Au fil de son évolution, le monde du jeu vidéo a donné naissance à de nombreuses licences qui sont aussi bien parvenues à marquer l’esprit des joueurs que l’histoire de ce médium. Parmi elles se trouve notamment Grand Theft Auto, plus communément appelée GTA, que l’on doit à la firme étoilée Rockstar Games. Véritable phénomène vidéoludique depuis plus de 20 ans, cette série de jeux fascine autant qu’elle déchaîne les passions. Dans leur ouvrage « La Saga GTA. Transgressions et visions de l’Amérique », Mathieu Lallart et Third Editions tentent de décrypter tout cela.
Article rédigé grâce à un exemplaire de l’ouvrage fourni par l’éditeur
Du haut de ses plus de 310 millions d’exemplaires vendus depuis sa création en 1997, Grand Theft Auto s’impose aujourd’hui comme étant l’une des franchises les plus influentes de l’histoire du jeu vidéo. Le phénomène est tel que tout le monde (ou presque) a déjà entendu ce nom au moins une fois dans sa vie, du côté des joueurs comme des non-joueurs. Néanmoins, beaucoup en ont également une vision erronée et tendent à le résumer à une simple idée : celle d’un jeu « dans lequel on peut tuer et violer tout le monde ».
Évidemment, il s’agit d’un raccourci qui est loin d’être représentatif de la réalité. L’œuvre de Rockstar Games va bien plus loin que cela. GTA puise ses influences dans de multiples sources afin de délivrer à son public de véritables messages, de lui faire vivre une expérience aussi marquante que singulière. Et c’est justement ce que tente de nous montrer Mathieu Lallart dans cet ouvrage édité par Third Editions. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, faisons un petit tour des principales caractéristiques de la bête :
- Titre : La Saga GTA. Transgressions et visions de l’Amérique
- Auteur : Mathieu Lallart
- Éditeur : Third Editions
- Illustration de couverture : Ben Turner
- Nombre de pages : 216
- Prix : 24.90€ (acheter)
Histoire et analyse de l’évolution d’une saga
« La Saga GTA. Transgressions et visions de l’Amérique » est donc un livre qui a pour volonté de revenir sur plus de vingt ans d’histoire. Un défi extrêmement ambitieux quand on connait la complexité et la richesse de l’univers créé par le studio américain, et encore plus quand on sait que tout cela est censé tenir dans un ouvrage au gabarit tel que celui-ci. Néanmoins, et l’auteur se montre très clair à ce sujet dès l’introduction : son but n’a pas été de rédiger une bible ultime sur GTA mais uniquement de tenter d’en dégager une vue d’ensemble à travers plusieurs angles d’attaque plus ou moins indépendants. Pour illustrer cela, il confiera d’ailleurs qu’« […] écrire sur GTA a demandé de sélectionner les informations d’une façon chirurgicale, tout cela dans le but de livrer une vision globale et représentative de la saga ».
Cela étant dit, il faut avouer que le travail abattu est largement à la hauteur. Du long de ses huit chapitres, l’ouvrage revient sur de nombreux aspects divers et variés, à commencer par l’histoire de la franchise. En effet, les premiers chapitres s’attachent non seulement à nous révéler les coulisses de la conception de la licence et du studio en lui-même, mais également à marquer l’ensemble des évolutions majeures et leurs enjeux au fur et à mesure des différents épisodes. Le tout étant alors savamment saupoudré d’anecdotes sur la promotion marketing et sur la réception du public à travers le monde. De cette manière, on ressort de notre lecture avec des connaissances beaucoup plus poussées allant de la mise en place du prototype initial, alors intitulé Race’n’Chase, jusqu’à la création du Grand Theft Auto que l’on connaît. Sous l’impulsion de Sam et Dan Houser d’abord, puis sous celle de Leslie Benzies un peu plus tard.
