto seront disponibles, en plus de ceux qui vous accompagneront tout le long de la lecture, dissimulés un peu partout entre les chapitres. Au-delà de ces documents illustratifs, le contenu en lui-même témoigne de l’amour qu’à l’auteur envers ce jeu, l’ayant traumatisé étant enfant. Un sentiment que peu d’élus peuvent comprendre, mais dont Nicolas tente de retranscrire un maximum à travers sa plume, sa passion et ses souvenirs traumatiques. Nous laissant transporter par les découvertes de l’auteur dans cette aventure horrifique et, après un début difficile et déroutant tant l’approche de lecture est très intimiste, nous nous sommes vus entièrement aspiré par sa manière d’écrire.
Les précieux feuillets confiés par Frank Manzetti pouvaient maintenant rejoindre la bibliothèque maudite de l’université Miskatonic d’Arkham […] Après une étude approfondie, j’en apprends plus sur la nature exacte des évènements qui eurent lieu en Louisiane en 1923, au lieu-dit de Derceto
Et parlons en du style d’écriture de Nicolas, faisant du livre une véritable pépite à mettre entre « Le Cauchemar d’Innsmouth » pour son enquête en ville et « Frankenstein ou le Prométhée moderne » pour la bête maléfique que nous tenons entre les mains. Il est ce qui se fait de mieux en termes d’écriture trouvable chez Third Edition. Nous avions l’habitude de trouver de magnifiques plumes chez l’éditeur, mais avoir un tel niveau est fortement appréciable lorsque celui-ci vous transporte autant et ce pendant presque 214 pages de mots finement choisis et retranscrits. Après une touchante préface de Fréderick Raynal et un avant-propos de Nicolas, on entame notre ascension dans l’horreur avec la première époque, celle entre 1989 à 1992, là où se situe le développement du premier jeu Alone in the Dark. C’est qu’après 82 pages d’explications et de véritables morceaux d’histoire que l’on attaquera ensuite sur la deuxième, traitant de Alone in the Dark 2 et 3, quelque peu en retrait par rapport à la première partie. Celle-ci sera la phase un peu creuse de l’ouvrage, passant du point de vue des développeurs et leurs souvenirs de créations du genre à celui de créateurs dépassés par leur enfant maudit. En effet, nous y découvrirons le passage de mains en mains du titre ainsi que l’avidité des patrons de studio primant sur le souhait original des développeurs.
Même si elle peut sembler quelque peu à l’écart de la création de la saga Alone in the Dark, car plus accès sur la gestion du studio au tatou multicolore et de son patron rêvant de devenir le Disney du jeu vidéo à la française, elle n’en reste pas moins un témoignage frappant de la mentalité de cette époque pas si lointaine. Alors que les équipes changent, et que le projet passe chez d’autres, la suite des chapitres présenteront de nouveaux scénarios qui furent avortés ou alors des petites pépites trop souvent oubliées. S’approchant du point final des recherches de Nicolas, celui-ci conclut sur une touche d’espoir et de nostalgie. L’espoir de revoir le jeu renaître de ses cendres avec la sortie prochaine du remake par le studio Pieces Interactive, chapeauté par THQ Nordic, et la nostalgie de retrouver le manoir ayant marqué une génération.
Pour conclure ce long chapitre, attardons-nous une dernière fois sur la qualité globale du livre. Car au-delà de son écriture exceptionnelle, la couverture de celui-ci sera le clou du spectacle de cette dévorante histoire. Couverture illustrée par Mathieu Lauffray nous proposant une planche des plus léchée au design très épuré dans la version classique du livre. L’édition First Print sera, quant à elle, réalisée par le trait du talentueux Tom Buzor, spécialiste des dessins en noir et blanc passionné par la Dark Fantasy et la Science-fiction. Du côté de la qualité générale du livre, le tout sera en couverture rigide et cartonnée avec une reliure en dos carré collé, c’est-à-dire sans agrafe et de meilleure qualité. Petit détail intéressant, l’arrière de la couverture ainsi que la tranche présenteront une petite lanterne qui se reflétera à la lumière, un magnifique détail qui prendra alors tout son sens après une bonne lecture de l’enquête.
Verdict : Un ouvrage absolument maléfique
Ayant entamé la lecture tel un simple ouvrage de bibliothèque, il nous est arrivé de psalmodier à la vue du livre tellement celui-ci nous a transporté dans l’univers horrifique de Frédérick Raynal. Oubliez tout ce que vous connaissez du genre pour apprécier au mieux l’enquête proposée par Nicolas Deneschau, réalisant ici un travail d’orfèvre pour dénicher la moindre information concernant le titre. Les dossiers Alone in the Dark: enquête sur les origines du survival horror raviront les fans d’histoire du jeu vidéo, mais aussi ceux appréciant les mystérieuses nouvelles de H.P Lovecraft. L’auteur arrivera à vous transporter dans ses différents voyages à travers la France, grâce à ses nombreux témoignages et détails croustillants gravitant autour de ce jeu devenu icône du savoir faire à la française. On regrettera tout de même une couverture un peu sombre à côté de livre comme Les secrets d’Assassin’s Creed ou encore The Heart of Dead Cells, mais quel serait alors un bon livre ayant littéralement comme titre « Seul dans le noir » sans une telle représentation aussi mystérieuse. Il est le genre de lecture à absolument avoir auprès de soi, tel un guide dans ce qu’est devenu le genre du survival horror aujourd’hui. Alors, que vous soyez néophyte du genre ou total fanatique, nous vous suggérons fortement de vous procurer les dossiers Alone in the Dark sans plus tarder, car vous risqueriez de passer à côté d’un véritable artefact.
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