Dishonored 2 est sans conteste l’un des jeux les plus attendus de cette fin d’année. Le premier épisode, sorti en 2011, a marqué nombre de joueurs et forcément, sa suite est extrêmement attendue. Au rayon des nouveautés pour le deuxième volet, le fait qu’Emily soit désormais jouable et une aventure se déroulant dans une nouvelle ville : Karnaca. Le studio Arkane, représenté par Jérôme Braun, Senior System Designer, et Jean-Luc Monnet, Assistant Directeur Artistique et Lead Concept Artist, nous a consacré du temps pour répondre à nos questions sur le jeu.
Bonjour messieurs, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Jérome Braun : Je suis Jérôme Braun, Senior System Designer. Je m’occupe de la partie création, des designs et de l’implémentation des mécaniques du jeu.
Jean-Luc Monnet : Et moi je suis Jean-Luc Monnet, Assistant Directeur Artistique et Lead Concept Artist. Je m’occupe de la création de l’univers, et des concepts artistes. En gros je suis en charge de designer et créer tout l’univers du jeu avant que cela soit modélisé dans le titre.
Pouvez-vous nous dire quelles seront les principales nouveautés de ce nouvel opus ?
J.B : En premier lieu, il y aura un nouveau personnage jouable avec de nouveaux pouvoirs. Les pouvoirs de Corvo, qui restent jouables bien évidemment, ne bougent pas et sont identiques à ceux du premier épisode. Emily, en revanche, dispose d’une nouvelle palette de compétences. Donc, plein de nouveaux pouvoirs, et tout ce qui existait déjà dans le premier épisode a été revu et corrigé pour être amélioré. L’IA et le sound design ont également été améliorés. Et bien évidemment, la nouvelle ville, Karnaca, fait son arrivée.
L’univers de Dishonored est extrêmement riche. Où avez-vous puisé votre inspiration ? On ressent une orientation Steampunk dans ce monde.
J-L.M : Oui, effectivement, on dit souvent que c’est du Steampunk. Mais on voulait pas forcément en faire. On a hérité de ce style, on nous a donné ce style. C’est cool. La période Victorienne est souvent associée à ce style-là mais nous, c’est surtout une époque qui nous plait, comme tous les prototypes qui sont exposés au Musée des Arts et Métiers, ou toutes les matières un peu nobles comme le cuivre, le bois, c’est tout ça qui nous a inspiré. Également, tout ce que l’on peut trouver dans les musées en termes de peintures, notamment dans les peintres du mouvement réaliste du XIX siècle. Là par exemple pour Dishonored 2, nous sommes allés chercher du côté des Russes, car il y a de superbes peintures. On a vraiment plusieurs sources d’inspiration, même chez des sculpteurs.
Entre Dishonored 1 et 2, quinze années se sont passées. L’univers a-t-il beaucoup changé ?
J.B : Les joueurs s’y retrouveront, même si on a changé de ville. On va revoir Dunwall avec 15 ans de plus aussi, mais en si peu de temps, les choses n’ont pas véritablement changé. Un peu comme dans la vraie vie. On a aussi décidé de garder certains objets du premier épisode pour que les joueurs puissent constater une certaine évolution chronologique.
Qu’est-ce qui vous a motivé à implémenter des pouvoirs lors de la création du personnage du premier opus ?
J.B : Ce n’est pas tellement le fait que ce soit des pouvoirs en fait. C’est surtout de savoir ce qu’il y a de plus facile à combiner ensemble. Si tu te dis que dans ta main gauche il n’y a qu’une arme à feu, tu en fais vite le tour. Et justement, le fait que cela soit des pouvoirs se prête bien à la combinaison de mouvements. Tirer un coup de feu, arrêter le temps, posséder un ennemi. Tout cela favorise la création d’un « bac à sable » d’expériences pour le joueur. Sans les pouvoirs, cela serait impossible.
Quand vous voyez les joueurs jouer, vous arrive-t-il de constater que certains d’entre eux avancent d’une manière à laquelle vous n’avez pas pensé ?
J.B : La plupart du temps oui. Comme vous pouvez le constater sur certaines vidéos plus ou moins récentes de Dishonored 2, les joueurs jouent un peu comme ils le souhaitent. L’expérience de Dishonored 1 nous a permis de mettre en place dans le 2 des éléments très cools et très intéressants si quelqu’un se donne les moyens d’explorer à fond les possibilités qui lui sont offertes.
Est-ce qu’il y aura de nouvelles armes dans ce nouvel opus ?
J.B : Pas de nouvelles armes, on a rajouté de nouveaux gadgets. Et les armes du premier opus sont de nouveau-là, mais avec de nouvelles munitions.
Est-ce qu’il y aura toujours des embranchements dans les missions ?
J.B : Ce sera toujours le cas. Par exemple, vers la moitié du jeu, vous allez pouvoir vous allier ou non avec une faction qui peut être ennemie avec le joueur. Il y aura donc un choix à faire. En fonction de qui tu as aidé, en fonction d’avec qui tu t’es allié, tu pourras recevoir de l’aide plus tard. Et bien sur, il y a toujours des petites missions annexes au sein d’une même mission. Et tout cela aura encore une fois une influence sur la fin du jeu.
