Découvert mi-mai, Alzara Radiant Echoes est un JPRG (jeu de rôle japonais) à la française, puisant ses origines dans l’âge d’or du jeu vidéo. Faisant écho aux pionniers du genre comme Final Fantasy ou encore Golden Sun, Emma Delage, directrice créative du jeune studio Camélia, nous a accordé une interview pour parler du jeu qui sent bon la Méditerranée.
Bonjour Emma, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Bonjour, je suis Emma Delage, directrice et co-fondatrice du studio Camélia.
Je pense qu’il est toujours bon de connaître le parcours des personnes que nous interviewons. Pourriez-vous nous présenter votre parcours avant la création du studio Camélia ?
Je viens, à la base, du domaine du marketing qui m’a permis de rentrer dans l’industrie du jeu vidéo où j’ai bifurqué sur de la gestion de production. Maintenant, ça fait un peu plus de 12 ans que je suis dans ce milieu. J’ai eu l’occasion de travailler pour Ubisoft, Square Enix et plus récemment chez Plug In Digital avant de fonder le studio Camélia.
Aujourd’hui, vous êtes donc la directrice créative et la co-fondatrice du studio Camélia, pouvez-vous nous parler de sa création ?
J’ai toujours eu cette idée dans un coin de ma tête, et cela, depuis que j’ai mes 15 ans environ, lorsque j’ai découvert Final Fantasy X. Quand je l’ai eu en main, je me suis dit « wow, il y a des gens dont c’est le métier de faire des jeux comme cela. », et depuis, cette envie ne m’a jamais quittée. De même, j’ai toujours eu cette fibre entrepreneuriale et à 15 ans, j’avais déjà cette envie de monter mon propre studio, et plus précisément un studio qui allait se spécialiser dans les JRPG. Pour moi, les JRPG occupent 90% de mon temps, j’ai d’ailleurs été rédactrice pour Final Fantasy Dream, ce qui m’a permis de rentrer chez Square Enix par la suite.
Quand je suis sortie de mes études, j’ai rejoint Ubisoft et le monde du jeu vidéo. Un an après mon arrivée, il y a eu un concours de création d’entreprises organisé par la Serre Numérique à Valenciennes. Avec deux amis à moi, nous avons tenté l’aventure et avons terminé troisième, ce qui nous a permis de voir comment créer un studio. Malheureusement, j’étais totalement junior et mes amis n’avaient pas d’expérience dans la création d’entreprises. Il me fallait donc du bagage et surtout de bons associés. J’ai donc mis un stop à cette aventure et j’ai pris mon temps pour acquérir des connaissances afin de pouvoir monter le studio le plus pérenne possible.
Beaucoup plus tard, il y a eu l’événement mondial qu’est le Covid et j’étais, à ce moment-là, chez Plug In Digital à Montpellier. À ce moment-là, mon envie de créer mon propre studio est devenue de plus en plus présente et je me suis donc lancée dans l’aventure de la création de studio. Ainsi, avec le studio Camélia, c’est avant tout la possibilité de réaliser un rêve de gosse et un mouvement communautaire pour dire « il n’y a pas assez de JRPG qui sortent ». En tout cas, pas comme ceux avec lesquels nous avons grandi étant plus jeunes, surtout des RPG au tour par tour. Ainsi, l’idée du studio Camélia est vraiment de combler ce manque-là en s’adressant en priorité aux joueurs et joueuses ayant grandi avec les JRPG et étant nostalgiques, tout en apportant un peu de nouveauté dans le genre. Aujourd’hui, le studio compte 14 personnes à temps plein réparties un peu partout en France, au Canada et dans d’autres pays, comme avec Motoi Sakuraba et Yoshiro Ambe sur le projet, ce qui est plutôt chouette.
De là est arrivé votre premier projet, Alzara Radiant Echoes, comment est venue l’idée du jeu ?
Je me suis réveillée un matin, et je me suis dit « wow, cette idée est trop bien ». Même si cela peut paraître rigolo, chaque projet commence un peu de cette manière-là. J’ai un carnet avec plein d’idées de jeux qui me viennent au beau milieu de la nuit par exemple, et dans toutes ces idées, il y en a certaines qui resteront à l’état d’idée et d’autres qui seront poussées plus loin. Alzara fait partie de ces dernières. La première réflexion autour d’Alzara était l’idée du partage.
Je suis partie dans l’idée d’un univers où la magie a disparu depuis trois générations et ce que cela implique pour les humains, comment ils peuvent survivre et comment fonctionne le partage des ressources. Au fur et à mesure, avec les autres membres de l’équipe, mais aussi de la communauté via un sondage ayant récolté environ 1000 réponses, le projet s’est affiné. Par exemple, le fait que le jeu se base dans un monde d’inspiration méditerranéenne est venu un peu plus tard, soit fin 2021 approximativement.
