Plus qu’une semaine avant que les amateurs de rallye se retrouvent sur le prochain gros titre signé Codemasters : DiRT 4. Basé sur une franchise qui tire ses origines de Colin McRae Rally il y a presque 20 ans, le jeu propose toujours des idées innovantes, à l’instar de l’acclamé DiRT Rally. Afin d’en savoir plus sur cet épisode, nous avons eu la chance de rencontrer Paul Coleman, game designer en chef depuis près de 10 ans sur la franchise. L’occasion pour nous d’obtenir des détails supplémentaires sur les nouveautés, et discuter autour de sujets inédits comme la VR, Nintendo, la disparition du multijoueur local ou encore la position des DiRT dans l’industrie des jeux de course.
Bonjour Paul, pourrais-tu te présenter en quelques mots à nos lecteurs, et nous en dire plus sur ton travail au sein de Codemasters ?
Mon nom est Paul Coleman, je suis game designer en chef sur DiRT 4. Je travaille sur la conception des jeux depuis le premier DiRT. Mon rôle est – essentiellement – d’être la voix du joueur en studio, de m’assurer que nous faisons le jeu le plus proche possible du sport réel. Je passe donc beaucoup de mon temps à parler avec la communauté, à entendre ce qu’ils souhaitent. J’essaie de faire en sorte que leurs requêtes soient ajoutées dans le jeu.
Nous sommes à quelques jours du lancement de DiRT 4. L’épisode intervient après un DiRT Rally très bien reçu, dont vous avez d’ailleurs emprunté l’adrénaline et le réalisme. Les joueurs doivent s’attendre à quel type de gameplay exactement ?
Définitivement de la haute adrénaline. Ce que nous avons essayé avec DiRT 4, c’est de construire un jeu qui a beaucoup plus de portée, là où nous choisissions auparavant, de manière automatique, si c’était de l’arcade ou de la simulation. Parce que les réactions suite à la sortie de DiRT Rally étaient si positives qu’elles nous ont conforté dans le choix de maintenir des éléments de simulation au sein de DiRT 4. Nous avons amélioré la dynamique de l’air, les voitures sont modélisées de manière plus précise et il y a aussi des améliorations pour les pneus et les surfaces (notamment pour le rallycross).
Mais ce sont des exemples pour la simulation. Nous savons que beaucoup de fans ont eu du mal avec DiRT Rally, ils voulaient jouer mais n’avaient pas le temps de s’investir et d’apprendre les techniques. Nous avons donc pris du recul, et essayé de trouver comment rendre le jeu plus accessible pour un maximum de personnes. Et pour ce faire, nous avons introduit le choix de conduite. C’était très important pour nous d’offrir aux joueurs une opportunité de se lancer dans l’expérience, de prendre une manette, de jouer au jeu et de ressentir les sensations du rallye. Maintenant, ces joueurs peuvent continuer à faire tout le jeu avec une conduite spécifique, tout en passant du bon temps. C’est fun, rapide et dangereux donc c’est génial.
Si tu veux aller plus loin, tu choisis alors la simulation et cela ouvre les portes d’un autre challenge. Mais vraiment, nous savons qu’il y a beaucoup de joueurs qui n’ont pas le temps de s’investir, qui n’ont pas nécessairement l’envie d’apprendre comment bien conduire l’un de ces véhicules. C’est donc important pour nous de présenter un jeu qui leur offre l’opportunité de profiter de chaque circuit et de chaque course au même niveau qu’un amateur de simulation sans exiger une base de connaissances. Voilà ce que nous avons mis en place avec DiRT4.
Nous savons aussi qu’il y a beaucoup de joueurs qui ont joué à DiRT 3 mais n’ont pas fait DiRT Rally. Je pense que ce qui était cool avec Rally, c’est que tous les participants ne s’étaient pas intéressés à DiRT avant, car ce n’était pas une simulation. A présent, nous avons l’opportunité de faire les deux et pour moi c’est super.
En parlant de gameplay, certaines personnes savent peut-être que si tu es « chief game designer » sur la série, tu es également un véritable co-pilote de rallye. Comment cette expérience te permet de contribuer au développement ?
