Endless Dungeon, le tower defense rogue-lite à la Française dans une station remplie de monstres en tout genre et de mystères, est enfin sorti. Et pour accompagner nos explorations, une magnifique bande originale vous est proposée dans un thème space-western des plus exquis. Il est temps de vous dévoiler les secrets derrières les rifts de guitares et de synthé, le tout accompagné d’un soupçon de nostalgie. JVFrance vous propose, en exclusivité, une interview du compositeur principal Arnaud Roy, magicien derrière l’ambiance sonore de l’univers Endless.
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Bonjour Arnaud, peux-tu te présenter rapidement ?
Arnaud Roy : Bonjour, je suis Arnaud Roy, musicien depuis que je suis tout petit où j’ai commencé la musique avec la harpe quand j’avais 7 ans. Ensuite, j’ai fait des études d’ingénieur du son sans penser que j’allais pouvoir vivre de la musique. J’ai eu la chance de faire des albums avec des copains et quand je suis arrivé dans le jeu vidéo, j’avais déjà un bon background dans la musique. Passant de sound designer à compositeur pour des petites productions comme le jeu Bienvenue chez les Ch’tis sur DS, c’est en 2012 que je rencontre le studio Amplitude pour travailler sur le premier jeu Endless et depuis, je suis en charge des musiques du studio.
Tu as eu un parcours assez intéressant, travaillant sur de la série d’animation en passant par le jeu vidéo chez Amplitude avec l’univers de jeu Endless ou encore Humankind. Peux-tu nous en parler un petit peu plus et pourquoi un tel choix de carrière ?
Arnaud Roy : En fait, à 18 ans, j’avais déjà cette envie de travailler sur des bandes -sons, créer tout particulièrement des sons en rapport avec l’image. C’est la raison de mon choix de partir en école d’audiovisuel axée sur le son, et en l’occurrence sur le bruitage dans un premier temps. Et lorsque j’ai commencé avec les dessins animés, en parallèle, je faisais du jeu vidéo déjà. Et de temps en temps, je travaillais avec Vincent Percevault, gérant de Game Audio Factory (aujourd’hui G4F). C’est lui qui m’a fait rencontrer le studio Amplitude où je suis rentré en tant que directeur audio sur le premier Endless Space, et de fil en aiguille, je me suis retrouvé à réaliser la musique du jeu et des prochains. À partir de là, ma carrière dans le jeu vidéo s’est lancée et j’ai arrêté le domaine du dessin animé pour me concentrer seulement sur du jeu vidéo.
Qu’est-ce que tu apprécies dans ce média ?
Arnaud Roy : Le jeu vidéo est un amour de jeunesse, j’ai grandi avec la NES et la Super NES où j’ai eu ma première claque vidéoludique avec Chrono Trigger ou encore Final Fantasy 6. La musique dans le jeu vidéo transmet des émotions à la manière d’une poésie, je me souviens d’avoir pleuré devant le générique de Secret of Mana par exemple. Et cette idée ne m’a jamais quitté.
Lorsque l’on compose pour un jeu vidéo, en l’occurrence chez Amplitude, est-ce différent d’un film d’animation ?
Arnaud Roy : Les personnes dans le domaine du jeu vidéo sont plus ouvertes d’esprit, en tout cas chez Amplitude, et il est agréable d’avoir plus de temps pour faire les choses, composer ou encore chercher des références. Là où un film d’animation, il y a plus de chance de travailler dans le rush, alors que dans la production d’un jeu, je peux avoir plus de temps en suivant le processus de création depuis le début de la production. De plus, il y a l’idée de l’interactivité dans un jeu. Les tracks doivent être composées comme des pièces de puzzle pouvant s’emboiter en fonction du moment, de l’action et/ou de la zone.
Avec Endless Dungeon, c’était l’occasion de changer de style comparé aux autres titres de la franchise. Un petit défi ?
Arnaud Roy : Avec l’univers de Endless Space, nous sommes plus sur des thèmes spatiaux et fantasy, Humankind était beaucoup plus orchestral et dans Dungeon of the Endless, l’avant Endless Dungeon, nous sommes dans quelque chose de plus atmosphérique avec des instrumentations très simple, dépouillées et du synthé. Endless Dungeon reprend cette originalité de ce dernier, et j’ai tenté de le moderniser. Étant un rockeur frustré, dès que j’ai senti que je pouvais mettre de la guitare, j’étais content, surtout que l’esthétique ayant changé, je pouvais plus facilement justifier l’utilisation de cet instrument.
En voyant le trailer de présentation, on sent les inspirations western ou plutôt space-western, peux-tu nous en parler ?