Lors de notre première preview, des noms d’œuvres ayant inspiré le jeu sont ressortis, tels qu’Avatar le dernier maître de l’air, Golden Sun ou encore Lost Odyssey. Concernant ces inspirations, comment ont-elles nourri le projet qu’est Alzara Radiant Echoes ?
Les inspirations servent de base dans ta réflexion, permettant aux collaborateurs de suivre ta vision des choses. Alzara reste Alzara, avec son propre système de jeu et plus le joueur avancera dans le jeu, plus Alzara deviendra unique. Pour Golden Sun, par exemple, ma volonté était d’avoir un monde très coloré, plein d’espoir et un système de Gin assez similaire. De plus, j’aimais beaucoup Golden Sun pour ses héros, leur histoire, qui est celle d’un groupe d’amis qui évolue ensemble, et j’aime beaucoup ce lien que l’on peut avoir avec eux. Pour Avatar, il y a bien sûr les 4 éléments, mais surtout les liens entre les personnages, présentant des héros très humains, alors que les JRPG d’aujourd’hui sont de plus en plus centrés sur des superhéros. Nous souhaitons faire en sorte que l’on puisse s’identifier à nos héros, comprendre leurs peurs, leurs peines ou encore leurs joies. D’autres inspirations plus subtiles comme Full Metal Alchemist peuvent être citées, avec l’idée de « l’échange équivalent » lorsque les joueurs devront sacrifier des points de statistiques pour invoquer des Zal. Du côté de Lost Odyssey, c’est plus du côté du gameplay avec les lignes asymétriques, comme dans Suikoden 2 par exemple.
Dans Alzara, on découvrira quatre personnages importants : Kayla, Hugust, Adil et Nakheel. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur leurs créations ou encore leurs personnalités ?
Si les lecteurs ou les lectrices veulent en apprendre davantage sur nos héros, nous avons écrit des articles à leur sujet dans les mises à jour de notre campagne Kickstarter. En ce qui concerne le processus de création des personnages, nous avons travaillé avec Yoshiro Ambe et avons commencé avec Kayla. Elle est la protagoniste du jeu et son élément est le feu. La raison de ce choix est assez simple : nous avions surtout envie de la voir avec cet élément.
Par la suite, Kayla sera définie par sa position de leader qu’elle refuse, alors que son archipel est envahi. Son tempérament suivra ensuite dans notre processus de création : elle sera une femme forte et un peu tête brûlée.
Pour le côté artistique de Kayla et des autres héros, nous souhaitions vraiment rester fidèles à notre inspiration principale, à savoir la Méditerranée. Nous avons donc envoyé une description détaillée de nos personnages à Yoshiro Ambe, ainsi que des planches de références, comme des tenues inspirées de la société minoenne pour Kayla. Pour Adil, nous nous sommes inspirés du Maroc et de la Turquie, tandis que Nakheel, qui est très attirée par la mer et représente les peuples qui voyagent, a une inspiration plus berbère. Enfin, Hugust, qui vient d’une armée de notre univers, a un bouclier rond inspiré du peuple romain.
Chaque personnage représentera alors un élément, comme le feu étant plus offensif que la terre purement défensive. En plus de cela, les archétypes des héros seront à prendre en compte au cours de la partie comme pour Kayla qui représentera le DPS, Adil comme healer ou encore pour Hugust pour un tank.
Récemment, Alzara a été de nouveau présenté lors du French Direct, l’occasion de découvrir des images de l’envers du décor avec de nouvelles créations et des effets spéciaux présentant diverses couleurs. Y a-t-il un rapport avec la synergie des personnages ?
Pour les effets visuels (vfx), j’ai envie que ça explose de partout, notamment en combat. Chaque élément, soit 10 au total, a un archétype très distinctif, comme la foudre avec une couleur jaune par exemple. Cette envie de créer des effets visuels uniques est dans l’optique d’offrir une récompense attendue par les joueurs qui, en réussissant une synergie avec les personnages, pourront débloquer des effets visuels spectaculaires tout en comprenant leur action.
Vous avez eu la chance de travailler avec Motoi Sakuraba, compositeur de Golden Sun entre autres, et Yoshiro Ambe pour les chara-design. Comment avez-vous fait pour le convaincre de venir poser sa musique pour Alzara ?