Dans le même temps, certains chapitres n’hésitent pas à entrer un peu plus en détail dans le cœur même de la dimension vidéoludique de la série. Par-delà le tournant majeur qu’a représenté le passage à la 3D marqué par Grand Theft Auto III, c’est surtout l’analyse du bon technologique marqué par Grand Theft Auto IV qui s’avère être particulièrement intéressant au sein de cet ouvrage. Pour cause, cela donne lieu à un décryptage plus général de l’utilisation de la ville comme zone de jeu dans la licence et tout ce que cela implique en termes de game design, de level design et de narration pour les développeurs comme pour les joueurs. Enfin, pour les moins connaisseurs et malgré le fait que l’ouvrage n’ait pas pour volonté d’être une bible absolue, un chapitre entier est dédié à la présentation des protagonistes et antagonistes ayant marqué la licence au fil des différents opus.
Liberty City ressemble à New York, mais n’est pas New York. Plus malin : elle reprend les éléments connus du monde entier à travers la culture populaire. Ainsi, un Européen n’ayant jamais vu New York autrement que dans des films et séries peut aisément penser qu’il s’agit d’une représentation réaliste de la ville. Il n’en est rien puisque cette Liberty City est tout l’inverse, une caricature mise au service d’une satire.
Des partis pris qui peuvent gêner
Mathieu Lallart ne s’empêche pas pour autant des angles d’analyse un peu plus pointus par moments, en témoigne le chapitre consacré à l’étude de la représentation de l’Amérique dans GTA. Dans ce dernier, l’ensemble des jeux sont étudiés sous le prisme de divers sujets tels que le fameux rêve américain, les inégalités sociales, la question de la violence ou encore la mise en scène de l’argent. Un chapitre à la fois passionnant et pertinent qui vient contrebalancer le précédent, malheureusement loin de l’être autant malgré son angle capital. Le chapitre consacré aux influences filmiques est effectivement sans aucun doute le plus décevant de l’ouvrage dans le sens où il s’attache davantage à décrire et analyser les films cités qu’à les mettre en relation avec les jeux de Rockstar. Il en ressort un sujet qui nous apparaît comme ayant été complètement survolé, alors même qu’il y aurait eu matière à établir des parallèles des plus intéressants à partir d’exemples concrets.
D’ailleurs, si l’on devait faire un autre reproche au livre, ce serait probablement de mettre de côté la majeure partie des opus de la licence au profit de GTA IV et GTA V qui, eux, sont très régulièrement cités comme exemple. À juste titre évidemment puisque ce sont deux opus majeurs dans l’histoire de la franchise, et cela explique naturellement pourquoi ce sont les deux seuls à avoir droit à un chapitre dédié. Néanmoins, et tout en gardant pleinement conscience que tout cela reste un parti pris assumé de l’auteur, on aurait également apprécié voir les opus autres que les deux derniers être davantage mis en valeur et analysés tout au long de l’ouvrage. Pour cause, si un fin connaisseur des différents jeux saura de lui-même créer des liens entre les propos de l’écrivain et les jeux du studio, le premier désirant « amener le lecteur à suivre un fil de réflexion qui lui est propre », les néophytes devront se contenter des exemples cités. Mais encore une fois, c’est bien là toute la difficulté de parler d’une œuvre telle que GTA : les exemples pourraient facilement se multiplier, ce qui impose de faire des choix.
Verdict : C’est bon pour la culture vidéoludique !
Nous pourrions ouvrir la conclusion de cet article sur un paradoxe. Dans le fond, tout le monde connaît Grand Theft Auto. Mais en réalité, peu de personnes connaissent vraiment Grand Theft Auto. Souvent évoquée à travers des idées préconçues, la franchise de Rockstar Games cache en elle une richesse d’éléments qui nécessite d’avoir les bonnes clés en main pour prétendre les comprendre. Avec « La Saga GTA. Transgressions et visions de l’Amérique », Mathieu Lallart et Third Editions nous offrent une partie du trousseau sur un plateau. Ainsi, sa lecture est vivement recommandée pour tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à cette licence emblématique du jeu vidéo. Mais comme évoqué à plusieurs reprises, l’ouvrage n’a pas pour volonté d’être exhaustif non plus. C’est pourquoi il faut garder en tête le fait que certaines pistes ouvertes par celui-ci appellent à approfondir la réflexion – si cela vous intéresse, évidemment – une fois la lecture terminée.
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