Arnaud Roy : Avant tout, je m’inspire de ma période lorsque j’étais adolescent, les vieilles musiques sont plus intéressantes d’un point de vue poétique comparée à celles actuelles. Concernant le space-western, je me suis inspiré de différents types de rock avec le rock, post rock ou encore le rock progressif comme Tortoise ou encore Rage againts the machine avec le néo-métal. Proposant des rifts bruts et des sonorités assez recherchées, ce sont des choses qui m’ont grandement inspiré et aussi par plaisir de pouvoir remettre les mains sur une guitare.
En plus de la composition, tu as eu l’occasion de collaborer avec Lera Lynn et le guitariste Thomas Ottogali. Comment c’était de travailler avec eux ?
Arnaud Roy : Pour Thomas Ottogali c’était plus simple de travailler ensemble, habitant dans la même ville que moi, nous nous sommes retrouvés plus facilement. Il a beaucoup apporté à l’album côté esthétique, mais aussi avec sa technique à la guitare comparée à ce que je peux produire avec cet instrument. Pour Lera, je l’ai découverte sur le jeu Kentucky Route Zero dont elle avait déjà prêté sa voix. J’avais beaucoup apprécié sa subtilité et sa mélancolie, je l’ai donc contacté pour qu’elle puisse poser sur l’album de Endless Dungeon. C’était un peu plus compliqué que Thomas, on lui a demandé de chanter sur 4 titres ou plutôt 4 thèmes concernant la libération, la mythologie Endless, la baston contre des monstres et le sentiment d’être à la maison. De ces thèmes, elle a proposé 4 bandes d’enregistrement que nous avons tout de suite acceptées, sans même devoir les retoucher. C’était très sympathique et très rapide mine de rien.
Quel est le titre que tu as préféré composer pour Endless Dungeon ?
Arnaud Roy : Quand on compose les morceaux d’un album de jeu, ceux-ci reçoivent des titres seulement à la fin de la production. Donc je pourrais te dire la Track 03 ou encore 04. Sinon, il s’agit surement de Dust Echos. C’est un peu ma madeleine de Proust, car le rift de guitare présent dans le titre date de quand j’avais 16 ans. Je me souviens l’avoir composé sur le bord de la plage, cherchant à faire bonne impression. Finalement, il se retrouve dans une station spatiale remplie de créatures en tout genre. Si je devais prendre une deuxième track, cela serait Station Blues dans le Saloon, avec un blues simple, mais émotionnel.
Parlons du jeu maintenant, quel est ton endroit préféré ? Et ton personnage ?
Arnaud Roy : N’étant plus un très gros joueur, ce sont plus les biomes qui m’ont marqué. Étant donné qu’il y a beaucoup de soundscapes, soit les sons en arrière-plan comme des oiseaux ou encore le bruit des machines, cela crée une ambiance particulière où la musique se mêle à cette ambiance sonore. Ainsi, le Jardin de Piété, ou Devotion Garden, est mon biome préféré du jeu proposant des atmosphères très belles. Les autres ne sont pas mauvaises non plus, car le niveau de l’IA propose lui aussi de belles sonorités. On s’était d’ailleurs posé la question pour réaliser des thèmes spécifiques à chaque personnage, mais elle fut très vite abandonnée.
Et plus largement, qu’elle est la BO de jeu qui t’a le plus marqué ?
Arnaud Roy : Doom Eternal ou encore Hades ont de très belles BO. Mais plus globalement, c’est le travail de Austin Wintory qui m’impressionne toujours autant. Il est le compositeur du jeu Journey ou encore Banner Saga par exemple, c’est une référence de choix parmi les compositeurs de jeu vidéo.
Si on te donnait le choix de composer pour n’importe quel type de jeu, quel univers adorerais-tu faire ?
Arnaud Roy : En ce moment j’aime bien le retro-futuriste. Alors j’aimerais bien refaire un jeu avec des sons modernes, mais passer dans une cassette ou un magnétophone, à la manière d’un Stranger Things ou à la Carpenter Brut. Et pourquoi pas le faire sur un Point & Click.
Un dernier mot pour la fin ? D’autres projets que tu peux nous partager ?
Arnaud Roy : Concernant les autres projets, je ne peux pas en parler, je suis encore sous embargo. Sinon, le jeu vidéo est un média très plaisant à vivre avec des gens très passionnés et passionnants, bienveillants et à l’écoute. Grâce à ce média, j’ai la chance de pouvoir tester et essayer plusieurs styles, mais aussi de me tromper, c’est une liberté à ne pas négliger. Le média du jeu vidéo est très varié et il se passe plein de choses différentes. J’encourage tous les musiciens à essayer de composer sur du jeu, ou alors de faire des petits jeux pour tester, car c’est une expérience assez unique.
Merci à Arnaud Roy pour nous avoir accordé un peu de son temps et d’avoir répondu à nos questions. Vous pouvez retrouver l’ensemble des albums de Arnaud Roy pour Amplitude sous le pseudo FlyByNo ainsi que précommander le vinyle de Endless Dungeon à cette adresse.
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