L’implication et la représentation des femmes dans le jeu vidéo ont toujours alimenté de nombreux débats. On se souvient des réactions de joueurs ne désirant pas faire The Last of Us Part II car le protagoniste était une jeune femme, Ellie. À l’heure où nous écrivons ces lignes, c’est Aloy d’Horizon Zero Dawn et Horizon Forbidden West qui fait l’objet d’une polémique sur les réseaux sociaux. Autant dire que ces questions sont nombreuses et ne cesseront peut être pas tout de suite à mesure que de plus en plus de projets vidéoludiques mettent le féminin au cœur de leurs histoires et gameplays. Si Bounthavy Suvilay ne trouve pas de réponse à ce débat sans fin, si tant est qu’il y en ait une (on aimerait pourtant), elle dessine le paysage des héroïnes présentes dans les jeux vidéo. Alors, lecture enrichissante et pertinente ou ouvrage à feuilleter rapidement avant de le reposer sur les étales des librairies ?
Test réalisé grâce à un exemplaire fourni par la maison d’édition
- Titre : Héroïnes de jeux vidéo. Princesses sans détresse.
- Auteur : Bounthavy Suvilay
- Éditeur : Ynnis Editions
- Illustration de couverture : Koi Carreon
- Nombre de pages : 206
- Prix : 29.90€ (acheter)
On notera tout de suite, avant de se concentrer sur le propos central de l’ouvrage, que la préface est plutôt complète et réellement intéressante. Elle est rédigée par Yann Leroux et recense des recherches diverses sur le sujet tout en se basant sur des théories pertinentes. On ne pourrait que vous recommander de la parcourir avant de poursuivre votre lecture.
Ainsi, l’œuvre de Bounthavy Suvilay, vous l’aurez compris au titre, propose un point de vue assez intéressant : les représentations des femmes en tant qu’héroïnes, personnages principaux ou secondaires, dans les jeux vidéo. Ce qui est surtout très plaisant est le fait que l’auteure s’intéresse à un panel large : de Ms Pac-Man à Yuna et Masako Adachi dans Ghost of Tsushima tout en passant par Yennefer (The Witcher 3), Ellie (The Last of Us et The Last of Us Part II), Alyx Vance (Half Life 2), Mai Shiranui (Fatal Fury 2) et bien d’autres. S’étalant sur plus de 200 pages, l’ouvrage est d’autant plus complet du fait qu’il multiplie les références vidéoludiques depuis les années 1980 à 2010. Généralement, les fiches par personnage s’écoulent sur deux pages rendant ainsi le propos plutôt concis. D’autres prennent parfois un peu plus de place et sont agrémentées d’anecdotes dans des encarts. À ce sujet, on a trouvé certaines entrées assez légères : bien que le format alloué à chaque personnage soit court, on aurait aimé plus de détails et précisions sur quelques héroïnes tant il y avait matière à dire sur elles. On pense notamment à des personnages clés de ces dernières années, tels qu’Ellie et Yennefer pour ne citer que deux exemples chers à votre fidèle servante.
Par contre, on remarquera que certains propos nous ont semblé tout de même assez dérangeants : il y a des allusions, des références ou des remarques qui pourront en faire sourciller certains et certaines, comme ce fut le cas pour nous. Dans plusieurs pages, les dires ou conclusions se reposent sur des faits mais sont interprétés d’une manière importunant à certains égards. On aurait apprécié plus de subtilité par moments afin d’amener les choses plus doucement. Distillés ci et là, les traits d’humour de l’auteure sont tout aussi emplis d’une certaine maladresse, parfois. Et cela est fortement dommage car la thématique centrale de l’œuvre reste très intéressante et d’autant plus impactante que l’on voit de plus en plus de femmes dans les jeux vidéo. Ainsi, on ne pourrait que vous recommander de feuilleter l’ouvrage et de parcourir les entrées qui vous intéressent le plus, tout en jetant un coup d’œil aux autres. Dans tous les cas, concentrez vous davantage sur les faits historiques et sur certaines explications judicieuses tout en ayant vos propres réflexions sur la question.
Pour finir, nous noterons tout de même la qualité de l’œuvre du point de vue technique et design. D’ailleurs, on rappellera que Koi Carreon est à l’origine de la première de couverture qui est splendide. Elle arbore des traits très comics et met en scène des personnages féminins de renom entrain de jouer ensemble : Peach et Tomb Raider semblent s’affronter dans un duel vidéoludique prenant alors que Zelda grignote des pop-corn et Yennefer sirote un verre. La mise en scène de la première de couverture est aussi simple qu’efficace et tout aussi attirante que charmante. Les pages, sur papier lisse, profitent d’une mise en page aérée et très colorée rendant la lecture tout à fait agréable. L’œuvre adopte une structure par chapitre et un code couleur : liseré bleu en haut de la page pour les années 90, rouge pour 2000 etc. On se prend à piocher ci et là des anecdotes, les histoires des personnages et à découvrir des jeux ou pensées des développeurs. Le format souple permet de profiter d’une meilleure amplitude d’ouverture lors des différentes sessions de lecture, bien que l’œuvre ait de grandes proportions.
Verdict : À parcourir avec prudence
L’ouvrage « Héroïnes de jeux vidéo. Princesses sans détresse » avait de quoi plaire et semblait très intéressant sur le papier tant sa thématique centrale est pertinente et au cœur de nombreux débats. Si certaines entrées historiques et explications sur les jeux ou les personnages féminins en question sont captivants, certains remarques ou traits d’humour pourront malheureusement déranger à la lecture. De ce fait, nous ne pourrons que vous recommander d’opter pour une lecture réflexive et sélective de l’œuvre plutôt que de boire tous les propos de l’ouvrage.
Laisser un commentaire