S’il y a bien un visage connu des joueurs de MMORPG, il s’agit de celui de Naoki Yoshida, l’homme qui a repris d’une main de maître Final Fantasy XIV Online alors que le lancement de ce dernier avait provoqué grogne des joueurs et critiques acérées. Depuis ce lancement un peu chaotique, le jeu a pu renaître de ses cendres jusqu’à devenir l’un des jeux massivement multijoueur les plus populaires et il y a de quoi : entre un suivi exemplaire, de nouveaux contenus réguliers et un producteur autant à l’écoute des joueurs, comment ne pas se transformer en un hit en puissance ? Nous avons donc profité de la gamescom 2019 afin de poser quelques questions à celui que l’on appelle Yoshi-P au sein de la communauté FF XIV, accompagné d’un autre grand nom du jeu (Banri Oda) afin d’en savoir plus sur la création des extensions, le système d’adjuration ou encore un éventuel passage par les plateformes de cloud gaming pour le titre de Square Enix.
Pour commencer, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs qui ne vous connaissent pas encore ?
Naoki Yoshida : Je suis Naoki Yoshida, producteur et directeur de Final Fantasy XIV. Il s’agit d’un cas un peu particulier dans lequel le directeur s’occupe également des tâches du producteur. Je prends également part à de nombreux autres éléments comme le game design, le marketing ou encore les relations presse. Ma mission est d’étendre autant que possible l’univers du jeu, c’est la raison pour laquelle je définis la direction qu’il doit prendre.
Banri Oda : Je suis Banri Oda, j’endosse plusieurs rôles également puisque je dirige l’équipe en charge de l’écriture du scénario mais aussi de celle en charge de la création du lore (ndlr : l’univers du jeu) de Final Fantasy XIV.
Pourriez vous nous expliquer comment se déroule l’écriture et la création d’une extension telle que Shadowbringers ?
Naoki Yoshida : La base pour la création d’une extension est toujours la même. Je vais prendre l’exemple de Shadowbringers : environ 2 mois après la sortie de la précédente extension, Stormblood, j’ai commencé la création du prochain contenu dans les grandes lignes et l’ai soumis aux différentes équipes qui travaillent sur le jeu. Les premiers éléments qui émergent sont donc les nouvelles zones de jeu, les nouveaux jobs à implémenter, les nouvelles races ainsi que les nouveaux donjons. Les équipes en charge du jeu travaillent sur tous ces aspects. Pour ce qui est du scénario et du cadre, ce sont Oda et ses équipes qui s’en occupent, il va donc pouvoir vous expliquer cet aspect.
Banri Oda : L’équipe en charge du scénario principal se retrouve avec Naoki Yoshida dans un bureau dans lequel ils s’enferment afin de faire le point sur l’intrigue et les idées. Une fois que la direction et que la trame ont été définies à la suite de ces rendez-vous intensifs, c’est au tour de tout l’aspect créatif et des concepts d’être mis en place pour les ennemis ou encore les différents lieux par exemple. C’est à ce moment là que les équipes en charge du design peuvent commencer à travailler avec tous les éléments déjà mis en place. Au même moment, les équipes travaillent sur les patchs .XX (les patchs mineurs qui interviennent entre les mises à jour majeures) et les mises à jour. De ce fait, on travaille en parallèle sur les différents types de contenus. Il s’agit donc vraiment de plans sur le long terme.
Quels sont les plus gros défis pour vous lorsqu’il s’agit de créer une nouvelle extension de Final Fantasy XIV?
Naoki Yoshida : En parlant des extensions en règle générale, sortir une nouvelle extension signifie élargir l’expérience de jeu offerte aux joueurs. Il faut s’assurer que les critères de qualité seront atteints afin d’offrir un résultat à la hauteur des attentes. Par exemple, à l’époque d’Heavensward, des montures volantes étaient nécessaires donc nous avons donné au joueur la possibilité de voler. Pour Stormblood nous avons donné la possibilité aux joueurs de plonger afin d’explorer les océans et les mers tout au long de l’aventure. Dans le cas de Shadowbringers la chose que nous avions le plus envie d’approfondir était le scénario donc nous avons donné la possibilité aux joueurs de s’immerger au mieux dans la narration et de jouer en solo bien qu’il s’agisse d’un MMORPG avec le système d’adjuration. Ce qui a été cité là ne sont que des exemples mais concrètement notre but est de toujours améliorer la qualité du jeu, c’est ce que l’on entend par le terme « extension ». Il est très important pour les équipes qui travaillent sur ces contenus d’avoir sans cesse de nouveaux challenges mais aussi de voir le résultat afin de constater en quoi l’expérience de jeu est-elle différente ou meilleure. Nous prenons cela très au sérieux et c’est un point très important pour nous.