Est-ce qu’entre Emily et Corvo le routing, l’enchaînement des missions, sera le même?
J.B : La trame scénaristique et l’enchaînement des missions ne bougeront pas. Par contre, tu auras des monologues différents entre Emily et Corvo. Tu peux par exemple te rendre compte en jouant avec Emily qu’elle est désabusée sur l’usage du pouvoir qu’elle a en tant qu’Impératrice. Elle fera des commentaires sur la pauvreté dans les rues, etc. Tout cela dépendra aussi du niveau de Chaos que tu es entrain de mettre dans la ville.
Le système de Chaos est donc bien toujours présent ?
J.B : Oui. En sachant que c’est bien plus subtil que dans le premier épisode. Chaque personnage est unique dans le chaos qu’il va engendrer. Si tu utilises le coeur, tu auras des petites indications. Le coeur fera une petite remarque sur le personnage. Ce qui permet de savoir si quelqu’un est « méchant » ou « gentil ». Évidemment, en fonction de qui tu vas tuer, le Chaos engendré sera différent.
Pensez-vous qu’en termes de Speed Run, la communauté sera autant investie qu’elle ne l’est pour le premier épisode ?
J.B : Je pense que cela sera encore complètement le cas. On a gardé toutes les mécaniques du jeu. Et les nouveaux pouvoirs d’Emily vont en plus favoriser cela.
En termes de Design, le plus gros challenge a-t-il été de créer un monde ouvert mais pas trop non plus pour ne pas perdre le joueur ?
J.B : Comme créer des murs invisibles tu veux dire ? -rire- Bon, déjà ça chez nous c’est interdit. Il y en avait pas dans le premier, il n’y en aura pas dans le second. On essaye d’avoir une bonne balance entre ce qu’on permet au joueur, la verticalité qu’on lui donne et ce qu’on lui interdit. Mais si on interdit, on doit le faire de manière logique. Soit il y a de l’eau, soit un précipice.
J-L.M : En design, on travaille en collaboration avec les autres départements. On essaye de trouver des feintes, de cloisonner les niveaux sans que ça se voit. Par exemple, il y a des portes pour cloisonner les quartiers. Il y a des murs, etc.
Bethesda a récemment annoncé ne plus envoyer les copies de jeu à la presse et autres influençeurs avant la sortie du jeu. Qu’en pensez-vous ?
J.B : Honnêtement, pas grand chose. Nous, on est juste garant de livrer le meilleur produit final, après c’est Bethesda qui distribue. Donc on n’a pas vraiment d’avis sur la question.
Quand vous conceptualisez des designs. Vous mettez-vous des freins ? Comme vous dire « non cela risque d’être trop compliqué à développer ».
J-L.M : Tout se fait en collaboration au studio Arkane. On essaye d’intégrer toutes les contraintes du game design dans un objet et puis on essaye de faire rentrer avec ce qu’on a envie de mettre dedans. Et si ça colle avec leurs intentions, on essaye jusqu’à ce que cela passe.
J.B : A l’opposé, si un concept d’art ou d’ennemi est super cool, nous aussi on peut l’utiliser et on fait tout pour le faire. Entre les différents corps de métier, on communique beaucoup sur nos idées différentes. Si tout le monde est convaincu que c’est une bonne idée, chez Arkane, on met tout en œuvre pour le faire.
Qu’est-ce que vous préférez dans Dishonored 2 ?
J.B : Vraiment au niveau système et design, que tout fonctionne avec tout. C’était un peu la promesse du premier. Et sans doute ce qui a fait son succès. On a reproduit cela dans le deuxième épisode. Je trouve cela fantastique. Car cela veut dire que quand tu le mets dans la main des joueurs, tu auras forcément une façon de jouer à laquelle tu n’as pas pensé et ce qui permet de faire sortir une sorte de nouveau gameplay émergent.
J-L.M : Moi, mon truc préféré, c’est la ville, Karnaca. Elle change vraiment de Dunwall où tout était gris et terne. Là, c’est une ville ensoleillée et tropicale. Et on voulait montrer qu’on arrive à faire du glauque et du macabre dans un environnement paradisiaque. La manière dont on a conçu et développé cette ville a été un super moment pour nous. Et le résultat est, je trouve, assez fou et impressionnant. C’était plein de contraintes aussi mais… c’était vraiment un véritable plaisir.
J.B : Oui, je rejoins Jean-Luc sur ça. Pour nous, la ville est clairement un peu comme un troisième personnage jouable.
Avez-vous quelques mots pour nos lecteurs ?
J-L.M : Strapontin, parce que j’aime bien ce mot. Pompe à huile et Steampunk.
J.B : Honnêtement, le jeu il est pour vous. Prenez-le en main et faites tout ce que vous voulez avec. Il est censé le supporter.
Cette interview a été réalisée le 27/10/2016 sur le stand Bethesda lors de la Paris Game Week 2016.
La rédaction de JVFrance tient à remercier Jean-Luc Monnet et Jérôme Braun pour leur disponibilité et leur sympathie ainsi que l’ensemble du staff de Bethesda pour avoir rendu cette interview possible.
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