En effet, je sais ce que c’est que de s’assoir dans l’une de ces voitures et participer à des compétitions. Aussi sur l’atmosphère, la manière dont l’événement se déroule autour de toi, sur les choses qui peuvent te distraire quand tu es sur le terrain. Tu sais, je parle toujours de la conduite comme si j’étais le pilote, alors que je suis le co-pilote. Mais je ressens tout ce qu’il ressent quand il y a une distraction.
J’ai contribué aux éléments qui peuvent te faire sortir de la zone de confort, ceux qui séparent le joueur distrait face à celui qui continuera sa course sans laisser l’hélicoptère au-dessus de sa tête détourner son attention. C’était l’un des domaines clés que nous voulions améliorer, parce que je pense que nos précédents jeux donnaient cette idée de grandeur, de course à travers le monde. Maintenant cela devrait être beaucoup plus comme si tu prends part à une importante compétition : les opposants se retirent de la course, les drones volent trop près de la voiture, les animaux traversent la route en face de toi, et tous ces autres moments qui nourrissent l’idée de conduire dans des rallyes pour de vrai. Tout cela; avec en plus vos circuits créés dans DiRT 4, grâce à une technologie incroyable, qui renforcent cette idée d’aller participer à un rallye. C’est du jamais vu dans les compétitions auparavant.
Le co-pilote doit donner des informations de manière précise. Quand ces détails passent dans la tête du pilote, il se projette l’image de la route et peut conduire de manière plus agressive. C’est exactement le type d’exemple que nous essayons de reproduire, et je pense que cela fonctionne très très bien. Le challenge pour nous fut d’être certain que ce système marche avec les niveaux générés aléatoirement. L’équipe a fait un travail fantastique, je suis si fier du résultat.
Un contenu encore plus conséquent est attendu pour DiRT 4, dont un mode où tu peux créer ta propre course de A à Z. C’est très intéressant car peu de studios proposent cela aujourd’hui. Pourrais-tu nous en dire plus dessus ? Est-ce que cela a été un vrai challenge ?
Absolument. Nous avons en fait commencé à travailler dessus depuis la fin de DiRT 3. Comme le jeu n’avait pas assez de circuits, les fans en voulaient davantage mais c’était trop cher à distribuer pour nous. Nous ne pouvions pas répondre à ce besoin d’un point de vue business, cela ne faisait aucun sens de faire toujours plus de courses et de les vendre à de moins en moins de personnes au fil du temps.
Nous devions donc trouver un autre moyen de fournir cette sensation de rallye, sans avoir à faire de nouvelles pistes à chaque fois. L’idée a ainsi démarré en 2011, nous l’avions sur le papier et je pense que nous savions comment la réaliser. Mais ce n’est qu’après DiRT Rally que nous avions constaté cet engouement pour le rallye, et ça nous a alerté sur le fait d’arrêter de toujours développer des jeux de la même manière, et repenser nos méthodes. Donc oui, DiRT Rally est la raison pour laquelle nous avons pris la décision de transformer ce concept en réalité.
Le système est vraiment compliqué, nous faisons beaucoup de calculs et d’algorithmes en arrière-plan. Nous voulions rendre l’expérience du joueur la plus immédiate possible. Quand tu génères un niveau, tu vois le circuit de manière presque instantanée et tu le charges quand tu es satisfait. Quelque soit la piste que tu joues en carrière, en ligne contre des amis ou des personnes que tu n’as jamais rencontré, tu peux la sauvegarder dans tes favoris si elle te plait pour l’utiliser en compétition. C’est vraiment l’élément qui change tout, aucun autre studio a réussi à faire ça. Parce que nous faisons des jeux de rallye, et c’est ce que nous concevons en studio, nous pouvons nous concentrer sur un seul et même potentiel dans le système. Et c’est pourquoi je pense que c’est le meilleur exemple de générateur de niveaux existant.
C’est donc en fait une très vieille idée mais vous avez la technologie maintenant pour ça.
Oui, je suis absolument ravi de voir comment cela a tourné. J’ai stressé (rires) : “Ce n’est que le début, c’est notre façon de dire qu’on peut le faire” et maintenant je dois retourner au studio, m’asseoir avec l’équipe et me dire “Qu’est-ce qu’on fait désormais ? Qu’est-ce qu’on peut construire de plus avec ça ?”. Les possibilités sont gigantesques, et je pense que le plus gros challenge va être d’améliorer ceci, sans pour autant trop se projeter.