Final Fantasy XIV est un MMORPG et est donc conçu pour être vécu avec les autres joueurs. Qu’est-ce qui vous a motivé à implanter le système d’adjuration qui permet de jouer avec des IA ?
Naoki Yoshida : Je suis moi-même un joueur de MMO bien que j’apprécie également les jeux solo, et je me suis dit qu’il serait intéressant d’intégrer des éléments de jeux solo aux MMO. Ceci dit, bien que nous ayons ce système d’adjuration, cela n’invalide pas pour autant le fait de former un groupe avec d’autres joueurs afin de jouer avec eux. Au contraire, afin de jouer de façon réellement efficace, les joueurs préféreront probablement former un groupe à l’aide du matchmaking. Avant l’arrivée de Shadowbringers, les joueurs n’avaient pas la possibilité de recruter des NPC pour compléter des donjons. Désormais, ils ont le choix. S’ils veulent favoriser l’expérience et être plus efficaces en combat ils peuvent jouer avec d’autres joueurs. S’ils préfèrent favoriser l’immersion dans l’histoire, profiter à leur rythme et en apprendre plus sur les personnages, ils ont maintenant ce système d’adjuration. De plus, avec ce système, si vous êtes un peu réticent quant à l’idée de changer de job pour un que vous n’avez jamais essayé, vous n’avez pas à vous soucier de cela car il permet de voir en tant réel et sur le terrain ce qu’ils donnent. Il y a aussi un lien avec les statistiques et la façon dont il est utilisé. Les gens ont plus souvent tendance à rechercher les jobs qu’ils connaissent ou avec lesquels ils sont familiers avec le système de recrutement ou de recherche d’équipe. Cela a permis à l’équipe de prendre conscience qu’il fallait donner le choix aux joueurs.
Final Fantasy XIV fait partie des MMORPG les plus populaires mais n’est disponible que sur PS4 et PC, ce qui limite forcément son audience. Pensez-vous que l’arrivée du cloud gaming et d’un service comme celui de Stadia pourrait vous intéresser et vous permettre de rendre votre jeu encore plus accessible ?
Naoki Yoshida : Pour ce qui est de la possibilité d’étendre Final Fantasy XIV au cloud gaming, les équipes de développement y réfléchissent et réalisent des tests en ce moment. Cependant les MMORPG ont un fonctionnement complètement différent des jeux solo. Par exemple, dans le cas d’un FPS joué en cloud gaming, la communication se fait uniquement entre deux machines (le serveur du jeu et la machine qui la fait tourner) pour ce qui est des graphismes et du rendu. Pour Final Fantasy XIV en revanche nous avons nos propres serveurs pour le jeu en ligne. Dans notre cas, il n’y aurait donc pas un seul serveur s’occupant du rendu du jeu mais un autre qui s’occuperait du traitement des données. Et si nous ajoutons un serveur cloud dans l’équation citée avant, cela ajoute une étape en plus dans l’envoi et la réception des données. Pour les FPS donc, il y a seulement une étape pour l’envoi/transmission du signal, mais pour un MMORPG il y a plus d’étapes. De plus, la transmission des données entre le serveur de jeu et le serveur cloud est dépendante de la vitesse à laquelle elles sont envoyées. Étant donné la situation et la technologie actuelle, cela serait stressant pour les joueurs afin d’avoir un résultat correct. À moins d’avoir l’environnement adéquat ou bien les installations requises, cela serait compliqué. Il faudrait notamment attendre le déploiement de technologies telles que la 5G dans le monde pour rendre cela possible au plus grand nombre. Nous nous attendons à ce que cette technologie commence à faire ses débuts l’année prochaine, cela prendra donc du temps avant que tout le monde puisse être raccordé à ce réseau. Il faudrait attendre 3 à 4 ans pour que cette technologie devienne monnaie courante dans le monde. Si cela finit par devenir un standard, nous pourrons nous pencher sur cette possibilité. Mais en attendant qu’elle perce, cela sera compliqué de rendre une telle opération possible.
La rédaction de JVFrance tient à remercier Naoki Yoshida et Banri Oda pour leur disponibilité et leur sympathie ainsi que l’interprète et le staff chargé des relations presse ayant rendu cette interview possible.
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