De futures interviews arriveront à ce sujet. En fait, Sakuraba explique qu’il choisit les projets sur lesquels il travaille. Lorsque nous l’avons approché, nous lui avons tout simplement présenté le jeu en lui expliquant pourquoi nous pensions que sa musique serait parfaite pour Alzara. Il fallait absolument que nous travaillions avec lui, c’était une évidence. Notre musique, c’est vous, par rapport au combat et au thème, et je pense que c’est le côté méditerranéen qui l’a intrigué.
Pour Yoshiro Ambe, à qui l’on doit des designs sur Fire Emblem Heroes, Trials of Mana ou encore Genshin Impact, nous voyions un peu plus large dans son style très coloré et sa superbe composition par rapport aux costumes. Nous avions une liste d’illustrateurs avec qui nous voulions travailler, et Yoshiro Ambe était notre top 1. Il faut savoir que les illustrateurs, surtout aujourd’hui, travaillent en freelance et sont rémunérés à la mission. Pour Yoshiro Ambe, nous avons eu de la chance qu’il ait eu de la disponibilité pour nous. Sakuraba et lui sont, en quelque sorte, des membres de l’équipe à part entière, en voyant leur investissement et leur soutien sur les réseaux sociaux pour Alzara.
Étant toujours dans sa campagne Kickstarter, dans quelle région du globe souhaitez-vous exporter le jeu plus largement ? À quel public s’adresse Alzara ?
Les jeux vidéo étant un marché mondial, nous visons une distribution d’Alzara dans le monde entier. Nous essayons toujours de réfléchir à tous les éléments dans un prisme international. Cependant, nous avons conscience que, bien que nous créions un JRPG, nous ne sommes pas japonais. Le marché japonais est assez méfiant vis-à-vis des titres venant d’ailleurs, nous aimerions toutefois le sortir au Japon et nous le ferons. Cependant, nous savons que le gros du marché se fera du côté occidental, comme en Europe de l’Ouest ou en Amérique du Nord.
Quant à notre public cible, Alzara s’adresse aux fans de JRPG, en particulier ceux qui apprécient les histoires riches et les personnages bien développés. Nous avons également cherché à créer un jeu accessible aux joueurs occasionnels, en proposant des mécaniques de jeu simples à prendre en main, mais difficiles à maîtriser. De même pour le niveau de difficulté qui, pour le moment, ne propose pas de niveau. Un seul mode de difficulté est proposé et s’adaptera en fonction du scénario et du style de combat. Mais nous ne fermons pas la porte à cette idée en voyant les demandes et les envies des joueurs sur notre campagne Kickstarter, demandant, par exemple, la possibilité d’avoir un NG+. Enfin, nous espérons que notre inspiration méditerranéenne et notre approche unique de la synergie des personnages attireront de nouveaux joueurs vers le genre du JRPG.
D’ailleurs, pourquoi être passé par un Kickstarter ?
Lorsqu’on lance une campagne Kickstarter, on présente un jeu à une communauté d’early adopters. Les personnes qui utilisent Kickstarter ou d’autres plateformes de financement participatif ont à cœur d’aider un projet à voir le jour, et j’apprécie beaucoup cette démarche. Cela rejoint d’ailleurs l’univers d’Alzara, qui se base sur le partage et la coopération.
Le jeu sur lequel nous travaillons actuellement depuis quelques années n’est pas encore abouti, et nous ne sommes pas entièrement certains qu’il plaira au public. Le Kickstarter est donc pour nous un moyen de tester l’intérêt des joueurs et des joueuses pour notre projet et de dévoiler Alzara à un plus large public. Cela nous permettra également de récolter des fonds pour finaliser le développement du jeu et le distribuer dans le monde entier.
On arrive à la fin de notre interview avec notre fameux : un dernier mot pour la fin ?
En guise de mot de la fin, Alzara est une lettre d’amour aux JRPG. Si, parmi les lecteurs, il y a des personnes qui ont grandi avec ces jeux, nous espérons qu’ils retrouveront leur côté enfantin et la sensation de découverte qu’ils ont ressentie à l’époque. Nous espérons que le jeu leur plaira et que, avec ce qu’ils ont vu, ils auront envie de le découvrir davantage. Si c’est le cas, le meilleur moyen de nous soutenir est de participer à notre campagne Kickstarter. Cela nous permettra d’améliorer la qualité du jeu, mais aussi d’être plus forts en termes de négociation dans une industrie qui traverse actuellement une période un peu morose. Nous faisons avant tout ce jeu par amour du genre et des joueurs, et nous avons hâte de le placer entre leurs mains.
Merci à Emma Delage ainsi qu’à Ico de nous avoir donné la possibilité de réaliser cette interview. Pour rappel, Alzara Radiant Echoes est prévu sur PC et console en 2026 et vous pouvez soutenir le projet sur la campagne Kickstarter.
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