Alors que DiRT Rally était sorti sur PC bien avant les consoles, DiRT 4 va cette fois-ci arriver sur PS4, PS4 Pro et Xbox One en même temps. Comment avez-vous pu rendre cela possible ? Est-ce que vous avez pu d’ailleurs utiliser la puissance de la PS4 Pro et, potentiellement, la Xbox Scorpio (même si cette dernière sortira bien après le jeu) ?
Nous avons beaucoup d’expérience en matière de travail avec le PC, et ce qui est bien avec ces nouvelles consoles, c’est qu’elles se rapprochent de plus en plus de ce support. Nous savons que nous pourrons supporter ces consoles quand il faudra. Je ne veux pas faire de promesses pour la Scorpio parce qu’elle ne sortira pas avant un moment, mais nous avons les kits de développement au studio. Il y a vraiment une opportunité de faire quelque chose avec.
Et la PS4 Pro, nous avons des améliorations c’est sûr, mais je ne vais pas te dire précisément lesquelles parce qu’à chaque fois que j’essaye de le faire, mes collègues me disent “Oh non tu n’as pas dit ceci ou cela correctement” (rires). Donc oui il y a bien des améliorations, mais je ne peux pas entrer dans les détails.
C’est vraiment une période excitante, je pense que la nouvelle étape va venir avec la Scorpio. Je pense que c’est une machine très intéressante, qui sera ceci dit assez chère (je dirais autour de 700€). Il y aura des joueurs qui seront bien heureux de mettre leur argent dedans. Nous devons encore voir si cela sera de plus en plus à la mode ou non.
On oublie pas les joueurs Nintendo : est-ce qu’un jeu DiRT pourra éventuellement arriver sur Switch ?
Je ne sais pas si un DiRT pourra arriver sur Switch, parce que nous nous basons vraiment trop sur la puissance du processeur. Et je pense qu’il nous faudrait plus d’assistance de la part Nintendo, qu’ils voudront peut-être nous fournir, car c’est important pour nous qu’un maximum de joueurs profitent de la franchise. Mais rien n’est prévu pour le moment.
Cela doit être en effet compliqué techniquement.
Oui, je pense qu’il pourrait y avoir – au bout d’un moment – une possibilité de proposer quelque chose de different sur la Nintendo Switch, basé sur l’innovation et non les graphismes.
Vous aimez l’innovation et tentez de nouvelles expériences, c’est pourquoi vous avez proposé pour la première fois un mode VR avec DiRT Rally. Avez-vous toujours l’idée d’intégrer cette fonctionnalité dans DiRT 4 plus tard ?
Nous n’avons pas encore décidé en fait. Le développement de DiRT 4 a été intense avec la nouvelle technologie du générateur de pistes, nous avons travaillé plusieurs heures supplémentaires, bien avant Noël, afin d’être certains que le jeu soit terminé à temps. Maintenant que c’est le cas, nous pouvons réfléchir aux prochaines étapes. Il pourrait y avoir de nouveaux contenus, des nouvelles fonctionnalités, nous ne savons pas encore. Mais nous savons que la réaction des joueurs VR a été très positive avec DiRT Rally. Il faut y réfléchir, ce n’est pas moi qui décide malheureusement.
Nous savons que nos meilleurs joueurs sont plus réactifs quand ils conduisent en VR. Il doit y avoir quelque chose à faire avec cette expérience donc, une façon de l’emmener à un plus haut niveau. C’est une technologie excitante, et tu as raison sur le fait que nous adorons ces nouvelles technologies. Mais nous avons des décisions à prendre pour savoir encore où nous irons.
La majorité des jeux de course actuels ont un mode multijoueur en ligne. En revanche, il y en a de moins en moins qui proposent du multi en local. Comment expliquez-vous cela ?
Je trouve que c’est intéressant. Ce type de jeux, où tu t’assois aux côtés de tes amis, a tout intérêt à avoir un multijoueur en local. Je pense néanmoins que le fait de proposer un jeu de rallye, et donc des courses sous forme de « spéciales », nous a conduit à n’être que sur un seul écran.
Mais je ne dis pas que nous avons oublié l’écran partagé. Je pense même que cette fonctionnalité pourrait revenir dans le futur. Nous savons qu’il y a un nombre conséquent de fans qui nous ont demandé de remettre le multijoueur local et si nous le faisons, je veux que ce soit construit de manière propre. Je ne souhaite pas juste ajouter de l’écran partagé et avoir un très mauvais résultat.
On peut constater qu’il y a de plus en plus de jeux de course. Gran Turismo fait par exemple désormais face maintenant à Forza, Project CARS ou Assetto Corsa. De votre côté, on peut citer WRC, Sébastien Loeb Rally Evo ou Project CARS 2 (qui aura du rallycross). Comment la série des DiRT, qui a presque 10 ans, se démarque des autres licences ?
C’est selon moi à travers le niveau d’excitation et notre façon de se concentrer sur un seul genre de jeu de course. Parce que c’est ce que nous faisons, nous nous concentrons sur le rallye, nous n’avons pas besoin d’être en concurrence avec d’autres formes de courses. Et cela nous donne une opportunité de se focaliser sur l’expérience de conduire hors de la piste, ou sur une surface dégagée, à toute vitesse. Donc oui, nous sommes dans une position très privilégiée, mais je pense que ce serait juste de dire que nous avons besoin de tous les genres. Et pour nous, c’est important de ne pas se reposer en se disant “Oh nous sommes les rois, pas besoin d’innover dans ce cas !”. C’est pour cette raison que nous concevons des idées comme le générateur de pistes. C’est passionnant pour nous de maintenir notre position de leader.
Ce ne serait pas amusant s’il n’y avait qu’un seul studio après tout (rires).
Exactement ! Et je trouve que c’est passionnant de voir d’autres studios créer leurs concepts. Je suis impatient de voir ce qu’ils nous réservent d’ailleurs, mais notre passion reste le rallye !
Avant de nous quitter, aurais-tu quelques mots ou conseils à donner à ceux qui sont intéressés par DiRT 4 ?
Oui ! L’élément clé à retenir avec DiRT 4, c’est qu’il s’adresse à tout le monde, que ce soit l’amateur de simulation ou le fan de jeux orientés arcade. Nous sommes arrivés à un point où le joueur a le choix. Mais vraiment, n’importe quelle personne devrait être capable de trouver du challenge, sur tous les types d’expériences. Un amateur de simulation aura toujours des défis pour lui, et les nouveaux venus vont bien entendu trouver de quoi faire. Ils pourront en tout cas évoluer et atteindre des niveaux pourtant réservés aux habitués.
Il n’y a absolument rien à craindre, c’est pourquoi nous avons le slogan “Be Fearless (soyez sans peur)”. Nous voulons que les joueurs se livrent au challenge et fassent du mieux qu’ils peuvent. Globalement, nous faisons un jeu vidéo, et cela devrait être toujours fun. Je pense que DiRT 4 retourne à ses racines, parce qu’il possède la force qu’a la franchise : un jeu à la fois excitant et amusant. La communauté est tellement grande maintenant et je suis heureux que nous ayons encore plus d’expérience. J’ai hâte que les joueurs s’y essayent !
Je vois que vous avez vraiment une passion pour DiRT et le rallye ! J’espère que les joueurs la partageront avec vous.
Tu disais “10 ans pour DiRT” mais tu sais, le premier Colin McRae Rally était sorti en 1998, nous faisons cela depuis encore plus longtemps. Et je ne serais pas encore, pour ma part, à Codemasters si je n’adorais pas cette franchise. Je veux la voir continuer pour toujours. Je ne dis pas ça parce que j’aurais toujours un job (rires) mais parce qu’elle signifie quelque chose pour les joueurs, qui pourront continuer à jouer au dernier et meilleur titre.
DiRT 4 sera disponible le 09 juin 2017 sur PC, PS4 et Xbox One. Retrouvez bientôt notre test sur JV France.
Cette interview a été réalisée le 30 mai 2017, à l’occasion de la soirée de lancement de DiRT 4.
La rédaction de JVFrance tient à remercier Paul Coleman pour sa disponibilité, sa sympathie et sa passion ainsi que l’ensemble du staff de Koch Media pour avoir rendu cette interview possible.
YellowBloom
5 juin 2017 at 13 h 35 min700 Euro la Scorpio. Ha bon. : )